Claude Lelièvre, |
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fiche réalisée par Karine Weber |
Avertissement :
cette fiche est imparfaite puisque ce que j’ai estimé important est personnel.
Historienne de formation je n’ai pas insisté sur le contexte et surtout la nécessité
qu’avaient les républicains, jusque là dans l’opposition, d’imposer leurs marques
et prouver qu’ils étaient capables de gouverner.
A noter aussi, que lors des premières années de la 3° rép. , les attaques étaient
nombreuses envers le gouvernement et que les républicains étaient eux-mêmes
divisés ( pour plus de détails voir un manuel d’histoire niveau lycée )
Ecrite pour mon usage personnel, j’ai souvent repris tel quels certains passages du livre... et j’ai gardé le schéma de l’auteur qui a inséré en italique des passages issus des discours ou écrits de J. Ferry. l’intérêt de ce petit ouvrage de 120 p est d’apporter un éclairage sur M. Ferry et son oeuvre trop souvent mystifié et donc déformé !
INTRODUCTION
Jules ferry était mal aimé de son temps. il quitte le pouvoir détesté par une
partie de la gauche et haï par la droite cléricale et conservatrice. Il est
devenu de nos jours une référence quasi consensuelle . qui était il ? Né le
6 avril 1832 dans les Vosges . Grâce à la révolution sa famille passe de l’artisanat
à la petite industrie. Son père avocat et franc-maçon, est un opposant de la
monarchie de juillet autant que des émeutes populaires. Sa mère, fille d’un
juge, et sa sœur sont profondément catholique, ce qui le conduit a différencier
la foi ( personnelle ) qu’il respecte et le cléricalisme ( pouvoir ) qu’il combat.
Il fait de très bonnes études: bac a 16 ans, études de droit à Paris, il s’inscrit
au barreau de la capitale en dec 1851. il exerce peu son métier d’avocat, voyage
beaucoup, apprend à connaître l’Europe. Au début des années 1860 il se lance
dans le journalisme politique. en 1875 il épouse Eugénie Risler , elle lui permet
l’entrée dans la haute bourgeoisie protestante républicaine , couple uni sans
enfant . « Jules ferry a connu une promotion individuelle et méritocratique
exemplaire , avec le couple classique du verbe ( avocat ) et de l’écrit ( journaliste
) qui conduisent a la politique , aux salons et , par-là , au mariage , formidable
coup d’accélérateur pour franchir les dernières barrières , les plus difficiles
, de l’échelle sociale. Il a donc utilisé tous les ascenseurs sociaux si caractéristiques
du XIXe s ».( Jean-Michel Gaillard)
UN HOMME D’ORDRE : Franc-maçon et positiviste Une adhésion assez tardive,
en 1875 alors que la franc maçonnerie est acquise à la république. Le point
le plus important à ses yeux est que la f-maçonnerie montre par son existence
même la possibilité d’une morale sociale et laïque sans appui théologique. Le
positivisme comme mode de pensée a permis de surmonter les déceptions de la
période de l’Empire, d’avoir une foi raisonnée en l’avenir et d ’envisager de
maîtriser les q° sociales. c’est dans la mesure ou le positivisme peut éclairer
l’action politique et indiquer la direction et la méthode de la résolution des
prob sociopolitique qu’il intéresse Ferry . la philosophie politique positiviste
est soucieuse de fonder un ordre social pacifié et stable ; il s’agit d’achever
la Révolution , de terminer la crise sociale et intellectuelle née de la révolution
française.
Etat « théologique », « métaphysique » et « positif » : A l’ordre théocratique
du moyen âge/ancien régime se substitue l’état d’esprit métaphysique , la critique
généralisée individualiste et rationaliste ( philosophes des lumières ) . L’état
positif, pour Comte, fonde une nouvelle unité mentale et en conséquence une
nouvelle unité sociale. Un nouvel ordre qui doit prendre appui sur la connaissance
des lois sociologiques ( la « stratique sociale ») qui montre la subordination
de l’individu à l’ensemble du corps social, d’où la place centrale de l’éducation
dans la mise en place d’une philosophie politicosociale pouvant restaurer une
unité mentale et sociale. A qui s’adresse en priorité cet enseignement ? aux
2 fractions de la populations jusqu’alors délaissées : s’adresser aux femmes
et aux prolétaires …qui sont les 2 « objets » du célèbre discours de Ferry sur
« l’égalité d’éducation » salle Molière avril 1870 Les femmes auraient des «
instincts sympathiques » plus dev que chez les hommes et donc surmonteraient
mieux les préoccupations individualistes et pourraient concourir à l’unité et
la stabilité sociale . Cependant la femme ne doit pas sortir de la famille «
qu’elle se tienne à l’écart de la vie active qui gâte le cœur et exalte la personnalité
» . L’autre priorité éducative est celle de l’éducation des prolétaires . la
séparation progressive du capital et du travail est une situation qui engendre
le désordre . Pour avoir une attitude conforme à l’état positif , il faut mettre
à jour la nécessité économique et sociale et faire accepter à chacun sa fonction
sociale inévitable et du coup sa dignité et ses devoirs . Pour Ferry une certaine
égalité d’éducation est requise non pas pour le nivellement des conditions sociales
mais pour que le sentiment de dignité soit rendu a celui qu’autrefois on appelait
un inférieur et pour que le contrat qui règle les positions respectives entre
l’ouvrier et le patron puisse être compris des deux parties ordre et progrès
Ferry trouve chez A. Comte une inspiration essentielle : « ordre et progrès
» a été autant que « liberté, égalité fraternité » la devise de la III° république
des années 1880, ce qui signifie qu’il n’y a du progrès que dans l’ordre pour
comprendre Ferry il faut connaître son oeuvre , sa méthode et son opportunisme
de principe , son horreur des convulsions sociopolitiques et des mouvements
de rues dont il a fait l’expérience personnelle. expérience personnelle 31 oct.
1870 le gouvernement est retenu prisonnier par la foule, Ferry s’échappe et
revient à la tête de bataillon, la journée révolutionnaire échoue Mars 1871
: la Commune : Ferry chassé de Paris ; il est présent lors de la « semaine sanglante
» (reconquête de la capitale). Il relie la Commune a la Terreur de 1793 qu’il
avait déjà condamnée. Le divorce est consommé : il s’appuiera désormais sur
la province en se défiant de Paris. Il recherchera de façon privilégiée le soutien
des masses paysannes plutôt que celui des ouvriers, radicalisés. La province
et les paysans : piliers de la troisième république « la république sera celle
des paysans ou ne sera pas » Cette conviction tient à une réalité propre à l’époque
: les paysans sont encore très nombreux, ils constituent la grande majorité
des propriétaires qui peuvent donner une assise solide à une république socialement
modérée. Cette conviction tient aussi à une conjoncture politique, c’est aux
yeux de Ferry le seul moyen d’instaurer un régime parlementaire assis sur le
consensus du pays entier. L’enseignement, quand « l’ordre » l’emporte sur le
progrès. La volonté de stabiliser la République met au 1° plan l’ambition d’être
des républicain de gouvernement et de s’insérer dans la durée. C’est une position
de principe très tôt affirmée par Ferry « si nous tenons tant a l’ordre (...)
c’est parce que l’ordre est la condition première, essentielle du progrès. Il
rajoute en bon positiviste « le progrès n’est pas une suite de soubresauts ni
de coup de force(...) c’est un développement lent ; C’est un phénomène de transformation
qui se produit d’abord dans les mœurs pour passer ensuite dans les lois. » pour
mettre de l’ordre dans les esprits il faut faire face à « l’internationale noire
» rétrograde ( cléricaux, jésuites ) autant qu’a l’esprit d’utopie de « l’internationale
rouge » l’enjeu de la question de l’école est pour cela fondamental gratuité
et obligation Dans l’imagerie hagiographique républicaine, Jules Ferry est essentiellement
le fondateur de l’école laïque, gratuite et obligatoire. Ce n’est pas faux,
mais il ne faut pas surestimer « la rupture fondatrice » qui aurait était accomplie,
surtout en ce qui concerne la gratuité et l’obligation. 28 mars 1882 promulgation
d’une loi qui rend l’instruction obligatoire pour les enfants des 2 sexes de
6 à 13 ans qui précise qu’elle peut être donnée dans les écoles publiques, des
écoles libres ou la famille. ( Avec dispenses possibles pouvant aller jusqu’à
3 mois ). L’obligation reste cependant du domaine du principe plus que de la
réalité effective, la fréquentation scolaire ne connaît pas une progression
foudroyante. La loi du 16 juin 1881 décide que la scolarisation primaire sera
désormais gratuite. Mais si elle assure la gratuité des études dans les écoles
communales, elle ne donne pas de compensation pécuniaire à ceux qui doivent
se priver du travail de leurs enfants. Cette loi n’ouvre pas elle non plus une
ère nouvelle : en 1880 les deux tiers des élèves étaient affranchis de la rétribution
scolaire, et elle ne résolvait pas tous les problèmes financiers et sociaux
lié à la scolarisation. Il faudra attendre les effets indirects de la politique
nataliste ( fin 3° rep ) pour que les dernières résistances face à la scolarisation
dans le primaire tombent: la menace, dans les années 1930, de suspension des
allocations familiales en cas de non-fréquentation scolaire s’avérera la mesure
la plus efficace pour assurer la scolarisation de tous les enfants, 50 ans après
les lois ferrystes... Le plus intéressant c’est le principe même qui a animé
explicitement l’action de Jules Ferry : L’unité sociale et nationale. Il n’est
pas question d’égalité des chances. Le problème a resourdre n’est pas de favoriser
une démocratisation de l’enseignement ni même d’assurer une large mobilité sociale.
Il s’agit de profiter de la malléabilité de jeunes enfants pour les éduquer
à l’unité sociale et nationale. D’ailleurs Ferry refuse que le principe de gratuité
soit étendu aux établissements secondaire. Egalité de dignité, mais inégalité
de conditions « L’égalité d’éducation n’est pas une utopie ». Ferry rapproche
le 18° s qui a anéanti les privilèges et la distinction des classes( a comprendre
sur le plan du droit pas des réalités financières et sociales ) et la tâche
du 19° siècle qui doit faire disparaître « l’inégalité d’éducation. Il ne s’agit
pas de prêcher un nivellement des conditions sociales qui supprimerait dans
la société les rapports d’obéissance et de commandement mais plutôt de ne plus
apercevoir dans le maître et le serviteur que 2 contractants ayant chacun des
droits précis, limités, chacun leurs devoirs et par conséquent leurs dignités.
Ferry voulait remplacer l’animosité par le respect mutuel ; le changement était
plus moral qu ’économique. l’instruction étant dirigée vers la création d’une
morale commune, visée ultime de l’œuvre ferryste « faire de ces deux classes
une nation égalitaire c’est à dire une nation animée d’un esprit d’ensemble
et de fraternité d’idées » Une morale commune qui n’empêche pas Ferry de contribue
à la mise en place d’une école séparée, divisée, ou chacun était élevé selon
sa condition. En effet les républicains ont développé la barrière de l’argent.
Les enfants de la bourgeoisie fréquentaient les classes élémentaires (payantes)
auxquelles ne s’appliquaient pas la loi de gratuité. Ils ont ensuite renforcer
la spécificité de ces classes. De manière symétrique, Ferry a organisé pour
les enfants du peuple un « ordre primaire » comprenant les écoles primaires
mais aussi les écoles primaires supérieures ouvertes aux meilleurs élèves, des
écoles normales pour préparer aux métier d’instituteurs et des écoles normales
supérieures pour préparer aux métiers de professeurs d’EPS ou d’école normale.
Le système des bourses (rares ) contribue à multiplier des « exceptions consolantes
» (Ferdinand Buisson 1910dans le J.O.) Certes cela permettait à certains enfants
d’origine populaire de poursuivre des études et d’accéder ainsi a des emplois
de cadres subalternes ou d’employés mais il ne s’agissait pas d’assurer une
réelle mobilité sociale. Les républicains veillent à ce que les EPS n’est pas
de programmes trop ambitieux. Ferry n’a pas institué l’école unique mais l’école
du peuple. La 2° partie de la conférence de la salle Molière revendique l’égalité
d’éducation pour les deux sexes. Mais la encore il s’agit d’éduquer chaque sexe
selon sa condition. Logiquement et délibérément le Ferry positiviste refuse
la coéducation, la mixité scolaire préconisée par Condorcet. L’éducation des
femmes a pour finalité 2 entités considérées comme supérieures dans la pensée
positiviste : L’unité familiale et l’unité sociopolitique. Dans la même logique,
l’enseignement secondaire féminin ( loi Camille Sée 21 dec 1880 ) se différencie
nettement du secondaire masculin par l’esprit(ne prépare pas au bac) et le contenu
des programmes(cursus court 5ans), destinée à de futures bourgeoises sans profession
En définitive la scolarisation des filles, développée et généralisée par la
3° rep, est une scolarisation de nature et de finalité différentes de celle
des garçons. Neutralité confessionnelle et engagement politique La laïcité :
la neutralité religieuse Ferry a tenu à placé la laïcité au cœur de son oeuvre
« l’Etat est laïque et doit rester laïque pour le salut de toutes les libertés
que nous avons conquises(...) L’école laïque, c’est là notre force » A la fin
du 19° s l’église lutte contre l’existence même d’institutions enseignantes
publiques laïques ( à l’inverse de la 2° guerre scolaire début 20°s ou l’école
lutte contre l’église) La loi du 28 mars 1882 stipule article 1° que l’enseignement
primaire comprend l’instruction morale et civique qui se substitue à l’instruction
morale et religieuse de la loi Guizot de 1833 et la loi Falloux de 1850. L’article
2 précise qu’un jour par semaine sera vaqué afin de permettre aux parents de
donner une instruction religieuse en dehors des édifices scolaires. L’article
3 abroge le droit d’inspection et de surveillance de l’église. Fondamentalement
Ferry considère que la lutte qu’il mène n’est pas antireligieuse mais anticléricale
( contre le pouvoir politique détenu par l’église ) La laïcité : un engagement
politique républicain la question laïque est fondamentalement lié à la défense
et l’affermissement de la république Les instituteurs et institutrices, qui
encadrent l’école du peuple ont donc un rôle politique à jouer dans l’enceinte
scolaire même. Ils doivent non seulement expliquer la révolution française et
la république mais aussi les faire aimer et cela à un moment où la république
est condamnée par l ’église, où seule une courte majorité de français est favorable
au régime et ou même les républicains ne sont pas tous d’accord pour assumer
en bloc l’héritage de la révolution. En définitive, les enseignants de l’école
sont sommés d’intervenir, de prendre parti à l’école même, sur les enjeux politiques
majeurs de l’époque une morale commune indépendante Importance de l’éducation
morale dans les nouveaux programmes de l’école primaire signé par Ferry en 1882.
L’école ferryste n’est pas l’école du « lire écrire compter » mais l’école de
la moralisation . Il s’agit d’une morale commune et indépendante ( de tout dogme
) : « elle affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale ,
et de la fonder sur les notions du devoir et du droit que le législateur n’hésite
pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer (à propos
de la loi du 28 mars dans la lettre circulaire que Ferry adressa à chaque instituteurs
) L’enseignement laïque de la morale est un affaire d’état , visant à maintenir
son unité . la république éducative le maître éducateur Dans ces conditions
, l’enseignant ne doit pas être simplement le maître d’école ( l’ancien magister)
ni même un instituteur ( celui qui va contribuer à « instituer » la république
) mais un éducateur ( celui qui va prendre la place de l’homme d’église) . Pour
Ferry cela passe pour de nouvelles méthodes et même par ce que l’on appellerait
actuellement une nouvelle relation pédagogique, où l’homme et l’enfant transparaissent
derrière l’enseignant et l’élève. Le refus du primaire rudimentaire Paradoxalement
la légende attribue à Ferry une fixation sur le lire- écrire- compter alors
qu’il a lutté dans le sens inverse. Son ambition « éducatrice » et la conception
qu’il s’en faisait le pousse favoriser l’introduction de nouvelles méthodes
: d’abord changer l’esprit de l’enseignement contre la discipline mécanique
de l’esprit . La bonne méthode pour Ferry n’est pas non plus déductive mais
inductive . Il s’agit de développer un état d’esprit positif . Si ce qui importe
avant tout c’est de moraliser , c’est d’éduquer , on comprend alors que les
nouvelles méthodes et l’affirmation de la pédagogie peuvent être un enjeu considérable
et qu ’elles retiennent l’attention effective de Ferry. « L’école n’est point
matière d’industrie , mais matière d’Etat » Il n’est question que de l’homme
et du citoyen ( à éduquer ) et non du travailleur ( à former ) les préoccupations
de Ferry ne sont pas d’ordre technico-économique. Le choix de Ferry se fait
en réponse à la conjoncture sociopolitique révélée par la Commune. Ensuite pour
des raisons de principe, Jules Ferry et Jules Méline choisissent le protectionnisme
pour des raisons électorales et sociales ( maintenir avant tout la petite propriété
- paysanne, rurale et industrielle, gage de stabilité sociopolitique). L’école
n’a donc pas à concourir à la modernisation des forces productives et à la formation
des producteurs . L’école ne doit pas être « matière d’industrie » ni dans le
sens d’une soumission aux impératifs industriels ni dans le sens d’un abandon
dans le mains des particuliers qui feraient de l’éducation un commerce .
UNE MYTHOLOGIE PERSISTANTE
Lorsqu’un personnage historique fait partie de l’imaginaire collectif il y généralement
beaucoup d’écart entre le mythe et la réalité . L’œuvre de Ferry est très éloignée
de ce que l’on pense communément et les circonstances qui donnent sens a son
action sont le plus souvent occultées . Dans l’imagerie républicaine Ferry serait
le fondateur de l’école gratuite, laïque , et obligatoire . Ce n’est pas faux
mais il ne faut pas surestimer les changements effectués en particulier pour
les lois de gratuité et d’obligation . Quant a la laïcité il faut comprendre
qu ’elle implique une neutralité religieuse en même temps qu’un engagement politique
partisan dans l’enseignement lui-même ce qui s’explique par la situation politique
de l’époque . Malgré tout les clichés passéistes l’école Ferryste n’est pas
non plus celle du « lire,ecrire compter », Ferry pense bien au contraire , opérer
une véritable révolution , en inversant la hiérarchie des enseignements fondamentaux
: la république doit être éducatrice . Ce qui ne signifie en aucune façon que
Ferry est le fondateur de la démocratisation de l’enseignement . La question
de la mobilité sociale n’entrait pas dans ces préoccupations et encore moins
celle de l’égalité des chances. Il ne recherchait pas l’égalité de conditions
mais l’égalité de dignité qui contribue à l’émergence d’une nation animée d’un
esprit d’ensemble et de confraternité d’idées . Il convient de saisir la cohérence
de l’œuvre scolaire ferryste qui repose sur 3 dissociations majeures tout a
fait coordonnées et complémentaires. L’école est séparée de la production ,
celle du peuple de celle des privilégiés , l’école des garçons de celle des
filles . Triple dissociation qui assure que chacun reste a sa place et que tout
reste en place . La question de l’ordre l’emporte sur le progrès . Ces 3 dissociations
ont non seulement les mêmes finalités mais elles sont intimement liées ce qui
renforcent la cohésion et la force de l’ensemble . Pour des raisons d’ordre
sociopolitique, les républicains opportunistes ont choisi le protectionnisme
et le soutien à la petite propriété paysanne et industrielle , ce qui rend la
séparation entre l’école et la production non seulement possible mais aussi
souhaitable . Ceci est en harmonie avec le choix d’une faible mobilité sociale
(séparation école du peuple et celle des privilégiés ) et avec le développement
d’une école de filles spécifiques . En retour le souci que les femmes restent
a leurs places , que le peuple ne se sente pas déclassé est en harmonie avec
le choix du faible développement économique ( protectionnisme ) compatible avec
la recherche d’une stabilisation socio-économique dans un cadre dominant rural
et paysan. Cette politique scolaire très cohérente permettait la stabilité,
ce qui peut expliquer la nostalgie et la mythologie de l’école ferryste. On
ne peut aller vers l’avenir qu’en maîtrisant son passé .Notre prospective sur
le devenir de l’école doit cesser d’être mythiquement restrospective . En effets
certains penseurs de l’école et la plupart des grands décideurs politiques croient
devoir abriter leurs orientations ou politiques scolaires sous l’autorité de
Jules Ferry., une référence consensuelle qui appelle a la méfiance et a la vigilance.
Bernard Charlot y voit la confirmation que l’école de Ferry est bien morte et
que les enjeux scolaires n’ont plus rien à voir avec ceux de la république triomphante
. seule une bonne connaissance de l’œuvre peut permettre d’avoir de bons repères
pour juger de la pertinence d’un discours ou d’un processus de légitimation.
CONCLUSION
La spécificité majeure de l’école à la Française instituée par Napoléon et Guizot,
confortée et achevée par Ferry dans une « république une et indivisible » c’est
d’inscrire l’école de manière singulière dans l’espace politique : L’éducation
scolaire est mise au cœur même d’un projet politique du lien social ( par l’édification
d’un espace public, national ) et c’est cela l’essentiel par delà le mythe,
si l’on veut saisir les bases mêmes de l’action de Ferry. la notion de service
public d’enseignement est apparue au moment même ou les libéraux etaient au
pouvoir ( nov. 1831) : le libéralisme scolaire est pourtant rejeté et l’instruction
désignée comme une oeuvre nationale . Les surprises de l’histoire, née de conjonctures
particulières, peuvent recommencer en sens inverse...cela mériterait la clarté
d’un débat public car , sous les apparences de mesures « gestionnaires » ou
« techniques » , il s’agit d’un enjeu politique majeur . il y va de l’Ecole
à la française , de l’état - éducateur , de la république éducative , des principes
mêmes de l’école de la république française . Ferry savait déjà d’où pouvait
venir la mise en cause de l’exception française (l’école n’est point matière
d’industrie mais d’état) . On conviendra que par delà la mythologie ferryste
( à denoncer sans complaisance pour aller de l’avant sans être taraudé par ce
sentiment de paradis perdu) , cela peut mériter réflexion et garder tout son
sens .