Auteur : D.Schnapper. Remerciements à : M. Testa,
CPE |
||
La nation démocratique représente « l’ambition de créer une société politique en transcendant par la citoyenneté les enracinements concrets et les appartenances et fidélités particulières. » L’individu et ses intérêts a pris la place du citoyen et de ses idéaux. La nation et la légitimité sont fondées sur le principe de souveraineté des peuples et non plus sur une tradition dynastique et religieuse. Désormais, on justifie moins la démocratie par les valeurs qui ont fondé le projet politique des démocraties occidentales ( liberté, égalité ) que par le fait qu’elle fait profiter tous ses membres des bienfaits de la richesse collective. Enfin, pour Schnapper, le lien social est d’abord national ( ce que refuse Durkheim, pour qui « le concept de nation est une notion mystique, obscure .» ). 1. Définitions : Nation et ethnie : La nation se distingue des groupes ethniques
qui, eux, ne sont pas organisés politiquement. « Sa spécificité est qu’elle
intègre les populations en une communauté des citoyens, dont l’existence
légitime l’action intérieure et extérieure de l’état ». Les ethnies sont,
elles, des groupes d’appartenance sans nécessaire expression politique
; celles-ci ne sont d’ailleurs pas plus naturelles que les nations ( en
effet, les ethnies africaines ont souvent été créees par la politique
du colonisateur ). De même, Tito a inventé l’ « ethnie musulmane » de
Bosnie-Herzégovine… Nation et unité politique : La nation a une notion de citoyenneté que n’a pas l’unité politique. Certains états sont des nations-unités politiques, pas des nations démocratiques ( par exemple l’Iran, qui n’est pas une nation en ce sens ). De plus, il ne faut pas confondre Etat et Nation : l’état est l’instrument de la nation. Pour Hegel, L’Etat est le support rationnel de la nation et l’expression objective de l’identité collective, devenue politique. En fait, c’est l’existence d’une communauté des citoyens, distincte de l’Etat, qui rend spécifique la nation démocratique parmi les unités politiques. Nation et nationalisme : Le nationalisme est une revendication des ethnies à être reconnues comme des nations, c’est à dire à faire coïncider communauté historico-culturelle et organisation politique. Le sens de l’intégration : Deux notions à retenir : L’EDUCABILITE et la SOCIABILISATION : elles englobent la capacité des hommes à acquérir par l’éducation - au sens large du terme - les moyens de participer à la vie commune, i.e, nationale. L’Ecole joue un rôle fondamental de formation des citoyens. L’homogénéité culturelle n’a jamais suffi pour constituer une nation ; l’important c’est que les citoyens partagent l’idée qu’il existe un domaine politique indépendant des intérêts particuliers et qu’ils doivent respecter les règles de son fonctionnement. La nation est une forme politique qui transcende les différences entre les populations ( sociales, religieuses, régionales…), mais c’est aussi une unité politique, et l’Etat doit agir souverainement dans un système international fondé sur l’idée de souveraineté des nations-unités politiques. 2. Le politique et le national : La nation se définit par son ambition de transcender par la citoyenneté des appartenances particulières biologiques, économiques, sociales, religieuses….l’individu devient abstrait. En découle la notion fondamentale de LAICITE. Le projet politique : Pour Renan, la nation n’est en aucun cas due à la race, la langue, la religion ou la terre. Weber : « c’est parce que la nation crée la race qu’on a cru que la race crée la nation ». Le projet politique englobe les idées ( valeurs et idéologies ) et les réalités objectives ( pratiques sociales et institutions ) en constante interaction, par lesquelles s’est installé le processus de l’intégration nationale. Le projet politique se perpétue par des conduites politiques et des institutions ( i.e l’Etat ), qui donnent corps à l’abstraction qu’est la nation civique. 3. La transcendance par la citoyenneté : Dans la tradition britannique, pour assurer la véritable liberté des hommes contre le pouvoir, il faut respecter la diversité des appartenances et des attachements particuliers. L’immigration est abordée différemment en France et en Grande-Bretagne. Les anglais acceptent qu’existent des formes de communautés dont les intérêts sont spécifiques et dont les représentants négocient avec les pouvoirs publics pour bénéficier de droits particuliers. Les français s’efforcent d’intégrer en refusant de reconnaître l’existence de communautés dans l’espace public. Ce qui fonde le principe de la nation, c’est l’opposition entre l’universalisme du citoyen et les spécificités de l’homme privé, membre de la société civile. Les instruments de la vie politique : Schnapper insiste sur le caractère sacré du vote qui assure les liens sociaux et trace le destin de la collectivité. Voter, c’est montrer qu’on appartient à la communauté politique nationale. Le multiculturalisme : il est un fait de la vie sociale ; toute nation, par définition, est formée de populations diverses par leur culture, leur milieu social, leur religion, leur origine régionale. Ce noyau dur culturel n’exclut pas la participation à la vie politique, si ses normes n’entrent pas en contradiction avec les valeurs de le communauté des citoyens. Les étrangers ont le droit de cultiver les particularités dans leur vie personnelle et sociale à condition de respecter les règles de l’ordre public sans fonder une identité politique particulière. La nation est par nature plus ouverte aux autres que toutes les formes d’ethnies : i.e, on ne peut entrer dans une ethnie si on n’en fait pas partie par sa naissance, alors que l’on peut disposer de tous les droits du citoyen français par la naturalisation. 4. L’institution de la singularité nationale : Notion-clés : Une nation doit avoir un territoire délimité par des frontières La dignité est la valeur de l’homme démocratique moderne : respect de l’identité, des valeurs, des croyances. La laïcité est étroitement liée au projet démocratique. « Dans les pays formés par l’immigration, on doit unir les populations par la société politique, avant que ne s’organisent des communautés particulières à dimension politique ». L’Ecole est l’institution de la nation par excellence, un lieu construit contre les inégalités réelles de la vie sociale. L’existence des nations dépend moins de l’hétérogénéité des populations que de la capacité du projet politique à résoudre les rivalités et les conflits entre groupes sociaux, religieux, régionaux… Il faut que les individus admettent qu’il existe un domaine public unifié, indépendant, au moins dans son principe, des liens et des solidarités religieuses, claniques et familiaux. Il faut aussi que l’égalité de dignité de chacun ne soit pas contredite par des inégalités de statut dans le droit personnel. L’intégration démocratique : Ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires
ont un intérêt direct à ce que soient reconnus l’égalité juridique et
les droits politiques de tous - égalité qui compense l’infériorité de
leur statut ( e.g, protestants et afro-américains ). La décadence de la
nation prend sa source dans sa nature même, car la réalité nationale se
transforme en communauté de travail, de culture et de redistribution des
richesses. Le lien entre les hommes devient moins civique qu’utilitariste.
Important : La concurrence économique divise les hommes, nourrit les rivalités entre les groupes que le projet politique tendait à unir. Problème posé par cette « citoyenneté économique » : que deviennent les chômeurs ? La démocratie proclame des idéaux que contredit l’observation des réalités concrètes. Elle accorde une valeur absolue à l’individu, mais la logique de la productivité force à le réduire à son rang social et professionnel La pensée moderne a pour effet de désacraliser le politique, tout comme elle a désacralisé le religieux, or, tout pouvoir tient du sacré ; les élections suffisent-elles pour assurer le lien politique ? Il n’est pas exclu que la forme politique nationale s’épuise. |
||