Les nouvelles demandes sociales face à l'école

 

Vous pourrez lire une fiche rédigée à la suite de la conférence prononcée par Antoine Prost au salon de l'éducation en novembre 2002.

Les nouvelles demandes sociales face à l'école.

Comment la promesse de démocratisation est vécue par les différents groupes sociaux ?

I-Préhistoire de la démocratisation

La démocratisation n'était pas une demande sociale : Même si l'école de J Ferry est démocratique dans le sens où elle reconnaît la même dignité à tous les enfants elle ne permet pas une mobilité sociale et est donc conservatrice. On constate par ailleurs que dans les couches populaires, si les parents souhaitaient une légère prolongation de la scolarité, ils n'attendaient pas pour autant une démocratisation plus poussée. C'est dans ce contexte qu'apparaissent les premières mesures de démocratisation de l'école au XX ème siècle : L'école élémentaire est unifiée par la suppression des classes primaires payantes dans des établissements secondaires. Le front populaire prolonge la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans (+1 an) Les groupes sociaux réagissent différemment par rapport à ces réformes :
· La bourgeoisie n'est pas favorable à la scolarisation des classes populaires mais ses avantages culturels sont tels que ça ne la dérange pas réellement.
· La classe intermédiaire (commerçants…) ne se sent pas trop concernée par une démocratisation. Elle veut une généralisation d'un enseignement intermédiaire qui prolonge un peu la scolarité mais le bac paraît trop loin pour elle. La démocratisation n'a donc pas eu lieu bien qu'elle soit portée par : · Des hommes de gauche qui voulaient changer la société
· Les enseignants du second degré car ils y voient la possibilité de se débarrasser des cancres par la sélection par le mérite. L'age moyen des élèves de terminale en 1950 est de 19,3 ans. Certains élèves avaient leur bac a 17 ans et d'autres à 23. Ils y voient aussi un moyen de récupérer les bons élèves gardés par les instituteurs qui les plaçaient dans les écoles primaires supérieurs.
· Les instituteurs qui souhaitent l'élévation de la scolarité

Dans ces conditions la démocratisation ne se réalisera pas avant les années 60.

II- La démocratisation des années 60

A cette période la demande sociale change car il y a une forte croissance économique. Le revenu d'un manœuvre entre 1945 et 1975 a été multiplié par 3,2. Cela permet l'augmentation de la longévité des études des enfants sans pénaliser le niveau de vie de la famille. Par ailleurs la démocratisation va aussi être portée par l'offre car il y a une augmentation du nombre de poste de cadres, des emplois tertiaires…Il y a alors une possibilité de promotion sociale pour bon nombre d'enfants issus des milieux populaires. De nouvelles mesures sont alors prises : 1959 : l'école devient obligatoire jusqu'à 16 ans 1963 :création du collège unique (qui se concrétisera en 1975) et construction de plus de 2500 établissements notamment des collèges. Le gouvernement introduit cette démocratisation pour deux raisons liée au contexte évoqué ci-dessus :
· L'influence du plan : les objectifs du niveau de formation de la main d'œuvre oblige à un développement massif de la formation technique pour obtenir des ouvriers qualifiés. L'enseignement professionnel s'accroît.
· La rationalisation du système : la demande accrue d'école oblige à accueillir des effectifs élevés. Il faut donc créer des collèges. Les résultats de cette politique sont faibles car les enfants d'ouvriers restent défavorisés. En effet les instituteurs orientent les élèves vers la poursuite d'études en fonction du niveau social de la famille et non de leur propre réussite. Ainsi dans l'académie d'Orléans les enfants en terminale étaient issus : 1947-49 1952 1967-68 1981 Classe supérieure 27.7% 18% 18.3% 30% Classe ouvrière 7.7% 16% 18.6% 18.3% Par ailleurs on constate que : En 1948 les enfants de cadres ont 44 fois plus de chances d'avoir leur bac que les enfants d'ouvriers. En 1968/72 ils ont 6.6 fois plus de chances En 1989/92 ils ont 14 fois plus de chances.

III- Les 20 dernières années

Au début, la démocratisation entraîne une augmentation des élèves en 6ème mais elle consiste surtout à remplir les filières professionnelles. Des lors, si entre 68 et 88 le collège et l'enseignement professionnel ont connu une croissance modeste, cela est surtout du, pour ce dernier, à un glissement du CAP vers le bac pro. Le second cycle général et technologique a quant à lui doublé. Le second cycle a l'apparence d'une démocratisation mais il y a eu une modification du sens de l'école pour les différents groupes sociaux qui ont été chahutés par l'évolution sociale :
· Les ouvriers ont subi une crise brutale (lorraine, nord…). Les licenciements, l'impossibilité de promotion sociale ont conduit a une fuite des usines de la part de la population. Les enfants d'ouvriers ne veulent plus y aller. Le recul du parti communiste a renforcé cette idée car celui ci valorisait la condition d'ouvrier et leur donnait une certaine fierté d'appartenir à la classe ouvrière.
· La petite bourgeoisie (des fils de paysans devenus enseignants…) ne veulent pas de la démocratisation car ils craignent une descente sociale de leurs enfants. Ils ont peur de la confusion entre leurs enfants et ceux des milieux populaires. La crise de la démocratisation est une crise de la société à cause de la péjoration du statut d'ouvrier et de l'écart de rémunération entre les générations. Le risque de chômage entraîne l'acceptation de salaires faibles et a pour conséquence une force des plus âgés sur le marché du travail. Ce problème se résoudra sans doute avec l'arrivée des " enfants de la pilule " qui sont moins nombreux (1977) à condition que l'on n'arbitre pas en fonction des plus âgés au détriment des plus jeunes (problème des retraites…)

Pour A Prost, il existe le problème de la pédagogie à l'école. Il faut inventer des méthodes et contenus qui fassent sens aux jeunes. Les élèves ne doivent pas travailler sur des exercices qui leur paraissent absurdes. Il y a une nécessité d'adaptation de l'enseignant à la culture des élèves, question d'autant plus grave que le niveau de recrutement des professeurs est de plus en plus élevé. Pour lui la reconstitution des filières est explosive car elle va être perçue comme une filière de relégation des élèves en échec scolaires qui vont être voués à " l'usine et aux petits boulots ".

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