LE CPE ET LA NECESSITE D'UNE FORMATION JURIDIQUE
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Pour notre revue, restée inédite, nous avions commandé à Catherine Champrenault un article sur le CPE et le droit. Catherine Champrenault était alors chargée de mission auprès de la Direction des Affaires Juridiques au Ministère de l'Education Nationale.

Au fur et à mesure des années et des tensions grandissantes au sein des établissements scolaires, la fonction du Conseiller Principal d'Education s'est constituée à l'interface de tous les autres acteurs du système éducatif :

▻Au centre des problèmes, voire des conflits entre les élèves en dehors des cours ;

▻Au cœur des incompréhensions ou des oppositions mutuelles élèves/enseignants ;

▻En assistance du chef d'établissement dans sa responsabilité disciplinaire ;

▻En courroie de transmission vers les personnels médico-sociaux et les conseillers d'orientation psychologues ainsi que les partenaires extérieurs de l'Education Nationale.

Cette place en fait un conseiller de l'éducation privilégié dont la légitimité est fondée sur des qualités d'autorité et d'écoute.

Mais si les capacités à s'intéresser aux autres et à communiquer sont des conditions nécessaires à l'efficacité de la fonction, elles ne suffisent pas toujours à faire face aux multiples et délicates missions du CPE telles qu'elles sont définies par la circulaire du 28 octobre 1982 :

▻Au titre du fonctionnement de l'établissement, le CPE veille à la sécurité scolaire en organisant le service de surveillance et le contrôle de l'assiduité des élèves. Il s'agit donc en premier lieu de créer des conditions de vie épanouissantes pour les adolescents et de prévenir tant les accidents, les violences que l'échec scolaire. C'est le domaine de la prévention primaire.

▻Il lui incombe ensuite d'assurer le suivi de chaque élève et de rechercher en liaison avec l'équipe éducative et la famille l'origine de ses difficultés éventuelles. A ce titre, il doit savoir dialoguer, consulter et orienter. Il exerce alors un rôle d'aide et de protection.

▻Il participe également à la régulation de ,la vie scolaire, gérant lui-même certains problèmes de discipline et étant le plus souvent associé à l'ensemble des questions liées à la sanction. ▻Enfin le CPE doit favoriser l'expression démocratique des élèves : il organise les élections des délégués des élèves et assure leur formation. Il œuvre ainsi à la responsabilisation progressive des élèves et à leur apprentissage de la citoyenneté.

On retrouve un dénominateur commun à l'ensemble de ces tâches polyvalentes, c'est leur dimension juridique

Ce sont les textes réglementaires qui organisent la représentation des élèves au sein des établissements scolaires.

Ce sont les textes réglementaires qui organisent la représentation des élèves au sein des établissements scolaires.

C'est le droit qui fixe les règles de la responsabilité en cas de sinistre.

C'est le règlement intérieur et le Code pénal qui définissent les droits et les devoirs de chacun des membres de la communauté scolaire disposent du droit de punir, mais sous réserve de punir dans le droit. C'est la loi qui protège le plus faible, ou la victime.

La connaissance juridique, la référence à la loi, le respect des principes généraux du droit sont aussi les instruments indispensables de l'autorité, de l'écoute et de l'action.

En animant les réunions des délégués des élèves, le CPE peut faire travailler les adolescents sur les règles de la vie collective, leur en faire percevoir le sens et la nécessité et les associer à l'élaboration du règlement intérieur.

Dans le registre de la prévention, le CPE doit pouvoir indiquer aux surveillants les devoirs et les obligations légales inhérents à leur mission spécifique : la désertion des lieux sensibles ou la passivité face à des situations de danger ou de violence, la tolérance vis-à-vis de l'absentéisme, peuvent engager la responsabilité personnelle du surveillant ou du CPE. Il est nécessaire que chacun en soit conscient et complètement informé.

La détention et la prise en compte des problèmes personnels ou familiaux d'un élève (maltraitance - abandon - précarité sociale ou économique - séparation des parents - conduites déviantes - problèmes de santé) supposent que le CPE connaisse précisément le fonctionnement et les compétences respectives des différentes institutions de la protection de l'enfance (assistante sociale de secteur, service de l'aide sociale à l'enfance du Conseil Général, Parquet des mineurs, Juge des enfants).

Il importe en effet qu'en liaison avec l'équipe éducative, le CPE sache identifier les partenaires de l'Education Nationale et les solliciter à bon escient. De plus, la complexité de certaines situations familiales, l'existence de familles monoparentales ou recomposées nécessitent une certaine initiation au droit de la famille. L'assimilation des notions de filiation, d'autorité parentale, de droit de surveillance est de nature à faciliter le dialogue avec les responsables de l'élève.

Enfin la participation du CPE à l'action disciplinaire implique des réflexes juridiques.

Le rapport à la loi structure l'adolescent, puisqu'elle lui permet de délimiter le champ de son désir et de sa liberté face à la liberté des autres et à l'égalité de leurs droits.

Parallèlement, l'élève mesure que la loi dans son universalité s'applique également aux adultes de la communauté éducative qui eux aussi sont susceptibles de rendre des comptes.

Ainsi, dans sa mission éducative, le CPE se doit de nommer l'interdit tel qu'il résulte du règlement intérieur (interdiction de boire de l'alcool par exemple) et de la loi pénale (incriminations du vol et des violences…) et de faire mesurer la gravité des manquements au regard des peines encourues.

Combien d'adolescents se complaisent à confondre emprunter et voler, discussion et insulte, consentement de la victime et pression du groupe, simple dépannage et cession de haschich. N'est-il pas grand temps de dire avec force que l'expression du racisme et un délit, que la commission en réunion, c'est-à-dire par plusieurs auteurs, d'une infraction pénale, est une circonstance aggravante, que la menace d'agression est aussi sévèrement punie que la violence physique consommée et que le trafic de stupéfiants conduit souvent en prison.

Mais il est également indispensable que la réponse à la transgression respecte les principes généraux du droit, principe de la légalité des sanctions et des procédures, principe de la proportionnalité de la sanction, principe de l'individualisation de la peine.

Il convient de prohiber toute sanction qui ne serait pas inscrite dans le règlement intérieur pour éviter de verser dans l'arbitraire et l'incohérence. A ce titre il appartient au CPE d'entamer une réflexion avec les enseignants qui persistent dans des pratiques individuelles contestables sur le plan éducatif, susceptibles de générer une violence réactionnelle.

De plus les punitions scolaires, les mesures alternatives au conseil de discipline, les sanctions disciplinaires doivent être proportionnées et individualisées :

▻La réponse doit être graduée en fonction du manquement (atteintes aux biens, atteintes aux personnes, violences physiques, violences sexuelles…) ▻Elle doit aussi être adaptée à la personnalité de l'élève fautif qui qu'elle soit pleinement éducative, c'est-à-dire utile.

L'application de la loi interne ne doit pas conduire à la tarification des manquements.

Il convient en effet de s'inspirer de la démarche judiciaire et particulièrement de la Justice des mineurs, qui suppose une appréciation in-concreto de la responsabilité individuelle ce qui nécessite la connaissance des conditions de vie et de la psychologie de l'adolescent en cause, et qui impose donc une écoute attentive de l'enfant et de ses parents.

La réalité de cette écoute correspond d'ailleurs au respect du principe du contradictoire. Tout élève, comme tout individu mis en cause, a le droit d'être entendu dans sa défense. Il doit pouvoir exprimer une contestation des faits qui lui sont reprochés ou l'explication de leur commission.

Ecouter ne signifie pas adhérer, mais refuser le droit à la parole est une forme de mépris de l'enfant.

Si l'élève a le sentiment d'être véritablement écouté, il acceptera d'autant mieux d'entendre le message de l'adulte. Le respect du contradictoire, et donc le respect de la parole de l'enfant permettent la médiation, c'est-à-dire l'apaisement des conflits par le dialogue, la reconnaissance des torts parfois réciproques, la réparation, l'acceptation des regrets et des engagements pour l'avenir.

Ainsi la mise en pratique de ces règles juridiques fondamentales sont des facteurs de pacification que le CPE, au centre des préoccupations des élèves et de l'établissement tout entier, peut promouvoir.

Conseiller de l'éducation et généraliste de l'adolescent il est reconnu comme un praticien du droit et de la loi scolaire, dans le sens de la responsabilisation de la jeunesse, de la protection de l'enfance, de l'application juridique des règles de discipline avec un objectif de réconciliation.

Le CPE qui connaît et applique de droit devient alors un authentique médiateur

Catherine CHAMPRENAULT
Magistrate, Chargée de mission auprès de la Direction des Affaires Juridiques au Ministère de l'Education Nationale


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