Voici la retranscription de la conférence prononcée par jean-louis
Auduc, le 9 janvier 2002, sur la violence à l'école. Nous devons cette
retranscription à Fadila Mohammedi CPE1.
Jean-Louis Auduc
On peut avoir l'impression que la violence est un sujet d'actualité,
nouveau, or, depuis une cinquantaine d'années, c'est un terme récurrent
par rapport au système éducatif.
Le premier rapport concernant le développement de la violence à l'école
date du début des années 60, une violence devenue inacceptable à partir
du moment où liée à une mixité sociale.
Dans les années 70, liée au phénomène de massification qui commence
à se produire. Il y a une certaine acceptation d'une violence scolaire
à partir du moment où elle se fait en terme d'initiation.
On admet que des bandes s'opposent très violemment de manière très sexuée,
mais tant que ça reste entre milieu ouvrier, paysan, une certaine catégorie
sociale. Ex : La guerre des boutons.
La structuration de l'habitat, la crise économique des années 70 et
les besoins de compétence : l'école a pris une importance nouvelle par
rapport à l'ensemble des familles. Aujourd'hui, toutes les familles
ont un souci d'école considérée comme un facteur d'élévation sociale.
Le diplôme a pris ces vingt dernières années une importance capitale
: être en échec scolaire = échec social. On attend de l'école qu'elle
permette l'insertion dans la société.
1) Enjeux sociaux et scolaires
Triple violence de l'école : le seul lieu dans la société où on contraint,
où on oriente, où on sanctionne. Par rapport à ça, l'école a aussi à
s'interroger : la violence qu'elle peut induire dans son fonctionnement
par rapport aux personnes qui la fréquentent. On a une école qui fonctionne
relativement bien tous milieux confondus, tout environnement géographique
confondus. Pour les femmes : moyen de libération. L'école ne sait pas
traiter la mixité. Les garçons sont extrêmement en crise par rapport
à leur positionnement à l'école. Qu'a-t-on essayé de faire depuis 20
ans ?
3 notions importantes : - travail par rapport au fonctionnement de
l'établissement, - travail par rapport à la règle de fonctionnement
de l'établissement , - meilleure connaissance des phénomènes de violence
études menées dans quelques départements depuis 96 .
2) Des actions sur le fonctionnement et l'équipement de l'établissement
1er plan concernant la prévention de la violence (1990) avant la prise
en compte nationale lorsqu'on crée les ZEP en 1981, on est dans une
situation d'échec scolaire. On analyse donc l'échec scolaire, on se
réunit pour améliorer la réussite scolaire dans l'établissement. La
question de violences urbaines commencent à se poser : " le Mas du taureau
" en 82 : les écoles primaires relativement protégées mais 1 collège
et un lycée général et technique pour 12 000 habitants, aujourd'hui
il y a 4 collèges et 3 lycées. Avec la massification de l'école, les
gens s'engagent dans les études mais rencontrent des murs : la violence
qui existait à l'extérieur renforcée par la violence de l'école (il
ne suffit pas d'être à l'école pour réussir). C'est ce qui a conduit
le gouvernement à faire le premier plan violence 1991-92 concernant
les lycées sensibles dont les caractéristiques sont :
- la population
- les actes de violence recensées dans et autour l'établissement indépendamment
des questions de réussite scolaire.
170 établissements, collèges et lycées classés sensibles sur Lille,
Lyon, Marseille, Créteil. Le classement " établissements sensibles "
est mieux perçu que les ZEP qui à l'époque de leur création étaient
accusées de remettre en cause le métier enseignant. Etablissements sensibles
: la violence ne venait que de l'extérieur, pas d'actions. Un tournant
en 90-91 autour des établissements sensibles : réflexion sur la place
du lycéen dans l'établissement (textes de 91). Mobilisation contre la
violence. Pour faire du lycéen un acteur de la prévention, le ministère
avait pris un engagement de cohérence par rapport à l'expression des
jeunes. 18/02/91 " Droits et obligations des lycéens ", ce texte a soulevé
des problèmes dans la presse, on est en pleine guerre du Golfe, beaucoup
disent qu'il ne valait mieux pas en parler pourtant le texte le permettait.
L'ensemble des sujets d'actualité abordés à l'école peut être considéré
comme un élément de prévention de la violence, un élément de construction
de la citoyenneté. Des mesures sont prises par rapport aux enseignants
: par rapport aux primes, aux mutations comme dans les ZEP.
Des mesures (4 milliards) sont négociées avec les régions :
- mise en sécurité des établissements clôture systématique des établissements
scolaires, l'espace scolaire n'apparaissait pas comme suffisamment identifiable.
Confusion totale de l'espace scolaire et de la rue.
- Reconnaissance d'un espace spécifique scolaire.
- Développement d'un travail autour des sanctions, collaboration avec
les services de justice, de police, avec les collectivités locales.
- Tout un travail autour de l'appropriation des règles de l'établissement.
- Renforcement de l'éducation civique, à la citoyenneté, à la responsabilité,
élément de prévention.
- Le développement lancé en Seine-Saint-Denis, à partir de 95 sur la
liaison police/justice/éducation nationale.
- Le développement d'une collaboration entre eux autour du signalement
des faits de violence les plus graves permet une information réciproque
des services de justice et de police, et donc un suivi des actes judiciaires.
A l'éducation nationale, à l'époque, il y avait une méconnaissance du
droit. Aujourd'hui, il y a une relation de confiance concernant ces
questions : avoir un travail de confidentialité et d'équité. Un meilleur
travail entre l'éducation nationale et la PJJ. Prolongé par les contrats
locaux de sécurité, la municipalité a fait de la diminution de la violence
à l'école, un enjeu. Bilan de ces éléments : 2 plans successifs, l'un
de François Bayrou en 96 et un autre de Claude Allègre en 97 concernant
la prévention de la violence à l'école. Dix sites d'intervention en
France concernant des établissements du second degré choisis en commun,
ministère de la Défense, de l'intérieur, de l'environnement, de la ville,
toute une série de zones : Aix-Marseille, l'Oise, l'académie de Créteil,
de Lyon, de Lille, de Versailles (Val d'Oise, le Mantois, le nord du
département de Hauts de seine)
3) choix de politique
1 création massive de postes de surveillance MI/SE, aide-éducateurs,
infirmières, médecins, CPE supplémentaires dans les établissements concernés.
Création d'audit, de soutien du personnel.
Conventions rappelant les protections des personnels enseignants.
Création de structures pour accueillir les élèves en voie de marginalisation,
qui vont donner les classes-relais (PJJ) permettant une resocialisation.
Bilan évalué en 98-99 : dans certaines zones, ça a entraîné une diminution
de la violence. Globalement la traduction de ce plan n'est pas une traduction
en termes de réduction de la violence d'où la volonté du ministre d'essayer
de voir les questions qui peuvent se poser.
La mise en place d'un comité national contre la violence, engager une
réflexion de comparaison européenne sur les violences scolaires. Des
premières études :
3 points importants :
- Dans les établissements où la violence a diminué : politique
générale de prévention de violence dans l'établissement. Parmi les personnels,
les enseignants ne sont pas les plus touchés. Si on veut prévenir la
violence dès que le moindre personnel ATOSS, surveillants est bousculé,
n'importe quel adulte bousculé, il faut sévir. Si on veut stopper cette
violence, il faut qu'ils sentent l'ensemble des adultes contre cette
violence. Il y a une corrélation importante entre le taux de renouvellement
du personnel enseignant et la violence : pas le même effectif d'une
année à l'autre. Mémoire portée par les élèves et non par les personnes
adultes. Du coup le travail en équipe = le travail de Sisyphe. Entre
le 15 novembre et le 15 décembre, on a pu s'apercevoir que c'est une
période d'instabilité importante : ce sont les élèves qui connaissent
les règles. A ces dates, correspondent les pics de violence pour l'année
97, 98 et 99. c'est en fait la période pendant laquelle le travail en
équipe est mis en place. Ce travail dans l'urgence est aberrant. Il
faut passer de la logique d'urgence à la logique de projet. Mise en
place d'un outil d'analyse : ce qu'est la réalité des violences dans
l'établissement scolaire. Travail sur la qualification des violences,
sur le seuil de l'intolérable dans l'établissement. Ex : le chahut est
différent de la violence caractérisée, cette constatation a conduit
à la mise en place d'un logiciel depuis le 15 septembre 1991 permettant
le signalement par le chef d'établissement de tous les phénomènes de
violences caractérisées, et ceci pour les écoles, les collèges et les
lycées. Des tableaux de bord des situations de violence dans l'établissement
scolaire, ce sont les notes bleues. Analyse de ce logiciel, analyse
des typologies de ces violences, de ce qu'elles amènent de comparaisons
possibles. Prise de conscience par rapport à l'ensemble du système éducatif,
de l'enjeu fondamental que peut représenter les questions de violence.
Mesures prises les 18 derniers mois : Mise en place de dispositifs permettant
la stabilisation des équipes pédagogiques : le PEP 4 qui vise à inciter,
avec des mesures financières et de promotion, à rester dans des établissements,
pendant au minimum 4 ans, en échange : service allégé la première année,
16 heures au lieu de 18 heures + 2 heures de temps de concertation pour
la mise en place de projets (36 heures dans l'année). Volontariat dans
ces établissements Le premier bilan est positif : intégration des gens,
insertion plus rapide dans l'équipe, dans l'environnement, des projets
pluri - annuels construits, une meilleure insertion globale des enseignants,
prêts dans des situations très rapidement. Traduction en terme de réussite
scolaire : Réfléchir sur les pratiques pédagogiques dans leurs disciplines,
moyens débloqués pour la rentrée 2002 pour l'accroissement de ces mesures.
Une nouveauté : aller en équipe dans un établissement : élément de stabilité.
Diminution des actes de violence mais pas du climat de violence : les
personnels de surveillance, les enseignants mieux mobilisés, les CPE,
la collaboration avec les services de justice, tous ces éléments font
que les jeunes se disent : j'ai 90% de chances de me faire prendre dans
l'établissement, risque bien moins ailleurs. Globalement sur la commune,
montée de la délinquance, accroissement des actes sur l'abord, trajet
domicile-école, la pacification des établissements n'a pas irradié sur
l'extérieur. Tant que c'était à l'intérieur des établissements : c'était
la faute des enseignants. A l'extérieur, c'est désormais la faute des
maires, des pouvoirs publics. On paye l'incohérence des politiques publiques.
Le passage à l'acte entre élèves se passera à l'extérieur. C'est un
phénomène qui pose toute une série de questions sur le trajet cité-école.
C'est un facteur de violence : enjeu de la proximité. On s'est aperçu
que les établissements où il y avait moins de problèmes étaient près
de stations de métro à Paris. Apprendre aux élèves l'appropriation de
l'agglomération. (Fondation RATP sur la citoyenneté). La politique urbaine
de la France se caractérise par l'absence de politique urbaine ! Ce
fut une politique d'urgence, il fallait résorber les bidonvilles. C'est
un plan d'état (Paul Delouvier entre 65 et 72) présenté à l'époque comme
formidable = logement, eau. Paupérisation de la population dans les
cités, plus personne qui a la tête hors de l'eau " assignés à résidence
". conséquences : dérives mafieuses, poussées d'intégrisme religieux
des poches de misère ghettoïsés encore plus qu'il y a 2, 3 ans, la reprise
économique ayant fait partir les mieux lotis.
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