L'hypocrisie scolaire est un titre très pertinent pour évoquer le thème central de l'ouvrage de Dubet et Duru-Bellat sur le collège. Se trouvent synthétisées les propositions déjà avancées par les deux auteurs qui s'expriment ici à la fois en chercheurs et en militants indignés par les contre-vérités et les discours ronflants des pourfendeurs des réformes, alors que ceux-ci s'accommodent parfaitement de l'existant, c'est-à-dire de la " fracture scolaire " qui traverse les collèges et crée l'école à deux vitesses. On voit là la convergence avec le livre précédent. Pour Dubet et Duru-Bellat, on peut affirmer à la fois que le collège ne va pas si mal (il a su s'adapter en partie aux nouveaux publics, il a su évoluer) et qu'il ne va pas si bien en terme de " justice ". Les inégalités s'aggravent, le consumérisme scolaire tend à cliver les établissements. Trop d'élèves sont apathiques ou " déviants ", ne trouvant pas toujours au collège " de quoi les nourrir, les aider à grandir dans un univers de connaissances et d'apprentissages significatifs pour eux ". Le collège reste l'antichambre du lycée général, sous la pression notamment des " défenseurs de la vraie foi " pour qui toute révision des programmes est considérée par exemple comme crise de lèse-culture, voire de lèse-civilisation. Les auteurs les renvoient dos à dos avec les " libéraux " qui, d'un autre point de vue, s'opposent aussi à la démocratisation. Ils prônent au contraire une véritable suspension de la sélection au profit de la construction d'une culture commune qui tienne compte de l'hétérogénéité des publics et permette d'enclencher une " dynamique de mobilisation ". Et là encore, on fait appel aux politiques pour qu'un vrai débat national ait lieu à ce sujet. Mais celui-ci doit être éclairé par des faits et les propositions émises dans le livre n'ont de sens et d'intérêt que parce qu'elle s'appuient sur une collecte d'informations et de données (objectives ou subjectives, à travers questionnaires et enquêtes) : " il s'agit de se placer sur le terrain de ce qu'on sait sur le collège. Ce n'est pas parce que tout le monde ou presque l'a fréquenté ou y a envoyé ses enfants que chacun peut considérer son stock d'anecdotes personnelles ou d'expériences plus ou moins gratifiantes comme un savoir indéfectible. ". Un ouvrage utile donc, certes plus exigeant que les libelles dénonciateurs, mais que tout responsable politique s'intéressant aux questions scolaires devrait lire avec attention.