L'ordonnance de 1945

L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante énonce un principe fondateur étonnament moderne : la primauté des mésures éducatives sur les mesures répressives.C'est cela que ses détracteurs remettent en cause, l'accusant d'instaurer "l'impunité des mineurs délinquants".

Lorsque l'ordonnance est promulguée, elle est le produit de deux mouvements : L'un vient de loin. C'est l'évolution du débat lancé au 19ème siècle, concrétisé par des expériences de prises en charge éducative et des tentatives d'une législation spécifique aux enfants, aux adolescents. L'autre est lié à l'élan politique de la libération et à l'espoir qu'il suscite envers l'avenir. La volonté politique d'intégrer socialement une jeunesse passe au premier plan : "le gouvernement entend protéger efficacement les mineurs, et plus particulièrement les mineurs délinquants".

Article 2 : les tribunaux prononceront "les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées. Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant paraîtront l'exiger, prononcer à l'égard du mineur âgé de plus de 13 ans une condamnation pénale. Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir motivé le choix de cette peine".

Principes :

Les mesures de protection et d'éducation : vont de l'admonestation et la remise à parents, à la liberté surveillée ou à la mise sous protection judiciaire, en passant par le placement ou la mesure de réparation (1993).

Les condamnations pénales : possibles à partir de 13 ans, sont de 3 types : amendes, peines de prison et travaux d'intérets généraux. La détention provisoire est possible dès 13 ans lors d'une affaire criminelle, à partir de 16 ans pour affaire correctionnelle et criminelle.

Depuis 1945 plusieurs modifications sont intervenues. Certaines ont renforcé le caractère protecteur. D'autres ont au contraire renforcé le caractère répressif.

Paroles de juge (René Pagis)

Il faudrait la reprendre domaine par domaine, non dans son esprit mais parce qu'ayant subi de nombreuses retouches elle est devenue un fatras de mesures plus ou moins cohérentes. Sans doute faudrait-il aussi l'étendre à certains jeunes majeurs paumés. Je suis opposé à l'abaissement de l'âge de la détention provisoire, et toute détention des mineurs, fût-elle de 15 jours, devrait se faire dans des établissements réellement spécialisés. Aujourd'hui les mineurs sont dans les meilleurs des cas, dans une aile de la maison d'arrêt, ou on ne leur propose rien. Eventuellement aussi, on les mélange à des adultes.


Sur les statistiques : Je me méfie des chiffres. il y'a sans doute des endroits de forte délinquance, mais nous sommes incontestablement confrontés à une sur-judiciarisation des actes commis par des mineurs. Les classements sans suite sont de plus en plus rares, avec des confusions entre l'éducatif et le judiciaire.
Sur les solutions : Dans les quartiers, il faudrait davantage de médiation sociale, faite par des gens qui, de par leur fonction, soient une véritable référence d'autorité.


Les CER (centres éducatifs renforcés) me semblent une bonne idée à 2 conditions : qu'ils ne privent pas les jeunes d'une assistance éducative et qu'ils les placent au sein d'un vrai groupe cohérent, avec unvrai projet, non pas disciplinaire mais de reconstruction de lui-même.

Réné Pagis est juge des enfants au tribunal de grande instance d'aurillac

 

Le pari éducatif de l'ordonnance de 1945 a su jusqu'à ce jour passer avec succès l'épreuve du temps. La légitimité de ses priorités éducatives n'a fait l'objet d'aucune remise en question. Mais cette légitimité est à l'heure actuelle fortement remise en cause.


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