Les ZEP, une fausse bonne solution
Par Pierre Merle, professeur de sociologie à l'IUFM de Bretagne
Mille zones d'éducation prioritaires en plus ! bravo !
enfin de l'action ! Et, de surcroît du consensus. Bonne nouvelle : il
est toujours possible de croire en nos ministres et Billancourt ne sera plus
désespéré.
C'était donc très simple de résoudre la quadrature du cercle
. [...] Le tableau n'est (pourtant) pas si rose et la vérité pas
si simple.
D'abord le financement. Belles sont toujours les intentions initiales écrites
en lettres d'or sur les frontons de l'école et de la République.
Malthusiens sont généralement les moyens matériels et humains
dégagés in fine : il y'a loin de la coupe aux lèvres, et
de l'effet d'annonce à la transformation du quotidien des établissements,
il en sera de même.[...].
Ensuite, le bilan. Les situations sont diverses et les réalités
complexes. Simplifions. Retenons un élément central. Il est établi
que la ségrégation entre les différents publics scolaires,
des établissements ordinaires à ceux des banlieues agitées,
est moins forte que la ségrégation à l'intérieur
de chacun de ces établissements. [...] Et cette ségrégation
interne, d'une classe à l'autre, est davantage marquée dans les
ZEP. [...] Etre scolarisé en ZEP constitue (ainsi) un handicap pour un
élève ordinaire. Est ce l'objectif recherché ? Davantage
de ZEP : politique éducative ou facilité conjoncturelle ?
Enfin, la spécificité des ZEP. Pourquoi la ségrégation
interne est elle plus fréquente dans les ZEP ? le label ZEP n'attire
pas les parents "comme il faut", ceux qui connaissent les arcanes
du système et savent ce que déroger à la carte scolaire
veut dire. La connaissance entre établissements impose donc ses règles
du jeu : il faut être attractif pour conserver ses bons élèves.[...]
Le politique des ZEP, dont l'objectif est "d'intégrer scolairement
et socialement des élèves en perdition", aboutit dès
lors à fracturer encore plus l'espace social, et plutôt à
maintenir les écarts - voire à les augmenter - qu'à les
réduire.
Retouvez tout l'article dans 'le monde' du 26 février 1999