Prairat Erick
La Sanction

 

Eirick Prairat est Maître de conférences à l'IUFM de Lorraine et anime depuis 1997 le groupe d'étude des conditions et processus d'apprentissage et de socialisation(GECPAS). Il est l'auteur d'une trilogie sur la sanction en éducation : Eduquer et punir. Généalogie du discours psychologique(1994), La sanction, petites médiations à l'usage des éducateurs(2000), Sanction et socialisation, Idées, résultats et problèmes(2001).

Il s'agit de comprendre comment traitait-on les perturbateurs, et aussi l'attitude des éducateurs face à ces derniers. Qu'est ce qu'ils se sont résignés à faire ? Nous allons voir la sanction et la prendre comme un lieu, ainsi ce qu'elle signifie. Il y a dans la culture disciplinaire de l'Ecole un beau répertoire de pratiques et d'instruments punitifs : le fouet, la férule, le bonnet d'âne, la cabourne, le martinet, le cachot…la liste est longue. Mais au delà de cette liste, nous nous proposons une typologie des sanctions, car nous pensons que toute pratique punitive est une pratique qui s'appuie sur le corps car celui-ci est à l'interface de l'individuel et du collectif. Donc nous proposons quatre grandes formes punitives, chacune d'elle est désignée par une représentation idéale du corps, par un mode d'investissement de celui-ci et par une visée éthico-politique. ¨ La punition-expiation ou le corps châtié : Le corps est chair au sens de la métaphysique chrétienne traditionnelle. Il est la chair opposé à l'esprit. Punir c'est châtier, punir c'est purifier. ¨ La punition-signe ou le corps marqué : Le corps ou ce qui l'enveloppe est surface d'inscription, il est un port-signe et un porte-insignes prenant à témoin les autres. ¨ La punition-exercice ou le corps dressé : Le corps est modulable, façonnable, il s'offre à une manipulation physique. Punir c'est dresser. ¨ La punition-banissement ou le corps évincé : Le corps n'est ni chair, ni surface scripturaire, ni matérialité modulable. Punir c'est priver un corps de son mode d'inscription existentiel dans le monde, c'est l'arracher d'un groupe qui lui donne sens. Punir c'est exclure. Mais que doit on faire aujourd'hui et qui légitime le recours à la sanction éducative, il y aurait quatre raisons : ¨ Raisons institutionnelles : Robert Ballion et Eric Debarbieux se sont penchés sur la question et pensent que quand on sanctionne, on se débarrasse de quelqu'un. Punir c'est donc mettre à l'écart. Ce qui a pour conséquence d'avoirs très vite recours au signalement. Des enquêtes sociologiques ont montré que certaines fois on sanctionne inégalement, et par conséquent il existe des disparités dans les pratiques. ¨ Raisons sociopolitiques : Il y a une légitimité de l'institution scolaire et dans ce cadre, la sanction crée des conflits entre les élèves et les enseignants. Cependant, la légitimité de l'école n'est plus une légitimité institutionnelle. Aujourd'hui l'école ne peut plus faire l'économie de comment elle fonctionne, il y a un déplacement de légitimité qui devient plus procédurale. Cette modification n'est pas propre à l'institution scolaire. ¨ Raisons théoriques : a partir des années 50, les modèles psychologiques ont été des référents pour penser à la sanction. Maintenant ces modèles sont en crise et on a recours au droit. Mais que le droit serve de référent d'accord, mais de là à faire de la sanction éducative une pure copie de la sanction pénale, c'est une autre chose. Ceci parce qu'il y a une spécificité de l'espace scolaire qui a trois grandes caractéristiques. C'est un : Espace intermédiaire, Annah Arendt dit à ce sujet : " l"école n"est pas le monde c"est plutot l"institution privée qui s"installe entre le monde privé et le monde politique ". Hégel disait aussi : " l"école est une sphère médiane " Espace transitionnel car il prépare le passage vers un autre monde(celui du travail). Le pédagogue est celui qui conduit hors de l'école et non celui qui conduit à l'école pour reprendre Platon. Espace de simulation, c'est un espace de mise en jeu et d'engagement non irréversible. Comme Alain disait : " A l"école les erreurs de calculs n"ont jamais ruiné personne ". ¨ Raisons pratiques : Nous ne savons pas sanctionner, car nous n'avons pas réfléchi à cette question là. C'est un impensé de la réflexion éducative contemporaine. Ces trente dernières années on a baigné dans la substitution, on dialogue au lieu de contraindre. Kant disait qu'il n'y avait pas contradiction entre contrainte et éducation. Mais qu'est ce donc qu'une sanction éducative, sur quels fondements de base t'elle , quelles sont les finalités, et quelles sont les propriétés d'une sanction éducative ? C'est ce que nous allons donc voir. Les fondements Il faut distinguer l'ordre de la morale et l'ordre du droit. Dans l'ordre de la morale, il n'y a pas de sanction. Car le monde déséquilibré de la morale ne connaît pas la punition, et dans l'ordre de la morale le délinquant n'est pas à punir c'est plutôt une personne à plaindre. Platon dit qu'il y a une aporie de la sanction. Fonder la sanction c'est la ramener dans sa sphère de validité, là ou elle a un sens, c'est dans un principe d'identité entre les personnes et un principe de mutualité dans le droit. Dans ce cadre, les contraintes sont objectivées en interdits qui valent pour tous. Le règlement intérieur est un bon exemple parce qu'il fonde le recours à la sanction, cette dernière présuppose donc un cadre objectif de règles. Les finalités de la sanction La sanction poursuit trois fins qui sont politique, éthique, psychologique et social. POLITIQUE : La sanction n'est ni une stratégie de réactivation du pouvoir de l'adulte quel que soit sa casquette. Elle est là pour rappeler la centralité de la loi, donc il faut réfléchir sur la qualité même de la loi. C'est dans le même ipso facto réaffirmer l'intégrité du groupe vis a vis de la loi. " Il n"y a qu"un cas où le vol ne soit pas terrible, écrit Makarenko dans le chemin de la vie, c"est là où il n"existe ni collectivité, ni opinion publique. Le problème se résout alors simplement : l"un est voleur, l"autre le volé, et le reste ne regarde personne. Dans une collectivité(…) il en va autrement ". Pour Kant la sanction pénale n'a que cette seule finalité. ETHIQUE : Il s'agit de faire advenir un sujet responsable en lui imputant les conséquences de ces actes, ceci diffère de la position kantienne. Il s'agit de sanctionner de telle manière que cela fasse advenir en lui une attitude responsable. On parie donc sur l'existence de ce que l'on doit faire advenir, et tout nos actes dans un espace social ont du sens. PSYCHOLOGIQUE ET SOCIAL : La sanction est un coup d'arrêt, elle signifie une limite dans un fantasme d'omnipotence. Elle est là pour faire césure. La sanction ne peut ressembler à la transgression, donc récusons les peines en miroir. Cela veut dire qu'une sanction doit réorienter un comportement, elle ouvre un nouveau commencement avec la victime ou avec le groupe. Une sanction qui nuit à l'avenir du coupable n'est pas éducative. Les propriétés d'une sanction éducative Elle s'adresse à un sujet, pas de sanctions collectives. Cela veut dire qu'il y aura une conséquence négative (il faut renoncer au spectaculaire, à l'idée d'édifier, ce qui n'est pas renoncer au symbolique) et une conséquence positive(elle appelle la parole, la sanction doit tendre à être comprise ce qui ne veut pas dire admise au sens de Kant le souci d'être compris est un souci régulateur). L'éducateur agit dans l'incertitude sans connaître la portée de son action. La parole lie et délie la sanction de la transgression. Elle lie au niveau du sens, pas de lien de nature formel, la parole fait un pont. Au plan pragmatique, la parole fait de la sanction tout sauf une vengeance. Elle porte sur des actes. On sanctionne une tricherie et jamais un tricheur. Cette distinction du faire et de l'être est l'essentiel. La sanction éducative se borne et donc préserve le puni, la faute est manquement et non manque de l'être. Le punisseur punit donc l'indignité de l'acte. Elle doit apparaître comme la privation d'un droit. Le règlement intérieur doit décliner de manière claire à la fois droits et obligations de chacun. Il doit conjurer ces deux écueils symétriques on peut tout faire--------on ne peut rien faire. La liberté doit donc passer par une privation du droit. Makarenko ajoute que la véritable exclusion c'est une excommunication Elle prend la forme d'une privation. Que ce soit d'une liberté, d'un droit, la sanction réduit la puissance d'un être. Il est bon que la sanction s'accompagne donc d'une procédure réparatoire (Jean-Pierre OBIN s'oppose à la réparation). Pourquoi la réparation est elle nécessaire ? Simplement parce que la sanction est un pâtir, et que réparer c'est réparer quelque chose mais aussi réparer quelqu'un. Mélanie Klein dit quand on répare on se répare, ainsi il y aurait quelque chose comme se pardonner à soi même. Quelques définitions Une sanction éducative est une occasion de rappeler la loi, la règle et qu'on ne se taira pas sur celle-ci La sanction éducative est une réponse, un réaction/explication. Cela appelle une vertu éducative qui est la consistance. L'adulte est celui contre qui il m'est permis d'être. La sanction est la pour confronter. C'est une interpellation à l'adolescent qui est train de grandir et dans son rapport aux autres

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