L'Education Civique, Juridique et Sociale

LES DOSSIERS DE LA
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EDUCATION CIVIQUE JURIDIQUE ET SOCIALE UN NOUVEL ENSEIGNEMENT AU LYCEE

C'est en plein milieu des vacances qu'est paru au B. O. le texte définissant les principes généraux sur lesquels est fondée l'Education civique, juridique et sociale au Lycée et présentant le programme de seconde applicable dès l'année 1999-2000. Ce B.O. n° 5 (hors série) du 5 août 99, disponible dans les CDI, peut aussi être consulté sur le site du ministère ). Les citations de cet article sont extraites de ce BO.

La création d'un enseignement ECJS dans chacune des trois classes de seconde, première et Terminale est présenté comme "un des principaux éléments engagés" pour la rénovation des lycées, en réponse "aux attentes des élèves telles qu'elles se sont exprimées au travers des consultations sur les savoirs". Le lien avec l'Education civique pratiquée au collège est expressément souligné : l'ECJS "s’inscrit dans la continuité de ce qui a été enseigné en Education civique au collège..." Elle peut se fonder sur les acquis du collège en matière d'Education civique, dont les programmes, désormais complets, préparent à cette nouvelle approche en combinant de solides bases en matière institutionnelle à l'initiation à des réflexions personnelles.

Mais la principale caractéristique de l'ECJS, d'après les textes officiels, et ce qui la différencie des autres disciplines comme de "l'instruction civique" traditionnelle, réside dans la priorité donnée aux objectifs et aux méthodes : "l'ECJS n’a pas à ajouter de savoirs aux connaissances acquises dans les principales disciplines enseignées au lycée... il s’agit d'organiser le croisement et le dialogue de ces savoirs autour du concept intégrateur de citoyenneté. Le seul savoir nouveau auquel il faut initier, grâce à l'ECJS, concerne le Droit, trop ignoré de l’enseignement scolaire français. Il s’agit de faire découvrir le sens du Droit, en tant que garant des libertés et non d'enseigner le Droit dans ses techniques".

Le fondement de l'ECJS défini dans le B.O. est "l'idée que l’on ne naît pas citoyen mais qu'on le devient , qu'il ne s’agit pas d'un "état" mais d'une conquête permanente; le citoyen est celui qui est capable d’intervenir dans la cité: cela suppose formation d’une opinion raisonnée, aptitude à l'exprimer, acceptation du débat public. La citoyenneté est alors la capacité construite à intervenir ou même simplement oser intervenir dans la cité". Pour permettre à l'élève de devenir ainsi "un citoyen adulte, libre, autonome,exerçant sa raison critique dans une cité à laquelle il participe activement" l'ECJS doit pratiquer des méthodes adaptées. Il s'agira de "permettre aux élèves de s'exprimer et débattre à propos de questions de société".

L'apprentissage du débat argumenté et la constitution de dossiers documentaires sont présentés comme les supports pédagogiques privilégiés de ce nouvel enseignement, une porte restant cependant ouverte à d'autres méthodes possibles puisque "il ne faut pas s’interdire de recourir à des modalités pédagogiques complémentaires", par ex. la participation d'intervenants extérieurs "témoins dans un champ social" est déclarée "évidemment souhaitable".

Quelques INTERROGATIONS !

On ne peut que souscrire à la définition du citoyen donnée par le B.O. (" un adulte libre, autonome,exerçant sa raison critique dans une cité à laquelle il participe activement").  Convenons aussi que les Historiens-Géographes n'ont pas le monopole de l'éducation à la citoyenneté et que celle-ci relève d'un dialogue entre toutes les disciplines présentes au lycée. Mais les conditions de la mise en oeuvre de ce nouvel enseignement suscitent des inquiétudes et des interrogations.

Il me semble qu'une lecture sereine et attentive du B.O. peut apaiser les inquiétudes qu'avait soulevé l'idée de donner la priorité aux débats entre élèves. En effet le débat devra être argumenté, reposer sur des fondements cognitifs solides et diversifiés, être précédé et suivi d'une activité intellectuelle réelle des élèves et enfin être bien cadré dans son déroulement. On peut espérer dans ces conditions, avec des classes dédoublées, pouvoir éviter les dérives possibles de débats hâtivement conduits et apprendre aux élèves l'art de l'argumentation et l'esprit de tolérance, vertus éminemment civiques.

Mais trois autres questions restent encore non réglées :

- celle de la formation spécifique des collègues concernés, que nous avions demandée. Si l'Education civique est une priorité, il est clair que la formation des enseignants dans ce domaine ne l'est point. [...].

- celle de "l'autorité compétente" pour arbitrer les problèmes posés par le nouvel enseignement, qui, contrairement aux autres ne peut se référer à une discipline constituée dans l'enseignement supérieur et la recherche. Qui mettra en oeuvre la formation, le jour où sa nécessité sera enfin reconnue ? [...]

- celle des modalités pratiques selon lesquelles pourra se faire l'interdisciplinarité, si des collègues souhaitent la pratiquer, ou le recours à des intervenants extérieurs.

UN ENSEIGNEMENT A INVENTER

Rappelons que la note de service organisant l'enseignement dans les classes de seconde en 1999-2000 indique que l'ECJS doit être confiée, sur la base du volontariat, en priorité aux professeurs d'histoire-géographie.[...] L'imagination doit jouer son rôle dans la mise en place de l'Education civique [...].

L'organisation pratique est à décider au niveau des établissements : malgré leurs contradictions, les textes (note de service publiée en mai et programmes) laissent la possibilité d'organiser cet enseignement soit à raison d’un heure par quinzaine, soit avec deux heures par mois. Dans un cas comme dans l'autre, il ne peut s'adresser qu'à une demi-classe [...]

En ce qui concerne les contenus les professeurs chargés de l'ECJS peuvent se fonder sur les textes publiés. Une très grande liberté leur est laissée, puisque le programme se résume à quelques notions. "Au terme de la classe de seconde, une synthèse des différents acquis se réalisera autour de la notion de citoyenneté. Reliées à la notion de citoyenneté, les notions de civilité, intégration, Droits, droits de l'homme et du citoyen, droit de la personne, sociaux et politiques, nationalité auront dû être abordés et avoir reçu une première définition et mise en perspective". La démarche est ainsi résumée : "partir de la vie en société pour illustrer une dimension de la citoyenneté". Il est proposé de la mettre en oeuvre en choisissant un ou plusieurs des quatre thèmes proposés pour "servir d'entrée dans le programme" :

- citoyenneté et civilité-incivilité
- citoyenneté et intégration-exclusion (avec le thème de la nationalité)
- citoyenneté et droit et relation de travail
- citoyenneté et transformation des liens familiaux

Les professeursvpeuvent rechercher une articulation forte de l'ECJS avec les enseignements d'Histoire-Géographie qu'ils assurent par ailleurs. A cet égard le texte du B.O. donne des arguments forts et justifie pleinement le rôle de l'Histoire et de la Géographie dans l'Education civique : "On a trop tendance à oublier l'origine et l'histoire d'une règle. Leur genèse doit être mise au jour (...) L’hisoire est donc ici très particulièrement mobilisée : étudier les conditions de naissance d'une règle en montrant qu’elle est une production historique et pas un "a priori" absolu contribue à humaniser la règle de droit (...). Une même règle peut avoir des utilisations différentes selon les contextes économiques et sociaux, selon les époques ou selon les pays. Les apports de l’histoire, des sciences économiques et sociales, du français (notamment à travers la lecture des textes d'actualité) seront mis à contribution . La géographie introduit la notion d’espace et la mise en évidence des intérêts, privés ou publics, individuels ou collectifs, qui peuvent se manifester à son propos (...). Au terme de la classe de seconde l'élève doit donc s’être approprié la notion de citoyenneté, à partir d'exemples pris dans la vie en société, et avoir compris que la citoyenneté est une construction historique et démocratique "

L'approche historique et géographique est donc indispensable à la compréhension de l'actualité, qui apparaît comme une dimension obligée de l'éducation civique. L'enseignement de l'histoire ..."jusqu'à nos jours" en 3ème et en Terminale donne aux professeurs d'Histoire une expérience indubitable en la matière et doit leur permettre d’entrer avec aisance dans la démarche recommandée en éducation civique. BO :

a) diversifier les sources pour attester de la réalité des faits...
b) replacer l'événement dans une chaîne historique... insérer l’événement étudié dans son contexte spatio-temporel
c) repérer et analyser les interprétations divergentes et contradictoires... identifier les différentes interprétations produites sur le même événement

Ainsi, l'ECJS est un enseignement cohérent d'éducation civique, juridique et sociale, qui doit être centré dans les classes de seconde autour de la notion-clé de "citoyenneté" [...] .

Thérèse Cousin, 01 octobre 1999

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