DUBET (François)
Ecole, famille : le malentendu
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La massification a changé
les règles du jeu. Les familles sont désormais
inégales face à un système scolaire transformé en "marché" au détriment
des classes populaires.
- Les familles populaires : leur incapacité
face à l'école explique l'échec de leurs enfants (non connaissance, désintérêt,
). Elles aspirent à une égalité de traitement. Les parents évitent l'école
car ils ont peur que la rencontre ne devienne leur procès (ils ont eux-mêmes
échoué à l'école).
- Les familles favorisées : elles ont tendance
à trop intervenir, car elles pensent être compétentes ; elles assurent une
continuité avec l'école ; utilisation des ressources familiales ; elles privilégient
la performance et l'épanouissement.
- L'école a longtemps été préservée du monde. Sa légitimité
semblait s'imposer à tous. Elle se définit par 3 caractères :
Le mode de sélection : la sélection se faisait
d'abord par la naissance. Les parents n'avaient pas à être des stratèges.
Par la massification, l'école cherche à sélectionner par les compétences (collège
unique plan Langevin-Wallon).
La définition des finalités : formation des citoyens
pour la République ; la laïcité était aussi une morale publique (croyance
au progrès et à la raison) ; le lycée ne préparait pas à la vie active.
La distinction instruction éducation :
l'école était centrée sur des apprentissages et destinée à des élèves, non
à des adolescents. L'autorité du maître y était
peu contestable.
Maintenant l'école fait la
sélection par le biais des filières.
- C'est donc la performance qui dirige la sélection,
mais elle est, elle aussi, dépendante d'un contexte social. La massification
a hiérarchisé et complexifié le système, ce qui a créé un "marché scolaire"
(filières et établissements en concurrence). La connaissance du système éducatif
par les parents a alors une grande importance pour la définition des stratégies.
L'école s'est vue assigner une nouvelle finalité : ouverture du marché
du travail.
- Le statut des élèves
: l'éducation ne se borne plus à l'instruction
civique. Il existe une civilité scolaire (droits et devoirs). Souvent, règlement
intérieur et vie juvénile sont confrontés. Aujourd'hui, les élèves des établissements
défavorisés n'acceptent plus les règles du jeu comme le faisaient les élèves
d'autrefois.
- La querelle entre les enseignants et
les parents :
les enseignants veulent garder l'unité et la neutralité de l'institution.
Les parents veulent une école ouverte aux demandes particulières.
Il faut négocier entre ces deux principes
opposés. L'école ne peut se contenter de dialoguer avec les parents ayant une
culture proche de celle des enseignants. Les établissements doivent s'adapter
à leurs parents d'élèves. L'école a 3 fonctions : transmission des compétences,
intégration sociale et l'éducation. Elle vit dans 3 sphères de valeurs :
- Egalité de traitement
- Formation des individus
- Ajustement aux contraintes des qualifications
- Selon DUBET,
l'école doit à la fois affirmer son rôle unificateur et
introduire des mécanismes compensateurs des inégalités. Mais elle
doit aussi mobiliser les parents tels qu'ils sont, les associer au modèle
éducatif qu'elle veut promouvoir, prendre le temps d'expliquer ce qu'elle
fait et comment elle le fait, entendre ce qui lui est demandé. C'est au cur
des établissements que cela peut se faire.
CHARLOT (Bernard)
Pour le savoir, contre la stratégie
Ecole, famille : le malentendu)
- Le rapport au savoir a évolué
: il existe encore des jeunes pour qui apprendre
c'est avoir une activité intellectuelle permettant d'acquérir des savoirs
et des connaissances. Mais pour beaucoup, c'est savoir se débrouiller dans
n'importe quelle situation : l'école est dès lors comme la rue, la cité, la
famille, où tout est permis pour s'en sortir, y compris la triche : l'important
est de passer.
Pour eux, le savoir doit être utile pour
plus tard. Un grand fossé sépare ceux qui attribuent du sens et de la valeur
aux objets de savoir et ceux qui s'efforcent de survivre à l'école.
- Dans le climat de crise, de chômage, de difficultés
réelles du métier, les enseignants invoquent souvent la "démission"
des parents. Or, il n'y a pas de démission des parents des familles populaires
!! Il est vrai que certains sont
dépassés tout comme, d'ailleurs, certains enseignants.
Au contraire, à l'exception des gens
du voyage, les milieux populaires expriment une forte demande à l'égard de l'école,
notamment les immigrés d'origine maghrébine (même s'il y a un partage entre
la fierté que l'enfant réussisse et la souffrance car, pour réussir, l'enfant
doit être différent de ce que sont ces parents).
- L'école républicaine avait assurée une intégration
politico-culturelle : le nouvel arrivé était intégré à la société française
grâce au partage d'un certain nombre de valeurs inculquées par l'école, mais
aussi par l'armée, le parti, le syndicat. Aussi pouvait-on être chômeur et
demeurer un citoyen intégré. Ce modèle n'est plus donnant, ce qui signifie
qu'aujourd'hui l'intégration dans la société française, c'est d'abord l'insertion
professionnelle.
Conclusion : d'une manière générale,
le rapport au savoir des adultes, qu'ils soient parents ou enseignants, contribuent
à structurer le rapport des enfants au savoir.
L'école est faite pour "libérer
les enfants de l'amour de leurs parents" (Alain).
- Le système scolaire en France ne se présente
pas comme un service, mais comme une institution. Il n'est pas basé sur
la satisfaction immédiate des usagers (parents et élèves), mais sur la transmission
de valeurs qui dépassent cette satisfaction. La France n'est plus dans une
phase de construction identitaire de l'Etat Nation. Elle recherche un modèle
d'intégration.
- Il faut rétablir le contrat école
famille. La famille ne doit pas chercher
à exercer une emprise sur l'école et, de même, l'école ne doit pas chercher
à exercer une emprise sur la famille.
- Des corrélations peuvent être discernées entre les
attitudes parentales dans la vie familiale et la réussite scolaire :
- Gestion du temps
- Gestion du rapport à la télévision
- L'habillement
- La nourriture
Ce qui est déterminant, c'est moins l'entêtement
des parents à rabâcher les exercices que leur aptitude à gérer la vie familiale
quotidienne d'une manière qui soit génératrice de réflexions pour l'enfant.
- Le décalage famille école est nécessaire à
condition de marquer la spécificité des rôle de chacun :
- La famille demeure le lieu de filiation, où à travers
la gestion de la vie quotidienne se forge de l'intelligence.
- L'école joue un rôle tout aussi essentiel en favorisant
la prise de distance avec sa famille.
- L'école ne peut pas reprocher aux
familles d'être "consommatrices". C'est elle qui organise cette
consommation en multipliant les options, en constituant très tôt des filières
par le biais des classes dite "internationales" ou "bilingues".
- Pour MEIRIEU, il faut faire en sorte que
les parents soient d'abord sollicités sur les problèmes de l'école en tant
que citoyen avant de l'être en tant que parents. Cela permettrait aux parents
d'être plus sereins à l'égard de la scolarité de leurs enfants. L'école se
sentirait moins sous la coupe et la pression des parents qui veulent l'assujettir
à leurs intérêts particuliers.
- La question du rapport parents école ne sera
pas réglée tant que celle de l'évaluation des établissements ne sera pas clarifiée,
et tant que la presse continuera de publier des statistiques qui accentue
le consumérisme scolaire.