Evaluation et violence à l'école
Par Jean-Marc Fert
(l' auteur est conseiller principal
d'éducation au lycée Jean-Jaurès à Montreuil (Seine-Saint-Denis), auteur de
«la Professionnalisation des conseillers principaux d'éducation», L'Harmattan,
1998, à paraître.)
Un nouveau grand débat sur l'enseignement secondaire est lancé. Que doivent
apprendre nos enfants? Comment le leur enseigner? Comment concilier enseignement
et éducation? Comment les nouveaux enseignants pourront-ils être tout à la fois
aux côtés des jeunes (cum) et devant eux (pro)?
L'ensemble des modifications à apporter au système éducatif et des moyens de
le transformer est d'une redoutable complexité. Il me paraît cependant relativement
aisé de répondre aux questions suivantes:
Comment éviter que la correction d'un contrôle de connaissances puisse être
perçue comme un règlement de comptes relationnel («Le prof, il ne peut pas me
sentir, il m'a cassé!»)? Comment éviter les «négociations» de notes, de plus
en plus fréquentes, conflictuelles, voire menaçantes? Comment éviter, lors des
conseils de classe, les dérapages entre décision pédagogique et sanction disciplinaire?
Comment en finir avec l'enseignement correcteur, à la fois juge et partie (comme
le dit Bernard Defrance, Libération du 8/01/1998)?
Comment promouvoir une réelle relation d'aide entre l'enseignant et l'élève,
sans renoncer à la nécessité de contrôler l'appropriation des connaissances,
fruit de cette coopération? Comment avancer vers l'égalité uniformisante des
élèves face aux procédures de contrôle des connaissances?
Les fonctions d'aide à l'acquisition de connaissances et de contrôle de cette
acquisition ne furent compatibles que dans un système autoritaire où le pouvoir
du maître (dans les deux sens du terme) était incontestable et incontesté. Comment
croire qu'un tel système peut encore aujourd'hui fonctionner, alors que ce sont
les enseignants eux-mêmes qui en furent hier les contestataires?
Il n'est ni très difficile ni coûteux d'organiser au sein des établissements
des contrôles de connaissances normalisés, avec copies anonymes et correcteurs
anonymes. Cela permettrait de sanctionner positivement et négativement, de façon
égalitaire et moins contestable, les acquis des élèves.
Cela n'empêche en rien que l'enseignant procède à des évaluations formatives
de la progression de ses élèves, évaluations utiles pour affiner et individualiser
les méthodes qu'il emploiera pour les aider à progresser.
Cela ôterait aux enseignants un pouvoir qui ne peut que susciter des attitudes
de soumission (de plus en plus rares) ou de révolte (de plus en plus fréquentes)
chez les élèves, attitudes et pouvoir peu compatibles avec l'instauration d'une
relation éducative. Cela permettrait en revanche aux enseignants de faire reconnaître
et apprécier leur autorité professionnelle, disciplinaire et pédagogique, cette
reconnaissance d'autorité étant, elle, une condition nécessaire à l'éducation.
Selon un sondage réalisé sur lur la sécurité par l'institut CSA pour l'humanité Hebdo, le manque d'autorité des parents est la principale cause du développement de la violence en france pour 65% des français. Concernant ce qu'ils associent à la notion d'insécurité, les sondés répondent en premier lieu les agressions ou la violence (42% des réponses), les vols (10%), les bandes de jeunes ... D'après le sondage, les acteurs les plus susceptibles de lutter contre la violence seraient d'abord la police et la gendarmerie, les acteurs sociaux et, enfin, l'école.