Discipline et autorité à l'école
Introduction |
Introduction
J'ai choisi ce sujet d'approfondissement pour diverses raisons. Ce thème me tient à coeur par de nombreux aspects : je travaille avec des enfants, dans le milieu extra-scolaire depuis quelques années, et je suis continuellement confronté à l'exposition d'une discipline. Même si celle-ci n'est nécessaire que pour assurer la sécurité physique des enfants et non pour l'apprentissage de matières scolaires primordiales. Il m'est alors toujours apparu difficile de dissocier la discipline de l'autorité. De plus, la classe de mon stage avait deux enseignantes ayant chacune différentes manières d'imposer la discipline. Cela m'a permis de comparer les résultats et de pouvoir essayer d'évaluer la meilleure façon. C'est pourquoi j'ai décidé de choisir l'autorité comme sujet d'approfondissement car sans celle-ci, il paraît difficile d'obtenir une discipline en classe de primaire. Or, sans discipline l'enseignement semble moins profitable aux enfants.
Dans un premier temps, nous discuterons de l'autorité comme condition nécessaire
à l'application de la discipline.
Puis dans un second temps, nous nous appuierons sur des observations faites
en classe de primaire pour vérifier le degré d'application des données théoriques
développées dans la première partie de notre étude.
I. L'autorité :
passerelle pour la discipline ?
Présentation de l'évolution de l'autorité
La notion d'autorité est très ancienne. L'étymologie l'atteste : le mot qui nous vient du latin, "auctoritas", témoigne que le concept existait déjà dans l'Antiquité. L'idée et le mot nous ont été légués par Rome avec la notion d'état. Mais, si le concept a pris dans la tradition juridique romaine un sens précis et un contenu spécifique, la chose et l'idée ne sont pas propres à Rome. Avant d'être une notion, l'autorité a été une réalité, un fait social dans toutes les sociétés. C'est une donnée apparemment universelle.
L'autorité à l'école n'est pas une idée neuve. Si l'on se propose d'examiner à son sujet la situation actuelle, on peut en dresser plusieurs constats : son image est contrastée, l'aspect répressif y est massivement présent, sa réalité frise l'universalité.
La notion d'autorité a bien évolué en un siècle. Ainsi, discipline, sanctions et punitions font partie des représentations habituelles de l'école. L'évolution de la notion d'autorité est étroitement liée à l'évolution des sanctions : la discipline est nécessaire à la vie d'une communauté et les sanctions en sont l'expression naturelle.
Autrefois, le fait de voir un élève dans le coin, " au piquet ", un autre avec le bonnet d'âne, ou une pancarte portant la mention " Ane " accolée dans le dos n'était pas surprenant. C'étaient des actes normalisés. Le fait de voir un maître en train de " corriger " un enfant en lui tapant avec une règle sur le bout des doigts, ou en utilisant sa force physique faisait partie des pratiques acceptées, légales, voire demandées des parents. Des cérémonies de remises des prix se pratiquaient aussi autrefois pour récompenser les meilleurs élèves. En France, ces cérémonies ont disparu en 1968.
Mais on a vu dans les années 60-70 se développer contre toute autorité, et devenir idéologiquement dominante, une revendication de " libération " des jeunes dans l'institution éducative.
C'est dans ces années-là, que s'est développée la mise en place d'arrêtés :
" L'une des obligations essentielles de l'instituteur est de faire respecter l'ordre et la discipline en classe. " Arrêté du 23 novembre 1971
" Aucune sanction ne peut être infligée. Seul est autorisée l'isolement sous surveillance d'un enfant momentanément difficile pendant un temps très court'
'Tout châtiment corporel pour quelque cause que ce soit est strictement interdit. Aucune sanction ne peut être infligée à un élève pour une insuffisance de résultats' "
Arrêté du 26 janvier 1978
Aujourd'hui, les sanctions à la disposition des maîtres sont essentiellement les (mauvaises) notes, les devoirs supplémentaires, les retenues (pour les classes supérieures comme le collège). Les avertissements, les blâmes, les exclusions temporaires prononcées par les conseils de discipline sont plus graves.
Cependant, parents et élèves réclament des maîtres fermes et la punition est une pratique habituelle, malgré les instructions officielles, pour faire pression sur le comportement d'un élève. Si la punition est un renforcement négatif, il vaut mieux cependant lui préférer le renforcement positif.
L'indiscipline est un phénomène étant relatif à chaque enseignant. Ainsi, un instituteur considérera la mauvaise tenue d'un cahier comme une manifestation d'indiscipline tandis qu'un autre attachera beaucoup plus d'importance au fait d'avoir le silence complet dans sa classe. L'indiscipline se présente forcément, à un moment donné, face à un instituteur. Voici quelques-unes unes des raisons de cette manifestation non conforme à la discipline.
L'enseignant peut aussi avoir une part de responsabilité dans un phénomène d'indiscipline. Selon la pédagogie utilisée, les élèves ont plus ou moins l'occasion de s'exprimer.
Toutes les variables d'indiscipline n'ont pas été développé mais celles-ci semblent être les principales.
Un enseignant, pour faire face à des problèmes d'autorité, peut utiliser des moyens appartenant à diverses dimensions. Ces indicateurs d'autorité peuvent être organisationnels, verbaux et comportementaux. Cependant, ils se classent dans deux registres employés par l'enseignant, selon lesquels il articule son autorité : le registre préventif et le registre répressif. Ces derniers et leur contenu ont été analysé dans une recherche menée dans une perspective psychosociologique.
Registre préventif
La dissuasion a pour but de prévenir toute tentative de transgression des règles. L'enseignant répétera plusieurs fois les interdits et les règles de classe afin de montrer aux élèves ses exigences.
La motivation permet en fait de ne pas laisser s'installer l'ennui et la lassitude, afin d'éviter les débordements leur étant liés. Elle peut se présenter sous diverses formes comme l'emploi ultérieur d'un travail effectué en classe.
Le "chantage" social est une mesure utilisée par l'enseignant pour obtenir un changement du type de comportement de l'enseigné. Cette mesure peut s'appliquer sous une forme affective, mais aussi par la suppression d'une matière. Plus fréquemment utilisée, la référence à une autorité extérieure à la classe, comme les parents ou le directeur d'école, est aussi un des aspects de ce chantage. Lorsque l'application de la référence a lieu, nous sommes alors dans une forme d'autorité répressive.
L'autonomisation est le fait que l'enseignant consente à déléguer certains de ses pouvoirs à un élève ou à un groupe d'élèves. Cette responsabilisation incite à la garantie de l'ordre et de la sécurité.
L'explicitation consiste en la justification de la part de l'enseignant de ses interdictions, règles et ordre. Tout cela permettant à l'enseigné de prendre conscience de la mise en place de telles règles. Ces règles ne sont en aucun cas irréversibles.
L'organisation pédagogique a son importance dans l'imposition d'une discipline. Les matières enseignées influent sur le climat d'une classe. Certaines matières, comme le chant, sont plus sujettes à des débordements que d'autres. D'autres permettent de canaliser les énergies, comme le sport. La souplesse pédagogique de l'enseignant, comme le changement d'activité, les activités de transition, la variabilité des situations d'apprentissage est aussi un des paramètres de cette organisation. La préparation de la classe en fait elle aussi partie.
L'aménagement spatial - tel que la disposition des tables et bureaux, l'emplacement des coins lecture et bibliothèque - favorise l'attention des élèves et la qualité d'apprentissage. Ainsi, à chaque situation pédagogique - ateliers manuels, coins lecture, coin repos, ' - correspond une organisation spatiale précise.
La ritualisation des activités permet de sécuriser les élèves. Ainsi, l'emploi du temps permet aux enfants de savoir quelle matière ils vont avoir dans la journée. La durée des activités est aussi adaptée au temps de concentration de la tranche d'âge de la classe : un cours de mathématiques peut être plus long pour des élèves de CM2 que pour ceux de CP.
Le registre répressif
La répression passe essentiellement par l'utilisation du langage. La verbalisation, par l'emploi d'une syntaxe appropriée, d'un vocabulaire spécifique, d'un mode et d'un temps de verbe adéquat facilite la répression. Parmi les autres outils importants de la verbalisation, on trouve le ton et les variations accompagnants une réprimande. A utilisation modérée, l'augmentation du volume vocal a aussi une importance prépondérante.
La rigidité pédagogique d'un enseignant varie selon la pédagogie mise en place. Cette rigidité peut être appliquée dans une dimension pédagogique mais aussi dans une dimension comportementale. Elle peut ainsi s'apparenter à "une relation de force" lorsque cette rigidité est assez stricte - ne pas suspendre une activité en cas de lassitude du groupe.
L'absence de confiance envers l'enseigné constitue une amorce de la répression. L'enseignant ne laisse pas le moindre degré de liberté à ses élèves et développe une surveillance accrue.
La menace formulée par l'enseignant est un phénomène de répression permettant d'influer sur le type de comportement d'un élève sans avoir obligatoirement à appliquer cette menace. Cependant, si le comportement ne varie pas, le contenu de la menace doit être appliqué.
La sanction, suivant généralement une menace, peut prendre diverses formes. L'extériorisation d'un élément perturbateur au groupe classe, le rejet de l'enfant, l'imposition punitive d'un comportement et l'exigence d'une tâche font partie de ces procédures.
La surcharge de travail, appartenant naturellement à la période précédant celle des contrôles, provoque une crainte chez les élèves.
L'évaluation des élèves est un moyen, entre autre, permettant à l'enseignant de rendre compte directement aux parents des évolutions scolaires de leur enfant. Du fait de cette intrusion dans le milieu familial, elle inspire la crainte de l'enseigné.
L'utilisation des indicateurs d'autorité - organisationnels, verbaux et comportementaux - ne se fait pas généralement consciemment de la part de l'enseignant. Par contre, l'utilisation des registres cités précédemment ne se fait pas instinctivement pour résoudre un désordre du groupe-classe. Les expériences antérieures de l'enseignant lui permettent d'élaborer la mise en place d'une stratégie concernant la pratique de l'autorité. Cette dernière varie selon deux critères : la propre réceptivité de l'enseignant et le climat de la relation pédagogique. L'élaboration de cette stratégie mise en place influera sur l'autorité du maître et sur les qualités d'apprentissage.
La discipline est, par supposition, nécessaire pour un apprentissage correct. En effet, découvrir, lire, écrire, compter, mémoriser, apprendre doivent s'effectuer dans un minimum d'organisation. Cependant, cette mise en place d'une discipline passe par l'imposition d'une autorité. D'après une étude de S. Weber auprès de parents brésiliens, l'autorité est perçue comme essentielle dans le cheminement de l'apprentissage. La soumission à l'autorité est donc considérée comme étant favorable à l'acquisition de connaissances mais aussi à leur consolidation. Cela induit l'acquisition de l'autonomie du sujet. Or, on se retrouve là avec une contradiction : en effet, on souhaite que l'hétéronomie entraîne l'autonomie.
Entre aussi en jeu, le fait de socialiser des élèves en les soumettant aux respects de règles, à l'autorité en fait. Cela permet pour l'enseigné, c'est-à-dire l'enfant, de se rendre compte de l'existence de limites et de contraintes. Cette autorité permet aussi à l'enfant de vivre en évolution avec la société, en commençant par la vie en collectivité avec ses camarades.
En fait, le but de l'enseignant est de faire en sorte que ses élèves acceptent son autorité, et en comprennent son intérêt pour l'obtention d'un bon climat en classe avec respect mutuel dans la relation pédagogique.
II. Observation de l'autorité à l'école
Observation des causes d'indiscipline en classe
Au cours de mon stage en école primaire, l'indiscipline s'est forcément présentée, à un moment donné, face aux instituteurs. Voici quelques-unes unes des raisons d'indiscipline que j'ai pu observer :
Le fait qu'un élève dise une idiotie involontaire engendre là aussi des comportements d'indiscipline.
Dans la classe de mon stage, j'ai eu la chance de pouvoir observer deux enseignantes, pour les mêmes élèves, employant chacune sa méthode pour favoriser la discipline en classe.
Avant de continuer, nous allons établir un codage pour différencier aisément les 2 maîtresses : La maîtresse s'occupant des ¾ de l'enseignement de la classe de CM2 se nommera " la maîtresse I " tandis que celle qui s'occupe du ¼ de l'enseignement des CM2 portera l'étiquette de " maîtresse II ".
La classe de la maîtresse I ne fait pas preuve d'autant d'indiscipline que celle de l'institutrice II. Cela peut sans doute s'expliquer du fait qu'elle intervient généralement dès qu'apparaît le moindre écart de conduite. Ainsi, si le moindre chuchotement se produit alors qu'il n'a aucune raison d'être, elle intervient vivement pour demander aux élèves de se taire. La maîtresse II n'intervient que plus tard lorsque le volume des conversations entre élèves est trop élevé. Or pour leur demander le calme, celle-ci est obligée de parler plus fort qu'eux et cela mène souvent au fait que les élèves, malgré un court arrêt des conversations, les reprennent aussitôt dans les instants qui suivent le rappel à l'ordre.
Les 2 maîtresses utilisent des stratégies, pour l'obtention de la discipline, s'appuyant sur deux registres : le registre préventif et le registre répressif. Nous allons voir l'étude de ces deux registres.
Le registre préventif
En début d'année, la maîtresse a profité d'un cours d'éducation civique pour faire l'explicitation, aux élèves, des règles de vie et de conduite en classe. Après cette présentation, elle leur a demandé de faire un grand panneau, où sont inscrites les règles, et de l'accrocher à un endroit visible par tous et à tout moment. Ensuite, ils ont copié ce règlement dans leur cahier de texte. Cette manière de présenter le règlement de la classe a permis aux élèves d'en avoir une première approche et de savoir ce que la maîtresse attendait d'eux en classe. En effet, celle-ci justifie ces interdits, consignes et ordres dans le but d'une prise de conscience de l'enseigné. Ainsi, si l'un d'eux déroge à une des règles, il ne pourra pas s'expliquer par le fait de ne pas avoir connu le règlement. Lors de l'irrespect d'une règle, il est arrivé que la maîtresse demande à un élève de copier quelques fois le règlement. J'ai demandé à un élève de la classe de m'écrire le règlement, ci-joint sur une autre page, pour que l'on puisse voir de quoi il s'agit concrètement.
La maîtresse I parvient aussi par son attitude à montrer aux élèves qu'elle sait ce qu'il se passe même lorsqu'elle a le dos tourné. Lorsqu'elle doit s'absenter plusieurs minutes, la maîtresse délègue son " pouvoir " à quelques élèves responsables de la surveillance de leurs camarades. Ces 2 ou 3 élèves se lèvent, se placent sur l'estrade, et marquent les noms de leurs camarades dissipés sur le tableau. En fait, elle met en place une autonomisation. Cependant, c'est la maîtresse qui donne les règles au départ : pas de bruit, pas de bavardage, pas de déplacement, ' A son retour, l'enseignante peut donner un surplus de travail à ceux nommés au tableau.
Pour obtenir un changement du type de comportement de l'élève, la maîtresse peut simuler un " chantage " social en menaçant de référer de son attitude à une personne extérieure à la classe. Elle rappelle à l'ordre un élève en lui demandant, par exemple, ce que ses parents penseraient de ce comportement s'ils étaient mis au courant. Généralement, dans cette situation, l'élève préfère éviter que la maîtresse communique son attitude à ses parents.
Le sport peut être utilisé " comme une carotte " pour obtenir le calme. Si les élèves sont dissipés, dans la journée où est prévue la pratique de l'éducation physique et sportive, alors la maîtresse les menace de ne pas la pratiquer. Généralement, ils préfèrent le retour au calme plutôt que la suppression de cette activité. Cette dernière reste du domaine de la répression.
L'organisation pédagogique de la maîtresse a elle aussi son importance : par exemple, le fait d'avoir réalisé au préalable les photocopies d'une matière à enseigner permet de pouvoir les distribuer dès le début du cours. Cette préparation permet de réduire des temps libres pouvant occasionner l'indiscipline. La maîtresse a également une autorité plus ou moins souple selon la matière enseignée. Ainsi, lors de l'enseignement de l'E.P.S., la maîtresse ne sera pas aussi stricte que lors d'une dictée. Elle établit, de ce fait, une autorité différente selon l'importance des matières.
L'aménagement de la classe est aussi un facteur préventif de l'indiscipline. Selon la configuration de la classe, la maîtresse peut avoir les élèves devant elle sans que ces derniers sachent si l'institutrice les observe. Cela les incite à éviter de commettre des actes d'indiscipline.
Le temps et la durée des activités est lui aussi un moyen de sécuriser les élèves et ainsi de supprimer les éventuels cas d'indiscipline. La maîtresse a, pour cela, distribué l'emploi du temps scolaire et l'a aussi affiché dans sa classe. Ses élèves savent donc les matières qu'ils pratiqueront dans la journée.
Dans cette classe, il y a 2 ou 3 éléments particulièrement sujets à des phénomènes d'indiscipline. L'enseignante I, les ayant repéré (tout aussi bien que l'autre institutrice), agit auprès de ces élèves dès le moindre signe d'indiscipline. Cela a pour effet de les entraîner à se tenir tranquille durant les cours. Cependant, j'ai observé que la maîtresse II préférait en fait ignorer ces comportements d'indiscipline même s'ils gênaient la classe. Le manque de discipline, comme semblait me l'expliquer la maîtresse II, provenait, d'après elle, du fait qu'elle ne voyait les élèves que 2 à 3 demi-journées par semaine. Cette explication ne me semble pas valable car si on se donne la peine d'exposer et d'expliquer les interdits et les devoirs, aux élèves en début d'année, alors ils les respectent - ceci à condition de continuer à les faire respecter toute l'année.
Ainsi, quelque jour précédant mon stage, je demandais à un élève de CM2 quelle maîtresse il avait cette après-midi, il me répondit que c'était "la remplaçante". Puis il ajouta qu'avec elle " ce n'était pas bien " car il pouvait " faire ce qu'il voulait " comme " lancer des boulettes de papiers pendant la classe " sans que la maîtresse ne lui dise quoi que ce soit.
La maîtresse réprimande l'élève si et, presque à chaque fois, seulement si un autre élève se dit gêné par le comportement dudit camarade.
Contrairement à ce que l'on croit l'affection d'un élève n'est pas altérée pas la discipline imposée, mais c'est au contraire avec l'imposition de limites qu'un enfant se sent en sécurité. Cependant, cet élève n'adopte pas cette attitude avec sa maîtresse principale car celle-ci ne se gêne pas d'intervenir. Et pourtant, il apprécie énormément son institutrice principale.
Pour prévenir les attitudes de cet élève, la maîtresse I m'a expliqué que, dès le matin, elle peut estimer dans quel état d'esprit il se trouve. Et pour anticiper tout écart de conduite, aussi bien au niveau du rendement de travail qu'au niveau de la discipline, elle se permet de l'interpeller avec des phrases du genre : " dis-moi, aujourd'hui, tu as décidé de m'ennuyer ? ".
Un jour où la maîtresse I me parlait de cet élève, elle me confiait que ce matin-là il n'avait pas la forme. En effet, affalé sur sa table et son siège, il ne donnait pas réellement l'air de se concentrer sur son sujet de contrôle. Pour le motiver et le faire réagir, l'institutrice le nomma, le pria de s'asseoir correctement sur sa chaise, et lui demanda si aujourd'hui il " avait décidé de ne rien faire ? ". L'élève l'assura que ce n'était pas le cas. Elle lui conseilla alors de se mettre au travail. Après cette intervention, l'élève semblait alors sorti de sa rêverie et s'était réellement mis au travail. Cette sollicitation de la maîtresse, alors qu'il n'y avait aucun cas d'indiscipline, a eu pour effet de faire réagir l'élève, qui s'assoupissait sur sa copie, et de lui montrer qu'au sein de sa classe elle assurait, par son autorité, les meilleures conditions d'apprentissage pour ses élèves.
Le registre préventif permet comme son nom l'indique de prévenir et d'anticiper les écarts de conduite des élèves. Il permet de différer une répression envisagée, au c'ur même de l'enseignement. Les maîtresses ont cependant aussi recours au registre répressif.Le registre répressif
La maîtresse II utilise souvent le regard pour faire comprendre à un élève qu'il n'entre pas dans ses attentes en matière de discipline. L'enseignante I, par contre, n'utilise qu'accessoirement le regard pour communiquer avec un élève. Cette dernière semble préférer intervenir beaucoup plus souvent physiquement. Celle-ci n'hésite pas à hausser la voix pour rappeler à l'ordre un élève, dès la moindre incartade. La verbalisation de la répression est très utile à la maîtresse ; celle-ci passe par l'emploi de mode et de temps différents de ceux employés habituellement. Ainsi, lors d'une réprimande, la maîtresse I emploie le plus souvent le futur proche et le présent : " maintenant, vous allez vous taire ! ! !". L'impératif fait partie aussi des modes les plus employés : " Ramasses cette feuille ! ".
Cependant, cette augmentation du volume vocal n'est employée par la maîtresse que ponctuellement. A titre de comparaison, j'ai pu remarquer qu'en classe de CP, la maîtresse avait une tendance à se mettre non pas à hausser la voix mais plutôt à crier sur ses élèves. Une minorité en demeure encore très impressionnée. Cependant, la majorité ne porte presque plus cas aux cris intempestifs de la maîtresse (par habitude) et à la moindre occasion ne se gêne pas pour faire des " singeries " dès que l'enseignante leur tourne le dos. Cette attitude de la maîtresse a entraîné l'obtention d'indiscipline car les élèves ne se sentent pas en confiance dans la classe. Ainsi, j'ai aussi pu remarquer, malgré le minimum de temps passé dans cette classe que la maîtresse usait de renforcements négatifs à l'encontre de ses élèves. Par exemple, comme pour se justifier, elle me disait devant tous ses élèves, à voix haute, qu'elle ne " pourrait plus rien en tirer jusqu'aux vacances de Noël " et que parmi ses élèves " il y a beaucoup de cas sociaux ". Penser cela est une chose. Le dire devant ses élèves en est une autre beaucoup plus grave et importante. Cette maîtresse utilise aussi énormément la punition et la sanction : mettre un élève au coin, l'envoyer dans une autre classe ou le punir de récréation.
L'application d'une autorité aussi extrême n'est, à mon avis, pas fait pour desservir les meilleures conditions d'apprentissage. Il importe donc à un enseignant de parvenir à trouver un juste milieu entre la rigidité et le laxisme.
La maîtresse principale des CM2 ne se gêne pas pour venir physiquement au contact d'un élève : par exemple pour lui prendre un stylo des mains, alors qu'à ce moment précis il fallait avoir les mains libres ; replacer la chaise d'un élève mal placée ; arracher vivement une feuille mal collée sur un cahier ; se déplacer jusqu'à la table d'un élève pour le réprimander.
La rigidité pédagogique est une forme d'autorité répressive. Même si une activité ne convient plus au bout d'un certain temps aux élèves la maîtresse continue de la pratiquer. Après le commencement d'une activité manuelle, les enfants doivent la terminer même si cela se fait sur plusieurs jours. La maîtresse récupère les activités manuelles une fois qu'elles sont terminées. J'ai aussi remarquer que la maîtresse impose une norme dans certaine matière : pour les dictées, les élèves doivent écrire le titre de la dictée sur leur cahier à cinq carreaux de la marge et doivent sauter une ligne à chaque fois. C'est l'autorité qui permet d'imposer des normes qui sont elles même des preuves de discipline.
Lors d'une réprimande, la maîtresse en vient éventuellement à émettre une menace envers l'élève. Le contenu de cette menace est généralement : l'acte de noter un mot sur le cahier de texte pour les parents ; de convoquer les parents afin de rencontrer l'enseignante ; de donner à l'élève des lignes à recopier ; ' Si l'élève en vient à transgresser à nouveau une règle après cette réprimande alors l'institutrice applique son avertissement.
Un après-midi, la maîtresse II avait du mal à obtenir le calme dans sa classe. Elle promit alors à ses élèves que, lors de son prochain cours, ils auraient du travail écrit, c'est-à-dire un contrôle. La semaine suivante, la maîtresse débute son cours par le rappel de la promesse et par son application, la distribution des sujets de contrôle.
Les sanctions le plus généralement employées par la maîtresse sont les isolements d'un élève devant la salle de classe et la surcharge de travail.
Cette mise à l'écart s'effectue rarement et pour la plupart du temps à la suite d'une menace. Elle a pour but de permettre à la classe de retrouver le calme. Cette exclusion de la classe ne plaît pas du tout aux élèves, surtout si elle a lieu dans une classe de niveau inférieur.
La surcharge de travail fait souvent, elle aussi, suite à une menace de l'enseignante. La maîtresse donne, par exemple, à un élève, qui a discuté alors que ce n'était pas le moment, la phrase " Ne pas parler en classe " à conjuguer cinq fois au présent. Ce type de sanction est craint des élèves car il est contraignant. Cependant, en vue de l'apprentissage scolaire, il permet à l'élève sanctionné de pouvoir indirectement étudier. Cette surcharge de travail est le plus fréquemment a effectuer pendant la récréation.
Cependant, cette surcharge peut aussi ne pas faire suite à une sanction mais plutôt faire suite à des exigences scolaires comme pendant la période de contrôle en fin de trimestre.
L'évaluation est, en elle-même, un pouvoir d'autorité. Lorsque la maîtresse évalue un élève, celui-ci sait que sa famille sera au courant. Pour cela, la maîtresse utilise le rendu des notes en fin de trimestre. Elle se sert aussi de l'application d'appréciations sur le cahier de texte ou sur le cahier de l'enfant, du style " Votre enfant ne travaille pas beaucoup en classe ".
Pour conclure sur les moyens employés par les maîtresses, je dirai que celles-ci usent du registre répressif, mais n'en abusent pas. Elles privilégient l'application du registre préventif.
Cependant, j'ai remarqué que dans une classe on ne peut dissocier ces deux registres et qu'un enseignant se doit de pouvoir utiliser et l'un et l'autre. Ainsi, l'utilisation du registre répressif n'est pas gênant, c'est sa fréquence qui est inquiétante. J'ai remarqué que plus la prévention est présente et plus les taux de répression diminuent.
Les objectifs de l'imposition de la discipline m'ont été expliqué par la maîtresse principale.
La maîtresse utilise la discipline pour parvenir à instaurer un " climat de confiance ". Ce terme comprend l'idée de respect mutuel. La maîtresse entend par-là que ses élèves devront l'écouter et qu'elle écoutera un élève s'exprimer. Cela signifie également que, par exemple, la maîtresse peut se tromper sur quelque chose et qu'elle ne possède pas la science infuse. En fait, elle souhaite que la classe soit un lieu où règne " une bonne ambiance ", cette condition favorisant, d'après elle, les meilleures dispositions d'apprentissage.
En ce qui concerne les moyens qu'elle utilise, la maîtresse ne favorise pas l'application de punitions. Cependant, si cela est nécessaire, elle s'en sert mais ne l'utilise vraiment qu'en dernier ressort.
D'après l'institutrice, la première semaine de classe d'une année scolaire est une période d'observation où les enfants " testent " l'enseignant. C'est pendant cette période, m'a-t-elle confié, qu'il faut commencer à imposer les règles de conduite propres à sa classe.
J'ai demandé à la maîtresse si éventuellement elle prévoyait de laisser un peu plus de liberté à ses élèves, de " les lâcher en fait ". Celle-ci m'a répondu que les autres années, elle s'était permis de laisser plus de liberté, aux autres élèves de CM2, après " leur avoir serré la vis ". Cependant, cette année elle estime que cela ne pourra avoir lieu vu la mentalité du groupe-classe. L'application de la discipline dépend donc aussi de la réceptivité de l'enseignant et du climat de la relation pédagogique.
Conclusion
Au départ, le choix de mon thème était la discipline en classe. Au fil de mes observations en classe, je découvrais qu'en fait mon intérêt déviait plutôt vers l'autorité de l'enseignant. Non pas mon intérêt personnel, dirais-je après réflexion, mais plutôt l'intérêt de la nécessité de cette autorité.
Car, en effet, comment concevoir que l'apprentissage puisse se dérouler au milieu d'une "organisation non organisée ". Cette expression paradoxale permet d'illustrer les attentes des deux parties de la relation pédagogique. En effet, les élèves attendent en partie d'un enseignant qu'il leur fixe des limites et ce dernier attend des élèves une tenue correcte en classe. Or, comment ces deux attentes peuvent-elles être remplies si l'enseignant peine à fixer les règles à respecter et les conduites à tenir en classe ?
Je conçois personnellement l'autorité comme étant nécessaire aux meilleures conditions d'apprentissage.
Je m'aperçois qu'en classe, les enseignants, en générale, ont plutôt intérêt à exercer avec parcimonie. J'entends par-là qu'indexer les élèves à un régime d'autorité semble nécessaire, mais que le faire habilement est encore mieux. J'en ai rapporté dans la deuxième partie - deuxième paragraphe (registre répressif) - les conséquences que peut avoir une imposition impartiale de la discipline. J'ai aussi discuté d'une certaine forme d'autorité absente s'apparentant plutôt à du laxisme. L'idéal est en effet de parvenir à trouver une juste forme d'autorité pour pouvoir profiter pleinement d'une discipline en classe.
Je remarquais donc qu'un jour après que la maîtresse des CM2 ait ramassé des contrôles et se soit assise à son bureau, les conversations débutèrent pour s'élever jusqu'à un ton assez léger. Une élève rapportant à la maîtresse sa gêne occasionnée par les conversations de ses camarades n'eut que pour seule réponse : " dis-moi, tu ne veux pas que je les empêche de parler, de toute façon là il n'y a rien à faire comme activité ! ". J'étais étonnée que la maîtresse tolère ces quelques instants de dissipations. Mais je comprenais bien, de toute façon, qu'à vouloir imposer un silence parfait la maîtresse aurait été contre le bien de son autorité. En effet, mieux vaut laisser ces quelques instants lors de temps morts et être plus stricte pendant les temps plus importants. J'ai ainsi observé que la maîtresse des CM2 parvenait à trouver un juste milieu dans l'utilisation de l'autorité.
Une initiative qui m'a semblé importante est celle d'élaborer en compagnie des enfants le règlement de classe et ensuite de le faire signer par tous les élèves. Cet acte permet ainsi à l'enseignant de justifier ses interdits et attentes et de pouvoir aussi se référer au panneau en cas de problème disciplinaire en classe.
Les observations m'ont aussi conduit à observer que l'enseignante tendait à poser une "barrière" entre elle et les élèves. Ainsi, rarement la maîtresse ne s'impliquera personnellement dans une relation avec ses élèves. Cela lui arrive, comme la fois où elle a étonné son auditoire en leur avouant son âge, mais elle évite au maximum "de se dévoiler". Cette barrière est matérialisée par le vouvoiement qu'emploie les élèves pour parler à l'enseignante. Je me suis demander, en effet, si plus tard, en tant que professeur des écoles, je souhaiterai que mes élèves me tutoient ou me vouvoie. Je n'ai cependant toujours pas trouvé de réponse. Je pense sûrement que les premières années se sera le vouvoiement et qu'ensuite avec plus d'expérience, j'expérimenterai le tutoiement.
Pour conclure je dirais qu'au sein de sa classe, un enseignant se doit de parvenir à "imposer" une certaine discipline nécessaire à la sécurité morale des élèves et donc favorable aux meilleures conditions d'apprentissage.