Métier d'élève et sens du travail scolaire
PERRENOUD (Philippe)
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"A l'école, on apprend
à son insu à vivre dans une organisation, on construit, à travers l'apprentissage
du métier d'élève, un habitus adapté à la vie dans les sociétés modernes".
- Perrenoud démontre comment le travail scolaire est
juridiquement plus proche des travaux forcés que d'une profession librement
choisie. L'exercice du métier d'élève n'offre
souvent aux enfants ni l'impression, ni l'occasion de faire des choses intéressantes.
C'est à dire qui ait du sens pour eux. Plus nombreux sont ceux qui trouvent
rarement leur compte à travers l'exercice de ce métier. Celui-ci
les pousse à exercer la ruse, la tricherie, le faux-semblant, voire la violence
physique.
- Il est logique que la connaissance, la culture, les
savoirs ne soient pas conçus comme des plus-values d'être, mais comme des
objets à monnayer contre des points, des notes, des récompenses, un avenir.
- Les points forts cernés par Perrenoud :
- L'école ment à l'enfant (comme si l'avenir
suffisait à donner du sens au travail quotidien).
- Exercé sous la pression formidable du credo
"c'est pour ton bien", le métier d'élève conduit à la course à la
réussite (l'élève est sans arrêt menacé de "rater sa vie").
Cette course à la réussite induit un rapport stratégique ou tactique à la
scolarisation, donc un rapport utilitariste aux savoirs.
- Au nom de l'évaluation, l'enfant apprend
souvent à faire bonne figure lorsqu'il n'a rien compris, à identifier les
limites raisonnables de la légèreté, de la fraude,
de la séduction. Perrenoud préconise une évaluation formative.
- Le métier d'élève oblige l'enfant à reconstruire sans
cesse de nouveaux mécanismes de défense. Le peu de liberté conquise par la
génération précédente risque sans cesse de disparaître. La pression exercée
sur l'élève réclame de lui la création de nouvelles stratégies, pour se protéger
des demandes exorbitantes de l'école.
- L'enfant devient un messager entre l'univers de l'école
et celui de la maison. Il a bien souvent tout intérêt à ne pas vouloir trop
rapprocher sa famille de l'école, il s'entraîne à jouer sur les failles des
organisations et des systèmes sociaux, à repérer les no man's land.
Perrenoud nous fait adopter une nouvelle posture intellectuelle
: celle d'accepter de repenser les savoirs et les apprentissages
en refusant d'ignorer ce que vivent et apprennent réellement les enfants et
les adolescents en classe.
Il cherche à repérer et à prévenir les perversions
du métier d'élève et ses dérives qui conduisent , à partir de l'intention d'instruire
ou de faire apprendre, à son contraire : l'ennui, la perte de goût pour le travail
et le savoir.
Il invite enseignants, parents, éducateurs et chercheurs
à entrer dans une logique du renouveau. Le fait que l'éducation scolaire sera
toujours un combat et que l'altérité de l'autre ne sera jamais réduite, laisse
moins d'enfants croire qu'ils n'ont pas le droit d'y participer.
Pour que le métier d'élève se transforme,
il faut qu'un autre combat pédagogique soit conclu
"l'urgence n'est
pas d'affiner les curricula et les didactiques à perte de vue mais de travailler
à faire évoluer les organisations scolaires et les métiers de ceux qui y vivent
et y travaillent".