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L'auteur : agrégé de philosophie, membre de la revue Esprit. Catholique
militant de gauche, en même temps que laïque convaincu et défenseur des
valeurs républicaines. G. Coq apporte au débat laïque d'une part l'effort
d'une prise en compte conceptuelle et historique (idée de laïcité comme
processus autant que comme concept, idée chargée d'histoire) ; d'autre
part la subtilité d'une discussion du point de vue catholique (témoignages
d'engagements propres). La conception de laïcité défendu par G. Coq, prolonge
le débat vers d'autres champs : éducation du citoyen, les formes d'éducation
pour la sauvegarde de la démocratie, la question de la quête du sens et
des valeurs. L'ouvrage reprend en les liant et les expliquant nombre de
thèmes explorés par les chroniques de ces quinze dernières années, à l'occasion
de multiples événements : querelles écoles publiques/privées (1984,Savary
-1994, Bayrou), affaire du voile islamique (1989)
Problématique centrale : L'auteur part d'un constat, celui de
l'existence d'un couple incertain entre laïcité et république, pour s'interroger
sur les conditions d'un contrat souhaitable entre les deux et la possibilité
d'atteindre ce résultat. Cette démarche le conduit à une réflexion autour
de la problématique suivante : comment amener les religions à s'inscrire
dans la culture démocratique et républicaine alors que ceci est un enjeu
crucial pour la laïcité et la république ?
Lignes directrices de l'ouvrage :
Laïcité : notions historiques, principes fondateurs, processus et concept
Quels peuvent être les fondements possibles de l'éducation dans la société
laïque ? Idée d'une morale laïque. G. Coq défend la possibilité d'une
éducation laïque.
Quelles peuvent être les relations entre culture scolaire et culture
religieuse ? G. Coq plaide pour une introduction scolaire, laïque, au
fait religieux et aux grands textes fondateurs des religions.
Sur la question de l'école privée. Quels sont les enjeux de la guerre
scolaire ? La contribution des chrétiens à l'éducation, au bien des enfants
et des jeunes à la culture, passe-t-elle principalement par la gestion
d'un réseau d'écoles privées ? G. Coq écarte cette idée.
La laïcité symbolise la tolérance, cependant il est des religiosités
incompatibles à la démocratie. G. Coq évoque l'affaire du voile islamique
(à noter la virulence des propos).
Laïcité : notions historiques, principes fondateurs, processus et concept
L'auteur reprend le sens étymologique du mot laïque. Peuple se disait
laos en grec. Dans les premiers textes chrétiens le mot désigne tout le
peuple. A l'intérieur de l'église, laïcus, laï, laïque désigne toute personne
ou institution ni ecclésiastique, ni religieuse. Aujourd'hui, laïque se
confond avec laïcisme soit antireligieux ou antichrétien. Cette évolution
du sens liée au contexte historique est à l'origine de confusions et de
brouillage. Dès sa formation (1871), la question de savoir quel statut
donner à la laïcité est mis en évidence (F. Buisson) : La laïcité doit-elle
être présentée comme un concept, ou comme une valeur, ou comme un principe
nécessaire à la vie collective dans un certain type de société ? L'idée
de concept ferait de la laïcité une théorie voire une philosophie. Or,
la laïcité n'appartient pas à un système politique précis. Cependant,
et c'est à ce niveau que la confusion existe, les circonstances (volonté
de diminuer l'influence de l'église) à travers lesquelles la laïcité s'est
affirmée l'ont rendue solidaire d'un combat politique et philosophique.
L'idée de valeur rejoint ici la liberté des consciences.
Neutralité et tolérance. Principe nécessaire à la vie collective : la
laïcité se situe du côté de la représentation de l'espace social. Elle
entre dans la composition de l'idée républicaine de la démocratie. Ceci
étant posé, G. Coq définit la laïcité plus comme un processus que comme
un concept. En effet, la laïcité désigne un lent processus au cours
duquel l'humanité passe d'un stade où la société a conquis son autonomie
par rapport à la religion (vers une désacralisation du social). Cependant,
l'auteur insiste sur le fait que c'est au moment où la sécularisation
est acquise que l'idée de séparer la société de toute religion va prendre
son sens. En bref, la genèse de la laïcité impose donc d'examiner ce double
mouvement qui parcourt l'histoire : d'une part, une marche vers l'autonomie
par rapport au divin ; d'autre part, une séparation de l'état et des églises.
L'autonomie de la société face à la religion constitue le premier pôle
de la laïcité. Outre quelques avancées en la matière (Edit de Nantes,
1598), l'acte fondateur est la déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789. Se poursuit alors l'émergence d'un ordre social soustrait
au pouvoir des dieux (code civil, mariage civil, création des universités,
…) sur la base du concordat de 1802. Ce dernier représente un compromis
entre la laïcité d'état et la protection des cultes. Le deuxième pôle
de la laïcité réside dans la séparation entre l'état et les églises (1905).
Cette dernière, rappelle G. Coq, s'est établie dans un contexte général
d'affrontement entre l'église et la république, qui lui confère un rôle
antireligieux. En effet, E. Combe sur la question de la séparation est
l'auteur d'un projet antireligieux aux positions jugées tellement extrêmes
qu'il a suscité une série de critiques. Ainsi, c'est sur ce ''contentieux''
que A. Briand principalement et J. Jaurès ont établi la loi de 1905 :
" La république ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte
(art 2)… En même temps, elle assure la liberté de conscience et garantit
le libre exercice des cultes (art1). ". La séparation de l'église et de
l'état ne concerne pas la liberté de conscience ni l'interdiction institutionnelle
des églises dans l'espace social (pp. 35-36). L'un des grands obstacles
dans la compréhension de la laïcité tient au fait de sa genèse qui demeure
mêlée à une série de combats philosophiques. La difficulté réside à distinguer
la laïcité du laïcisme (philosophie ennemie de la religion ; Combes).
Fondements possibles de l'éducation dans la société laïque ? Sur ce point,
G. Coq revient sur le bouillonnement idéologique des années soixante dix
sur les rapports entre l'école et la société (Bourdieu, Passeron ; Baudelot,
Establet,) et qui repose selon le principe fondamental que l'école est
vouée à reproduire la société dont elle dépend et constitue un des lieux
où se poursuit la lutte des classes. Ceci a rendu compte d'une part, d'un
foisonnement d'idées ''réparatrices'' : initiatives pédagogiques, réforme
du collège, décentralisation, projet d'établissement. D'autre part, les
années soixante dix vont introduire une considération collective des jeunes
par un système de représentation et d'expression institutionnel basé sur
des fondements démocratiques et plus tard, par un positionnement copernicien
de l'élève (au centre). Néanmoins, selon G. Coq, le messianisme de la
jeunesse, même s'il a engendré une possible structure de dialogue a entraîné
un terrible retard dans la prise de conscience des problèmes nouveaux.
" Trop d'hommes politiques continuèrent au cours des années quatre vingt,
à interpréter la réalité du système éducatif à partir d'un imaginaire
de soixante-huitards demeurés. " (p.103). " La contestation radicale de
l'institution hautement justifiée au sein même de la crise de mai 68 allait,
dès les années suivantes, nourrir des analyses inadéquates, irréelles,
confortées par le délire althussérien et bourdieusien, empêcher une prise
de conscience du vrai problème de cette fin de siècle… " p.104. : l'éducation
comme intégratrice à la société (rejoignant H. Arendt). De plus, G. Coq
interroge la politique éducative en France qui s'est livrée, selon lui,
aux illusions de l'égalitarisme (pp.128-129) dont les conséquences pourraient
mener à un éclatement et à la liquidation du service public, voire à une
dégradation globale de l'école. Si, comme il le constate, la démocratie
est le système social qui a le plus besoin d'une éducation juste, que
peut l'école ? G. Coq affirme qu'il y a deux logiques à l'œuvre à l'école
qui légitiment l'esprit de la démocratie : une logique égalitaire et une
logique élitaire. Au travers de la logique égalitaire, l'école a pour
obligation de réussir à transmettre à tous les enfants des éléments culturels
communs, indispensables, et qui permettront à ces futurs citoyens d'assumer
pleinement leur appartenance à la société démocratique. Au travers de
la logique élitaire, l'école reconnaît la nécessité de constituer les
élites nécessaires à chaque génération. Pour ce faire, l'école doit organiser
l'accès selon les mérites. Cette logique élitaire impose une sélection
au travers le système scolaire et une compétition entre les individus
indépendamment de la famille ou de la fortune. L'esprit démocratique exige
que cette compétition soit ouverte à tous mais il ne pourrait promettre
une égale réussite pour tous. L'école républicaine est travaillée par
ces deux logiques (p.132). L'école de la république ainsi définie a un
rôle à jouer dans le progrès de la justice sociale, fonction de démocratisation.
Ainsi, l'école contribue au développement de l'esprit démocratique. La
société laïque ne peut durer qu'en éduquant des citoyens et en construisant
les fondements culturels du lien social (p.133). Pourquoi ? car une société
laïque, marquée par le déficit de fondement que produit le sacré est une
société faible : " les sociétés unifiées par le sacré et le fondement
religieux sont inébranlables. " (p.32). La société laïque a une force
d'intégration des individus beaucoup moins contraignante qu'une société
dont le lien se nourrit du religieux. Eduquer le citoyen signifie refaire
du lien dans une société laïque qui se fragilise et en proie à l'exclusion
de ses membres. On constate, en effet deux effets importants. Premièrement,
un épuisement de l'action politique quand domine l'idée que la démocratie
se résume à l'individualisme démocratique ; Deuxièmement, une intégration
qui s'opère par l'économique entraînant l'exclusion sociale par l'absence
de travail et par là l'éclatement du tissu social et de l'espace commun
(rejoint D. Schnapper). L'exclusion ainsi décrite par l'auteur, est un
processus qui vise à casser des liens sociaux. Parmi ces liens, le travail
est devenu une fonction majeure d'intégration à la société. " C'est pourquoi
l'intégration par le travail devient un tout et sa mise en cause mène
à l'exclusion radicale. ". Comment une société faible, assaillie par la
crise du lien social peut-elle durer ? G. Coq, dans son paragraphe 3 explique
que la réponse à cette question ne se situe pas dans l'idée d'un retour
au sacré (Durkheim) (pp 143-149). Il existe selon lui qu'une direction
possible : construire de la citoyenneté. La citoyenneté aujourd'hui doit
répondre au défi de l'exclusion. il importe donc pour une société laïque
(fragile et sans garantie religieuse) de déterminer les fondements possibles
de son éducation. Pour G. Coq, une éducation laïque appelle une culture
qui donne à chacun les moyens de s'orienter librement dans la question
du sens. L'idée d'une éducation à la démocratie ne saurait être pensée
sans aborder l'idée d'une morale laïque. L'auteur entend par morale laïque
" une initiation à la pratique du jugement moral là où il apparaît nécessaire.
L'urgence éducative est de former des humains aptes à discerner les enjeux
éthiques, dans toute circonstance, en toute situation ; de proposer les
moyens à la conscience de s'orienter dans le monde des valeurs ". (p.157).
La morale laïque est définit comme la part commune à toutes les morales
que leur inspiration soit religieuse ou philosophique. C'est à l'école
que doit se dégager le terrain de rencontre des différentes morales dont
l'objectif principal serait la lutte contre l'inhumain, la barbarie. G.
Coq interroge l'éducation scolaire dans sa responsabilité dans la lutte
contre la barbarie. Pour ce faire, l'école doit aller au delà d'un enseignement
des droits de l'homme et insistait sur une éducation éthique, une éducation
à la démocratie (enjeux politiques) et une ouverture de type spirituel.
Enfin, sur le concept de l'éducation, G. Coq défend une école qui ne dissocie
pas l'éducation et l'instruction dans le droit fil de la paideia (p.202).
Pour conclure, l'école se doit de mieux prendre en charge l'éducation
éthique, car aucune société ne survit sans une éthique commune et il est
essentiel d'initier le jeune à discerner les enjeux et les choix éthiques
dans sa vie personnelle. En second lieu, la culture scolaire doit éduquer
à la citoyenneté, à la nécessité du politique, à la démocratie et à la
république (p.79). Enfin, l'école laïque ne peut assurer la totalité de
l'éducation, elle doit avoir les relais nécessaires soit un troisième
lieu éducatif, religieux ou associatif (tiers lieu éducatif pp 227-238).
Quelles peuvent être les relations entre culture scolaire et culture religieuse
? vers une introduction scolaire, laïque, au fait religieux. Selon Durkheim,
la religion assume une fonction irremplaçable posant ainsi le problème
de la remplacer par d'autres synthèses justificatives fondées sur la morale
et la science. Le débat est symptomatique ces vingt dernières années.
Il a été question d'enseignement scientifique des religions, de culture
religieuse, d'histoire des religions, de cours de religion… " Introduire
le fait religieux à l'école, c'est faire accéder les enfants à une culture
humaine suffisamment complète, pour qu'au terme de cette éducation la
liberté existe chez chacun pour poser des choix personnels devant des
options ultimes, foi religieuse ou autre ". (p.183). Il est important,
selon G. Coq que la culture scolaire n'exclue pas le fait religieux, car
il porte de manière radicale la question du sens. G. Coq aborde une position
différente de J. Baubérot, il refuse l'idée d'un enseignement autonome,
lié à une discipline spécialisée, et préconise une véritable ouverture
culturelle sur les faits religieux dans la culture humaine, en général
(français, histoire, philosophie…) (p. 193). La laïcité rappelle-t-il
n'impose pas d'ignorer les faits religieux qui ont profondément marqué
les grandes civilisation. (cf. les textes de la ligue de l'enseignement,
F. Buisson 1908 ; rapport laïcité 2000). Si aujourd'hui, l'idée de donner
une juste place au fait religieux dans les différentes disciplines est
admise, les besoins de formation des maîtres en la matière sont importants
et dénoncent un retard certain des pouvoirs publics dans l'évolution de
cette culture scolaire. Sur la question de l'école privée. Quels sont
les enjeux de la guerre scolaire ? La contribution des chrétiens à l'éducation,
au bien des enfants et des jeunes à la culture, passe-t-elle principalement
par la gestion d'un réseau d'école privées ? G. Coq aborde la question
en début d'ouvrage par l'étude historique de la conquête de l'école par
l'état et des guerres scolaires qui ont suivi. Il revient ensuite sur
ce point dans sa quatrième partie sur les enjeux encourus par l'église
à développer une énergie redoutable dans le maintien des écoles confessionnelles.
Afin de mieux saisir la question de l'école privée et des conflits générés
par les deux écoles (guerre franco française, guerre des deux France),
il convient de revenir sur la synthèse historique apportée par G. Coq
pour la compréhension du phénomène. En 1789, la révolution pose le problème
de l'enseignement qui doit constituer une affaire de l'état. Cette cause
doit être ramenée au publique (cf. Condorcet). La première tentative,
de la révolution, dans la séparation des Eglises et de l'Etat (1795) sera
très vite remise en cause par le concordat effectué (1801 et promulgué
en 1802) entre Napoléon et le Pape. Si le pape reconnaît ainsi la République,
l'Etat reconnaît le catholicisme comme religion de la majorité des français
(plus tard d'autres cultures -israélite- obtiendront cette reconnaissance,
1807). Cette nouvelle convention, ce pacte (J. Baubérot, 1990) vise à
rétablir la paix religieuse grâce à un compromis abrogeant ainsi les dispositions
de 1795. Ce compromis est celui de la fragmentation institutionnelle.
Sur la question de l'école, Napoléon en créant les Universités (1806)
qui regroupent le secondaire, les lycées et le supérieur, ajoute dans
sa loi " Nul ne peut ouvrir d'école et enseigner publiquement sans être
membre de l'Université et gradué par l'une de ses facultés. ". De fait,
il laisse aux congrégations le primaire. Si la paix religieuse est en
quête, il n'en reste pas moins que ces dispositions du concordat vont
amener un conflit important entre les deux écoles. Le combat à l'honneur
porte sur la liberté de l'enseignement soit la remise en cause du monopole
secondaire. Ceci étant, ces contestations n'empêcheront pas d'autres avancées
pour une éducation collective publique : loi Guizot, 1833. Cette dernière
s'attaque aux écoles primaires, même si Guizot laisse le choix aux communes
de confier l'école à des congrégations ou des laïcs, il fait de l'enseignement
primaire une affaire de l'Etat. Il organise l'enseignement primaire autour
des écoles publiques et privées. Cependant, cette loi ne génère pas de
conflit supplémentaire. La guerre scolaire aboutit à l'article 9 de la
constitution de 1848 et à la loi Falloux 1850. L'article 9 stipule que
l'enseignement est libre… il doit s'exercer selon les conditions de capacité
et de moralité déterminées par les lois et la surveillance de l'état.
Ceci vaut pour tous les établissements d'éducation. La loi Falloux abroge
le monopole public de l'enseignement secondaire : l'enseignement confessionnel
et congréganiste est autorisé au niveau du primaire et du secondaire.
Elle prévoit des financements possibles des établissements privés par
les collectivités publiques (limités à 10% de la part des investissements
publics dans les établissements secondaires). La liberté d'enseignement
repose toujours sur cette loi. Jusqu'à la troisième république (1870-1940),
la guerre scolaire est plutôt un affrontement entre église catholique
porteuse d'une tradition d'enseignement multiséculaire, appuyée sur des
congrégations religieuses et un état qui depuis la révolution s'intéresse
de plus en plus à l'école (p.45). Il faut noter que la loi Falloux représente
un nouveau compromis possible et imminent à établir dans la lutte entre
les deux France. La naissance de l'école laïque s'est opérée sous la IIIè
République avec les lois Ferry (1881 - 1882) qui rendent l'école obligatoire,
gratuite et laïque. Ainsi, l'école laïque sort les clercs des écoles publiques
et l'éducation religieuse, sur laquelle n'était pas revenu Guizot, doit
s'opérer en dehors des locaux scolaires. Plus tard, la loi Goblet (1886)
vient à supprimer les subventions publiques vers le primaire privé. La
lutte de l'enseignement privé atteindra son plein succès avec le vote
de la loi Debré en 1959. Cette loi acquise dans un climat d'hostilité
extrême va marquer une paix possible. Elle organise la prise en charge
de l'enseignement privé par l'état en instaurant deux types de contrats
entre lesquels les établissements doivent choisir (pp. 50-51). La loi
Debré réalise une véritable reconnaissance du rôle de l'enseignement privé
dans sa mission de service public. La gauche mènera une dure lutte contre
la loi Debré qui connaîtra son apogée, sitôt F.Mitterand (Savary) élu,
au travers de son plan de service public unifié et laïque de l'Education
Nationale (SPULEN). L'objectif de la gauche est d'évacuer définitivement
tout dualisme scolaire au profit d'un service unifié. Cependant, ce projet
va déchaîner l'opinion publique (pp. 51 -88). Pourquoi ? Parce qu'il s'élabore
dans un triple contexte. D'abord l'enseignement privé satisfait largement
l'opinion française. Ensuite, le choix de l'école se rapporte de plus
en plus à une forme de consumérisme scolaire dont l'école privée a largement
profité (R. Ballion, 1982) ; " Le choix de l'enseignement catholique n'a
de sens religieux que pour une minorité. Pour la majorité, c'est l'école
de la deuxième chance " (p.52). Enfin, un dernier élément dont les conséquences
auront pesé sur la laïcité, est la critique virulente du système scolaire
(Bourdieu, Althusser) dénoncé comme illusion idéologique. Ceci a ébréché
la confiance des français en l'école comme possible libération et aux
valeurs républicaines symboles d'égalité. La loi Savary est enterrée.
En 1994, c'est cette fois le camp laïque qui est à l'honneur des banderoles
des manifestations. Le gouvernement Balladur/Bayrou va déclencher une
nouvelle bataille autour de l'enseignement privé. Le but de l'entreprise
est de mettre au moins sur le même plan école privée et école publique.
Dans ce cas de figure, nous sommes bien au delà de la loi Debré qui reconnaît
à l'école privée une mission de service public. Le projet suppose une
révision de la loi Falloux qui limite les subventions de l'état (10%)
envers le privé, en mettant à égalité les financements. Ceci étant, l'enseignement
privé garderait ses prérogatives d'établissements privés (sélection, droits
d'inscription libres…) alors que les établissements publics continueraient
à accueillir tous les enfants. En bref, la loi vise à défaire le lien
privilégié entre école laïque et république ; " Tordre le cou à la laïcité
républicaine. " (p.68). Cette loi place l'école publique en position d'infériorité.
En effet, la reconnaissance de l'école privée comme second service public
va accentuer la hiérarchisation sociale des écoles entre elles et entraîné
les élèves, qui n'ont pu accéder à une bonne école privée, vers l'école
laïque. " En ce sens, le projet Bayrou-Balladur menace gravement l'idée
laïque républicaine d'une école creuset de l'unité sociale et instauratrice
d'une première intégration à la même société ". (p.74). Selon G. Coq,
les vrais buts poursuivis visent à privatiser l'enseignement et à démanteler
l'école laïque. La guerre scolaire a donc dépassé l'aspect confessionnel.
Aujourd'hui, l'école privée est embrigadée dans un combat qui ne devrait
pas être le sien car il est politicolibéral, à savoir en faveur d'une
privatisation du système éducatif (en témoigne l'essor de la philosophie
des créateurs ou entreprises d'école (pp. 82-86). L'Eglise s'est laissée
prendre au piège, précise G. Coq. Ce piège qui vise à déstabiliser et
à éclater le service public. Comment sortir du piège ? L'inscription de
l'église dans l'espace social n'impose aucunement le contrôle de certaines
institutions (l'école). Elle suppose, au contraire, des mouvements, des
associations, des organes de presse identifiés comme chrétiens (Emmaüs,
la CFDT..). Pour G Coq, se crisper sur l'école privée empêche l'église
de faire face à d'autres responsabilités : le monde chrétien n'a pu se
rendre disponible pour d'autres tâches (p.248). L'église à un rôle à jouer
dans la reconstruction du lien social. 5) La laïcité symbolise la tolérance,
cependant il est des religiosités incompatibles à la démocratie. G. Coq
évoque l'affaire du voile islamique (à noter la virulence des propos).
A ce niveau G. Coq évoque la douloureuse expérience du voile islamique.
La position de l'auteur est virulente concernant les dispositions appliquées
en 1989 et 1994 dans la gestion de cette affaire par la jurisprudence
administrative et le conseil d'état. G. Coq revient sur l'ensemble de
la querelle des foulards et critique sans ambiguïté les rétractations
juridiques sur la question du voile. Aussi, sans revenir sur les détails
juridiques, la position de G. Coq accuse davantage le voile comme outil
de manipulation intégriste (entre intégrisme et république laïque, il
y a incompatibilité) que comme un outil d'expression de la confession
musulmane. Aussi, c'est sur le premier plan que s'inscrivent les propos
de G. Coq. Citons " …. Jamais je ne ferai un cours de philosophie avec
en face de moi, dans la classe, une jeune tête, un visage, coiffé d'un
symbole désormais taché du sang de ces femmes, jeunes ou non, assassinées
en Algérie parce qu'elles ne la portaient pas. Je n'accepterai pas ce
signe dans ma classe, même si, dans sa logique, mon acte devait assumer
l'exclusion de nos écoles de centaines de jeunes enfants pris comme otages
du fanatisme moderne…. accepter le voile islamique dans une classe, c'est
se faire complice d'un totalitarisme à prétexte religieux, ou encore d'une
''spiritualité'' de l'assassinat. La liberté de conscience est absolue,
mais pas celle de la conscience de l'assassin… Ceux qui disent : il ne
faut pas mettre en cause le voile pour ménager l'ensemble de la communauté
musulmane, montrent par là même qu'ils identifient les militants du voile
à la totalité de l'islam. Ils commettent l'erreur la plus grave. Ils méconnaissent
la majorité des musulmans qui témoignent de leur volonté de s'insérer
dans cette société laïque tout en y acquérant le droit à une liberté religieuse
pleine et entière…. Se plier devant le voile ''par respect'' pour l'islam,
c'est donc d'abord manquer de respect pour la haute spiritualité des disciples
du Prophète, en les confondant avec une infime minorité extrémiste pour
qui le voile n'est que le premier appui d'un dispositif réactionnaire
et terroriste. ". (p. 262).
Raniha OULTACHE L.P Condé sur l'Escaut (Formatrice IUFM)
RANIHA.OULTACHE@wanadoo.fr
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