La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe
de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse
dans les écoles, collèges et lycées publics, marque la volonté très largement
partagée de réaffirmer l’importance de ce principe indissociable des valeurs
d’égalité et de respect de l’autre. Elle témoigne de la volonté
des représentants de la Nation de conforter l’école de la République.
La présente circulaire précise les modalités d’application de la loi du
15 mars 2004. Elle abroge et remplace la circulaire du
12 décembre 1989 relative à la laïcité, au port de signes religieux par les
élèves et au caractère obligatoire des enseignements, la circulaire du 26 octobre
1993 sur le respect de la laïcité, et la circulaire du 20 septembre 1994 relative
au port de signes ostentatoires dans les établissements scolaires.
La loi du 15 mars 2004 est prise en application
du principe constitutionnel de laïcité qui est un des fondements de l’école
publique. Ce principe, fruit d’une longue histoire, repose sur le respect
de la liberté de conscience et sur l’affirmation de valeurs communes qui
fondent l’unité nationale par-delà les appartenances particulières.
L’école a pour mission de transmettre les valeurs de la République parmi
lesquelles l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité
entre les hommes et les femmes et la liberté de chacun y compris dans le choix
de son mode de vie. Il appartient à l’école de faire vivre ces valeurs,
de développer et de conforter le libre arbitre de chacun, de garantir l’égalité
entre les élèves et de promouvoir une fraternité ouverte à tous. En protégeant
l’école des revendications communautaires, la loi conforte son rôle en
faveur d’un vouloir-vivre-ensemble. Elle doit le faire de manière d’autant
plus exigeante qu’y sont accueillis principalement des enfants.
L’État est le protecteur de l’exercice individuel et collectif de
la liberté de conscience. La neutralité du service public est à cet égard un
gage d’égalité et de respect de l’identité de chacun.
En préservant les écoles, les collèges et les lycées publics, qui ont vocation
à accueillir tous les enfants, qu’ils soient croyants ou non croyants
et quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques, des pressions
qui peuvent résulter des manifestations ostensibles des appartenances religieuses,
la loi garantit la liberté de conscience de chacun. Elle ne remet pas en cause
les textes qui permettent de concilier, conformément aux articles L. 141-2,
L. 141-3 et L. 141-4 du code de l’éducation, l’obligation scolaire
avec le droit des parents de faire donner, s’ils le souhaitent, une instruction
religieuse à leurs enfants.
Parce qu’elle repose sur le respect des personnes et de leurs convictions,
la laïcité ne se conçoit pas sans une lutte déterminée contre toutes les formes
de discrimination. Les agents du service public de l’éducation nationale
doivent faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté
à l’égard de toutes les formes de racisme ou de sexisme, de toutes les
formes de violence faite à un individu en raison de son appartenance réelle
ou supposée à un groupe ethnique ou religieux. Tout propos, tout comportement
qui réduit l’autre à une appartenance religieuse ou ethnique, à une nationalité
(actuelle ou d’origine), à une apparence physique, appelle une réponse.
Selon les cas, cette réponse relève de l’action pédagogique, disciplinaire,
voire pénale. Elle doit être ferme et résolue dans tous les cas où un élève
ou un autre membre de la communauté éducative est victime d’une agression
(qu’elle soit physique ou verbale) en raison de son appartenance réelle
ou supposée à un groupe donné.
Parce que l’intolérance et les préjugés se nourrissent de l’ignorance,
la laïcité suppose également une meilleure connaissance réciproque y compris
en matière de religion. À cet égard, les enseignements dispensés peuvent tous
contribuer à consolider les assises d’une telle connaissance. De même,
les activités de “vivre ensemble” à l’école primaire, l’éducation
civique au collège ou l’éducation civique, juridique et sociale au lycée
constituent des moments privilégiés pour faire progresser la tolérance et le
respect de l’autre. Plus spécifiquement, les faits religieux, notamment
quand ils sont des éléments explicites des programmes, comme c’est le
cas en français et en histoire, doivent être utilisés au mieux dans les enseignements
pour apporter aux élèves les éléments de culture indispensables à la compréhension
du monde contemporain.
Aux termes du premier alinéa de l’article
L. 141-5-1 du code de l’éducation, “dans les écoles, les collèges
et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent
ostensiblement une appartenance religieuse est interdit”.
2.1 La loi interdit les signes
et les tenues qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse
Les signes et tenues qui sont interdits
sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son
appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on
lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. La loi
est rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et
de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes, voire à d’éventuelles
tentatives de contournement de la loi.
La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux
discrets.
Elle n’interdit pas les accessoires et les tenues qui sont portés communément
par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la
loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y
attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables
à la tenue des élèves dans l’établissement.
2.2 La loi s’applique aux
écoles, aux collèges et aux lycées publics
La loi s’applique à l’ensemble
des écoles et des établissements d’enseignement scolaire publics. Dans
les lycées, la loi s’applique à l’ensemble des élèves, y compris
ceux qui sont inscrits dans des formations post-baccalauréat (classes préparatoires
aux grandes écoles, sections de technicien supérieur).
La loi s’applique à l’intérieur des écoles et des établissements
et plus généralement à toutes les activités placées sous la responsabilité des
établissements ou des enseignants y compris celles qui se déroulent en dehors
de l’enceinte de l’établissement (sortie scolaire, cours d’éducation
physique et sportive...).
2.3 La loi ne modifie pas les règles
applicables aux agents du service public et aux parents d’élèves
Les agents contribuant au service public
de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis
à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance
religieuse, même discret. Ils doivent également s’abstenir de toute attitude
qui pourrait être interprétée comme une marque d’adhésion ou au contraire
comme une critique à l’égard d’une croyance particulière. Ces règles
sont connues et doivent être respectées.
La loi ne concerne pas les parents d’élèves. Elle ne s’applique
pas non plus aux candidats qui viennent passer les épreuves d’un examen
ou d’un concours dans les locaux d’un établissement public d’enseignement
et qui ne deviennent pas de ce seul fait des élèves de l’enseignement
public. Ceux-ci doivent toutefois se soumettre aux règles d’organisation
de l’examen qui visent notamment à garantir le respect de l’ordre
et de la sécurité, à permettre la vérification de l’identité des candidats
ou à prévenir les risques de fraudes.
2.4 Les obligations qui découlent,
pour les élèves, du respect du principe de laïcité ne se résument pas à la question
des signes d’appartenance religieuse
La loi du 15 mars 2004 complète sur la
question du port des signes d’appartenance religieuse le corpus des règles
qui garantissent le respect du principe de laïcité dans les écoles, collèges
et lycées publics.
Les convictions religieuses des élèves ne leur donnent pas le droit de s’opposer
à un enseignement. On ne peut admettre par exemple que certains élèves prétendent,
au nom de considérations religieuses ou autres, contester le droit d’un
professeur, parce que c’est un homme ou une femme, d’enseigner certaines
matières ou le droit d’une personne n’appartenant pas à leur confession
de faire une présentation de tel ou tel fait historique ou religieux. Par ailleurs,
si certains sujets appellent de la prudence dans la manière de les aborder,
il convient d’être ferme sur le principe selon lequel aucune question
n’est exclue a priori du questionnement scientifique et pédagogique.
Les convictions religieuses ne sauraient non plus être opposées à l’obligation
d’assiduité ni aux modalités d’un examen. Les élèves doivent assister
à l’ensemble des cours inscrits à leur emploi du temps sans pouvoir refuser
les matières qui leur paraîtraient contraires à leurs convictions. C’est
une obligation légale. Les convictions religieuses ne peuvent justifier un absentéisme
sélectif par exemple en éducation physique et sportive ou en sciences de la
vie et de la Terre. Les consignes d’hygiène et de sécurité ne sauraient
non plus être aménagées pour ce motif.
Des autorisations d’absence doivent pouvoir être accordées aux élèves
pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé
et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au
B.O. En revanche, les demandes d’absence systématique ou prolongée doivent
être refusées dès lors qu’elles sont incompatibles avec l’organisation
de la scolarité. L’institution scolaire et universitaire, de son côté,
doit prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun examen ni aucune
épreuve importante ne soient organisés le jour de ces grandes fêtes religieuses.
Aux termes du second alinéa de l’article
L. 141-5-1 du code de l’éducation tel qu’il résulte de la loi du
15 mars 2004, “le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre
d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève”.
3.1 La mise en œuvre de la loi passe d’abord
par le dialogue
Le second alinéa de l’article L. 141-5-1 illustre
la volonté du législateur de faire en sorte que la loi soit appliquée dans le
souci de convaincre les élèves de l’importance du respect du principe
de laïcité. Il souligne que la priorité doit être donnée au dialogue et à la
pédagogie.
Ce dialogue n’est pas une négociation et ne saurait bien sûr justifier
de dérogation à la loi.
3.2 L’organisation du dialogue relève
de la responsabilité du chef d’établissement
Lorsqu’un élève inscrit dans l’établissement
se présente avec un signe ou une tenue susceptible de tomber sous le coup de
l’interdiction, il importe d’engager immédiatement le dialogue avec
lui.
Le chef d’établissement conduit le dialogue en liaison avec l’équipe
de direction et les équipes éducatives en faisant notamment appel aux enseignants
qui connaissent l’élève concerné et pourront apporter leur contribution
à la résolution du problème. Mais cette priorité n’est en rien exclusive
de tout autre choix que le chef d’établissement pourrait au cas par cas
juger opportun.
Pendant la phase de dialogue, le chef d’établissement veille, en concertation
avec l’équipe éducative, aux conditions dans lesquelles l’élève
est scolarisé dans l’établissement.
Dans les écoles primaires, l’organisation du dialogue est soumise en tant
que de besoin à l’examen de l’équipe éducative prévue à l’article
21 du décret n° 90-788 du 6 septembre 1990.
Le dialogue doit permettre d’expliquer à l’élève et à ses parents
que le respect de la loi n’est pas un renoncement à leurs convictions.
Il doit également être l’occasion d’une réflexion commune sur l’avenir
de l’élève pour le mettre en garde contre les conséquences de son attitude
et pour l’aider à construire un projet personnel.
Pendant le dialogue, l’institution doit veiller avec un soin particulier
à ne pas heurter les convictions religieuses de l’élève ou de ses parents.
Le principe de laïcité s’oppose évidemment à ce que l’État ou ses
agents prennent parti sur l’interprétation de pratiques ou de commandements
religieux.
3.3 En l’absence d’issue
favorable au dialogue
Le dialogue devra être poursuivi le temps
utile pour garantir que la procédure disciplinaire n’est utilisée que
pour sanctionner un refus délibéré de l’élève de se conformer à la loi.
Si le conseil de discipline prononce une décision d’exclusion de l’élève,
il appartiendra à l’autorité académique d’examiner avec l’élève
et ses parents les conditions dans lesquelles l’élève poursuivra sa scolarité.
La loi du 15 mars 2004 s’applique
à compter de la rentrée scolaire prochaine.
Même si l’interdiction posée par le premier alinéa de l’article
L. 141-5-1 est d’application directe, il est utile de la rappeler dans
les règlements intérieurs et de veiller à ce que ceux-ci ne comportent plus
de référence à la notion de signes ostentatoires qui s’appuyait sur la
jurisprudence du Conseil d’État à laquelle la loi nouvelle se substitue.
Les règlements intérieurs doivent rappeler, conformément aux prescriptions du
second alinéa de l’article L.141-5-1, que la mise en œuvre d’une
procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.
Les chefs d’établissement sont invités à soumettre aux conseils d’administration
les clauses jointes en annexe.
Les recteurs diffuseront prochainement aux établissements une liste des personnes
qui auront pour mission de répondre aux questions que pourraient se poser les
chefs d’établissement et les équipes éducatives. Ces correspondants académiques,
sous l’autorité du recteur, seront eux-mêmes en contact étroit avec la
direction de l’enseignement scolaire et la direction des affaires juridiques
qui sont chargées de leur apporter toute l’aide nécessaire dans la mise
en œuvre de la loi. Les recteurs et les correspondants académiques sont,
en tant que de besoin, les points de contact avec les tiers intéressés à la
mise en œuvre de la loi.
Chaque chef d’établissement adressera au recteur de son académie avant
la fin de l’année scolaire 2004-2005 un compte rendu faisant le bilan
des conditions d’application de la loi dans son établissement et des éventuelles
difficultés rencontrées. Une attention particulière doit être apportée à la
rédaction de ces comptes rendus qui fourniront les informations nécessaires
au travail d’évaluation prévu par l’article 4 de la loi.
Le ministre de l’éducation
nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
François FILLON
Annexe
MODÈLE D’ARTICLE
À INSÉRER DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’ÉTABLISSEMENT
“Conformément aux dispositions de
l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, le port de signes ou
de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance
religieuse est interdit.
Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction posée à l’alinéa
précédent, le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève
avant l’engagement de toute procédure disciplinaire.