Préparer les futurs CPE à se construire une distance réflexive
UNE NOUVELLE AMBITION POUR LE MÉMOIRE PROFESSIONNEL
Par Y. Dytercq

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L'IUFM de Paris a souhaité s'associer au programme de recherche, Diversifier sans exclure, confié par le ministère de l'Education nationale à l'Institut national de recherche pédagogique. Ce programme porte sur les politiques de diversification pédagogique mises en place dans les collèges pour répondre à l'hétérogénéité de leur recrutement.

L'autonomie accordée aux établissements leur permet d'adapter leurs modes d'organisation et leurs choix pédagogiques aux spécificités des contextes et des situations. Le ministère propose lui-même des dispositifs destinés à être interprétés par les établissements : de fortes incitations sont faites pour une mobilisation maximale autour de tels dispositifs, mais selon des "modalités" ou des "formes" très variables, laissées à l'initiative des établissements. C'est pourquoi il nous a paru intéressant, à Philippe Daviaud et à moi-même, de proposer une étude de la diversification à des conseillers principaux d'éducation stagiaires. Il ne s'agit évidemment pas d'un travail de chercheurs expérimentés mais d'acteurs de l'établissement placés en position d'observation et d'analyse, ce qui correspond bien à la réflexion qui leur est demandée dans le cadre de leur mémoire professionnel.

Notre objectif est de nous appuyer sur les contingences liées à la position de stagiaire pour les transformer en ressources propres à servir la qualité de l'étude demandée : d'une part, le stagiaire est invité à développer une capacité d'attention évidente, il lui faut se mettre rapidement au courant des explicites et des implicites du fonctionnement de l'établissement de stage ; d'autre part son regard est à la fois intérieur et extérieur, suffisamment informé et suffisamment à distance pour construire une analyse objective. On peut dire que les stagiaires se livrent à une véritable "observation participante " durant leur année de stage, comme cela se pratique chez les ethnographes de l'éducation. Ajoutons que, dans tous les cas, la position de CPE est propice à un tel travail car sa fonction d'abord éducative est aussi aux confins de l'administratif et du pédagogique, ce qui l'oblige non seulement à envisager constamment les paramètres propres à chaque champ d'action mais aussi à prendre en compte le point de vue des différentes catégories d'acteurs avec lesquelles il travaille (élèves, parents, enseignants, équipe de direction, etc.). Si l'on considère maintenant la formation des CPE stagiaires, on retiendra tout l'intérêt qu'il y a à donner une dimension ambitieuse à leur mémoire en l'incluant dans une recherche : ce sont ainsi plusieurs stagiaires qui sont amenés à travailler sur un projet commun dont chaque mémoire est un élément.

En 1997-1998, les sujets de mémoire ont principalement porté sur les formes de la diversification pédagogique dans les collèges populaires (aide aux élèves de sixième, mise en oeuvre des parcours diversifiés en cinquième, expérience de collège ouvert) et aux difficultés de la préparation à l'orientation en classe de troisième. En 1998-1999, le problème de l'articulation entre école et collège a été privilégié et, à travers lui, les questions de réputation des établissements et de concurrence. On voit donc que les problèmes traités, dans des monographies centrées sur une problématique clé, sont ceux qui préoccupent les responsables des politiques éducatives : il suffit pour s'en assurer de jeter un oeil sur le récent rapport sur les collèges coordonné par François Dubet.

La production finale attendue est de deux ordres : d'une part, un mémoire professionnel de qualité, ce à quoi peut contribuer le fait d'avoir essayé de coller à des exigences proches de celles de la recherche ; d'autre part, un rapport global fondé sur une synthèse de ces mémoires. Mais le projet ne se limite pas à l'année de stage et veut être aussi un prétexte pour encourager les futurs CPE à toujours être capables de se construire une distance par rapport aux tracas quotidiens de l'exercice du métier, distance réflexive, cela s'entend, qui est une manière de régulation de sa propre pratique. De plus, le travail en commun autour de ces monographies cherche à être aussi l'amorce d'un contact régulier entre CPE, qui permettrait de contribuer encore à cette nécessaire régulation et pourrait s'organiser sur un plus long terme au travers de la constitution d'un réseau des anciens CPE formés à I'IUFM de Paris. C'est donc prévenir l'isolement dont peut pâtir tel ou tel jeune CPE, de l'aider à relativiser son expenence par la confrontation avec celle de ses collègues, d'assurer aussi l'échange des expériences et la diffusion des innovations réussies.

Yves Dutercq, Groupe d'études sociologiques, INRP - Formateur à I'IUFM de Paris

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