Étude
dun dossier portant sur la connaissance du système éducatif
Labsentéisme
des lycéens.
NOTE SUR LA MÉTHODE
Ce sujet sur labsentéisme touche de près une des fonctions symboliques du CPE. Ce thème est incontournable à loral car il permet didentifier assez facilement vos préoccupations professionnelles. Cest donc une heureuse opportunité davoir à rencontrer ce problème ici, à travers des textes récents du ministère et de lInspection générale. Il ne vous reste plus quà lapprofondir en allant sur le terrain rencontrer des CPE ou des chefs détablissement, et en vous appuyant sur des lectures de base :
Bernard Toulemonde, LAbsentéisme des lycéens, Hachette, 1998
Conseiller déducation n° 127-128, Janvier 1998.
Une deuxième remarque : le thème de labsentéisme est tombé au concours en 1997. Vous avez donc peu de chance de revoir ce sujet lors de lépreuve 2. Mais sait-on jamais ? Ce thème étant au coeur de la pratique du CPE, vous avez intérêt à ne pas en faire limpasse et à vous y intéresser de toute façon. Loccasion qui vous est donnée ici est ambivalente, elle sattache autant aux contenus de connaissance quà la forme. Vous serez donc vigilants à repérer comment sont construites les réponses de telle sorte quelles respectent scrupuleusement le sens et les modalités de lépreuve.
Une des questions de cette épreuve est la suivante : que faire des documents et comment les introduire dans les réponses ? Il faut comprendre que les documents ne sont que des éléments et des pistes de travail. Les réponses ne peuvent donc en aucun cas sappuyer sur les seuls documents. Ce serait trop facile et cela ne permettrait pas de discriminer les candidats qui se seraient le mieux préparés.
Les réponses sappuient dabord sur vos connaissances propres. Cest la raison pour laquelle les documents fournis dans le dossier ne sont pas toujours des documents fondamentaux. Les documents fondamentaux sont supposés connus des candidats. Ici, pour des raisons pédagogiques nous vous avons fourni la circulaire du 25 octobre 1996. Mais dans le sujet de 1997, cette circulaire ne figurait pas, elle était supposée connue. Ceux qui lignoraient ont été pénalisés. Les documents apportent un éclairage de la pratique, ils permettent didentifier les difficultés dapplication, les écarts entre le droit et le fait. Par exemple, on voit ici, dans les deux règlements (doc. 3 et 4) quils proposent des radiations doffice, ce qui est contraire à la loi (doc. 1).
Enfin, comment évaluer la portée des questions ? Comment savoir quelle sera la question qui va rapporter le plus de points ?
Le candidat travaille en aveugle, lors de lépreuve, personne ne connaît le barème (nombre de points attribué à chaque question). Ce barème est établi lors de la première réunion de concertation en présence du jury. Le Jury national fait des propositions et les correcteurs les acceptent telles quelles ou les modifient à lunanimité. Le principe de différenciation des questions est celui de la difficulté. Lorsque lon demande une définition ou que lon pose une question de cours (question de connaissance pure), le barème est faible. Attention de ne pas trop délayer la réponse à ce type de question. Dès que les questions comportent des débats ou exigent des efforts de synthèse, le barème sélève. Enfin, quand les questions sollicitent des efforts intellectuels plus intenses encore, lorsque lon vous demande de produire des analyses personnelles ou de conceptualiser les problèmes, le barème augmente en conséquence.
Cela dit, il serait vain de travailler en centrant ses efforts sur les seules questions les plus intéressantes. Il serait absurde de négliger des points faciles à gagner. Mais en revanche, il est indispensable de réserver du temps pour répondre aux questions les plus difficiles.
Le barème ici est le suivant :
* question 1 (question de connaissances) : 4 points
* question 2 (question danalyse) : 8 points
* question 3 (question de synthèse) : 8 points.
Dernière remarque.
Le corrigé se présente comme un ensemble de réflexions qui ne sont que des pistes à explorer dans lesquelles vous retrouverez quelques-unes de vos idées. Il va de soi, quétant candidat, vous ne pouvez rechercher ni lexhaustivité, ni la perfection.
PROPOSITION DE CORRIGÉ
QUESTION 1
1° Les justifications dun contrôle de lassiduité.
Le contrôle de lassiduité paraît naturel dès lors que lécole est obligatoire. Mais dans de nombreux cas, du fait de la prolongation scolaire au-delà de 16 ans ou de lâge des élèves qui ont atteint la majorité, on ne sait plus très bien ce qui fonde le contrôle et sil est obligatoire dans tous les cas. Dautre part, lobligation scolaire nest pas un principe sans fondement , la loi pour la loi. Il y a lieu de la justifier, cest-à-dire den comprendre les raisons à la fois institutionnelles, éducatives et concrètes.
La première justification du contrôle est légale. Létablissement a obligation de mettre en oeuvre un dispositif de contrôle de lassiduité coordonné par le CPE. Ce contrôle concerne tous les élèves qui sont sous obligation scolaire (jusquà 16 ans) Au delà de cet âge, le contrôle de lassiduité repose sur larticle 10 de la loi dorientation qui prévoit que chaque élève est tenu de respecter les horaires denseignement prévus à lemploi du temps de sa classe et daccomplir les travaux écrits et oraux qui lui sont demandés et de se soumettre aux modalités de contrôle des connaissances qui lui sont imposées (rappel dans le doc. 1). Lobligation étant une caractéristique de la scolarité, le contrôle concerne aussi les élèves majeurs.
Cette justification légale est un maillon de la chaîne juridique, le chef détablissement devant informer linspecteur dacadémie (et parfois le procureur de la République) en cas dinfraction à lobligation scolaire.
Au-delà du droit, les justifications du contrôle sont dordre éducatif et pragmatique. Lobligation scolaire est une règle qui nest pas sans impact sur lapprentissage de la loi. Avec le contrôle, lélève apprend fortement ce quest une loi et selon quelles modalités il doit la respecter. Les règlements intérieurs (doc. 3 et 4) expliquent assez longuement les modalités de lapplication de la loi. Lapprentissage de la loi renvoie à la loi du groupe. Or il est clair quil ny a de loi que si tout le monde a le sentiment dêtre soumis à la même loi. Cest cette communauté de la loi qui fonde le groupe.
Enfin, pour des raisons pragmatiques, la loi nexiste que si elle est rendue visible au moyen dun dispositif de contrôle. La présence même du contrôle a des conséquences directes sur le respect de la règle. Un peu comme la vue du gendarme fait réduire la vitesse.
Pour linspecteur général Bernard Toulemonde, le contrôle de lassiduité renvoie à deux autres justifications, la prévention de la délinquance et la réussite. Dans 'Adolescents', 1993 (ouvrage au programme), des Chercheurs comme Marie Choquet et Sylvie Ledoux établissent de fortes corrélations entre labsentéisme et les déviances (drogues et toxicomanies diverses) voire, parfois la délinquance. Il faut donc pouvoir intervenir à ce niveau du contrôle pour prévenir de tels risques.
En deuxième lieu, lélève ne peut pas sinscrire dans une démarche de réussite sil se prive des cours qui lui sont destinés. Il y a là aussi une inévitable corrélation, le contrôle est en lui-même une incitation à venir en cours, à senrichir et à se mettre à jour avec le programme scolaire.
Dernière idée, le contrôle de lassiduité est la base du suivi de lélève. Le contrôle permet didentifier les manquements mais également les raisons de labsence. Cela permet daccueillir lélève à son retour et de lencourager, de le réinsérer dans lespace communautaire de lécole.
Il y a donc de multiples raisons qui justifient le contrôle de lassiduité. Ces raisons renvoient à lidéal dune scolarisation démocratique et centrée sur lélève. Néanmoins, il serait naïf de ne pas y voir aussi la justification dun choix politique de linstitution. Par bien des aspects, lobligation est commode et permet desquiver déventuelles remises en cause. Cest une justification tacite qui permet docculter les failles du service éducatif en renvoyant sur lélève toutes les conséquences des difficultés de linstitution.
QUESTION 2
Comprendre le phénomène de labsentéisme.
Le phénomène de labsentéisme est complexe car il se situe entre un élève, sa classe, ses parents, létablissement et le système de contrôle quil a mis en place pour le limiter. On ne peut donc pas le comprendre comme un phénomène isolé qui découlerait dun acte autonome. Au contraire, comprendre le phénomène de labsentéisme, cest repérer les déterminismes qui sont à loeuvre , certains au niveau de létablissement, certains au niveau de lélève et il ne faut pas exclure certains déterminismes au niveau des interactions entre lélève et lorganisation scolaire.
Avant de comprendre le phénomène, il faut le définir , labsentéisme est un comportement volontaire et répétitif qui met en cause le fonctionnement normal de la classe. Il pose problème aujourdhui car cest un phénomène généralisé qui accompagne la démocratisation : il touche tous les établissements et tous les élèves. Laugmentation de labsentéisme est donc massive alors même que lélévation du taux dabsentéisme est peu significative. Par contre, il importe de relever des effets absentéistes très localisés dans les filières de relégation et dans les zones déducation prioritaires.
Pour une grande part, labsentéisme découle dun phénomène culturel mal identifié : la dégradation de la notion de règle et linsoumission latente à la loi. On sautorise à manquer à lécole comme on prend des libertés avec le code de la route ou avec le code de la propriété. De là découlent un certain nombre de pratiques sociales dont la tendance est de minimiser le caractère illégal. Ce nest pas grave de manquer à lécole, dautant que beaucoup délèves trouvent des raisons sérieuses déviter une institution qui ne semble pas faite pour eux.
Labsentéisme le plus critique est celui qui concerne les séries de relégation ou les zones prioritaires. Des motivations peu ancrées dans un cursus scolaire qui leur paraît hors de portée, des résultats scolaires mettant en évidence les difficultés, un horizon social et professionnel que lon nappréhende pas, cela suffit pour créer un malaise et provoquer des phénomènes dabsentéisme lourds et inquiétants.
Pour Bernard Toulemonde, labsentéisme est un comportement général qui découle des failles de la socialisation. Les nouvelles formes de labsentéisme puisent leurs causes dans les attitudes consuméristes. Les obligations scolaires ne constituent plus des règles absolues. Les élèves, avec la caution de leurs parents, se dispensent facilement de certains cours. On choisit daller ou de ne pas aller en cours selon les circonstances du moment, selon le professeur, selon la rentabilité de la discipline concernée Parce que lon nen a pas envie ou parce que lon veut respirer. Mais aussi, parce que par ailleurs, les élèves ont des engagements professionnels (les petits boulots, doc. 2).
On doit donc considérer labsentéisme comme un phénomène dérosion de lobligation scolaire. Mais ce nouveau comportement des élèves ne doit pas occulter des causes inhérentes à lorganisation scolaire qui ne sait plus offrir un cadre scolaire adapté à la demande et cohérent avec les exigences de lobligation. Lorganisation bureaucratique dénoncée dans le document 5 est un exemple fâcheux dorganisation incohérente. A laffaiblissement du sens de lobligation correspond un dérèglement et une certaine forme de laxisme de lorganisation. Face au consumérisme et faute de reconsidérer la qualité de ses prestations, lorganisation scolaire produit inévitablement des facteurs dabsentéisme.
Labsentéisme est un phénomène qui renvoie à cet écart entre lorganisation scolaire et ses usagers. Il peut être considéré à la fois comme un symptôme de désorganisation ou comme un phénomène régulateur qui permet de compenser certains dysfonctionnements de lobligation. Léchec scolaire, la non-motivation peuvent déboucher sur la violence. Labsentéisme est une conduite dévitement qui permet de part et dautre de surseoir au conflit et ainsi de faire perdurer une institution qui nest pas prête à se transformer.
QUESTION 3
Les réactions de linstitution.
Face à des comportements nouveaux linstitution a plusieurs voies possibles , elle peut se crisper en renforçant les dispositifs de contrôle et de répression, mais elle peut aussi sappuyer sur le sens de ces comportements pour voir comment elle pourrait renouveler ses méthodes afin de réactualiser les objectifs et les finalités de lobligation scolaire. Elle peut aussi considérer que le contrôle de lassiduité est le seul lieu concerné par le développement de labsentéisme, comme elle peut considérer que cest laffaire de toute la communauté éducative. Il y a donc, en croisant ces deux perspectives de nombreuses façons denvisager les réactions de linstitution confrontée à labsentéisme.
Lobligation scolaire, comme on la vu dans la première question, relève de justifications tacites qui sont bien commodes quand il sagit docculter les difficultés de linstitution. On peut imaginer que dans un premier temps, linstitution évite de sinterroger sur ce que représente labsentéisme et cherche, au contraire, à mettre en oeuvre des dispositifs de sauvegarde des acquis institutionnels de lobligation. La réaction de linstitution est de renforcer le contrôle et le système répressif qui laccompagne afin de maintenir coûte que coûte le paravent de lobligation.
Cette perspective bureaucratique, centrée sur linstitution, peut considérer que le CPE est le seul concerné par le renforcement du contrôle et de la répression. Cela signifie, à terme, que si labsentéisme perdure, cest parce que le personnel déducation, le CPE en loccurrence, na pas fait correctement son travail. Cette réaction spécialisée dédouane dautant les autres partenaires de la communauté éducative.
Sans abandonner cette perspective, on peut trouver des réactions beaucoup plus pertinentes qui considèrent que laffaire est trop grave et quil faut y engager la communauté éducative tout entière. Une action concertée qui vise à renforcer le contrôle et la répression à tous les maillons de la chaîne éducative et pédagogique. Perspective bureaucratique, qui bascule dans le totalitaire, dans la mesure où il ny a plus despace suffisant pour exprimer la moindre velléité absentéiste.
Le risque de cette perspective est grand car cela peut aller, pour répondre à la deuxième partie de la question, jusquà la répression totale, celle qui sexprime dans le document 7 qui, dès le début du mois de décembre, voit sengager une procédure disciplinaire dexclusion. Plus encore, on voit dans les documents 3 et 4 que létablissement na même pas lintention de réunir un conseil de discipline, préférant régler les problèmes par radiation doffice, ce qui est illégal. Le véritable risque de cette réaction nest pas seulement dêtre brutal, cest surtout de ne pas régler les problèmes voire même de les aggraver (conséquences financières en cas de suspension des prestations familiales).
On peut dans une perspective opposée, perspective centrée sur lélève, considérer que labsentéisme est un vrai phénomène analyseur et que lon doit en tenir compte pour modifier et adapter les prestations éducatives de létablissement. Comme précédemment, on peut aborder cette perspective de façon isolée et faire du dispositif de contrôle une linstance découte et danalyse. Le CPE est donc celui qui est en charge du problème de labsentéisme, il règle au coup par coup les divers problèmes qui peuvent se poser. Il sera particulièrement vigilant et actif sur les problèmes dorganisation de la vie scolaire, essayant déviter les problèmes dincohérence les plus patents (doc. 5). Mais il saura aussi instituer une relation daide afin de stimuler les élèves en difficultés ou démotivés. Des encouragements opportuns et ciblés peuvent pallier dans certains cas les carences de la motivation scolaire.
Néanmoins, on mesure
assez vite les limites dune telle perspective réduite à agir en marge
de laction pédagogique. Cest pourquoi la perspective centrée sur
lélève nest véritablement intéressante et pertinente que si elle
sappuie sur une action globale de létablissement. Dans ce cas, le
phénomène de labsentéisme est rigoureusement analysé et évalué, les points
critiques sont mis en évidence, et cest létablissement lui-même,
collectivement, qui redéfinit sa politique scolaire en fonction des besoins
des élèves. Le document 8 apporte de ce point de vue une vision intéressante
de ce quil convient de faire pour mobiliser létablissement autour
des problèmes que pose labsentéisme, partenariat, tutorat, prise en compte
de lélève, explicitation et commentaire du règlement intérieur, sollicitation
des acteurs, aménagements de lemploi du temps, information, réintégration
de labsent à son retour. Les dispositifs ne visent pas le répressif mais
au contraire lintégration de lélève dans un cadre scolaire plus
approprié. Le fatalisme nest pas de mise, affirme Bernard Toulemonde (doc. 2),
il met en jeu le redressement de linstitution. Jusquoù ? jusquau
projet détablissement qui est la seule façon solidaire de contribuer à
la réussite programmée de lélève.