L'enfance délinquante :
rééduquer plutôt que punir
La réponse pénale punitive ne doit être
envisagée que de manière subsidiaire lorsque les circonstances
l'exigent. Une idée consacrée par l'ordonnance du 2 février
1945. Cette orientation a conduit à l'émergence d'une justice
pénale spécifique aux mineurs, caractérisée par
cinq dispositions essentielles :
- L'institution d'une authentique juridiction spécialisée
Tous les mineurs jusqu'à 18 ans auxquels est imputée une infraction
à la loi pénale béneficient du 'privilège de l'institution'.
Autrement dit ils sont exclusivement déférés devant des
juridictions pour enfants et adolescents, où exerce un magistrat spécialisé,
le juge des enfants.
- La généralisation de la mesure éducative
En vertu de l'art.2 de l'ordonnance précitée, les mineurs ne
peuvent faire l'objet que de mesures de 'protection, d'assistance, de surveillance
et d'éducation ou de réforme'. La préeminence de la réeducation
est ainsi affirmée. Toutefois le recours à la peine, interdit
pour les moins de 13 ans, n'est pas absolument exclu pour les 13-18 ans. Ces
derniers peuvent être pénalement condamnés par le tribunal
pour enfants ou la cours d'assises des mineurs, 'lorsque les circonstances
et la personnalité du délinquant paraitront l'exiger'.
- Une panoplie de mesures éducatives
La préoccupation du relèvement a conduit le législateur
à créer une gamme importante de placements variés et
gradués, destinés à répondre à tous les
besoins. Ainsi le mineur peut être - remis à ses parents - remis
au service de l'assistance à l'enfance - admonesté - mis sous
protection judiciaire - placé dans un établissement d'éducation
ou de formation ou médical - placé dans un internat approprié
aux mineurs délinquants - placé dans une institution de liberté
surveillée - mis en liberté surveillée.
- L'étude de la personnalité du jeune délinquant
Pour mener à bien sa mission, le juge doit obligatoirement 'procéder
à une enquête approfondie sur le compte du mineur, notamment
sur la situation matérielle et morale de la famille, sur la caractère
et les antécédents de l'enfant, car ce qui importe de connaitre
c'est, bien plus que le fait matériel reproché au mineur, sa
véritable personnalité qui conditionnera les mesures à
prendre dans son intéret'. A ce titre, le juge peut ordonner une enquête
sociale, un examen médical, voire un examen médico-psychologique.
Le cas échéant, il peut décider le placement du mineur
dans un centre d'observation.
Cependant, lorsque les investigations risquent d'être contraires à
l'intéret de l'enfant, l'étude de la personnalité du
jeune délinquant peut être écartée. C'est notamment
le cas, pour des petits délits qui ne posent pas de problèmes
et se soldent par une remise pure et simple à la famille.
- La révision du contenu éducatif des décisions
L'ensemble des mesures ordonnées à l'égard des mineurs
est susceptible à tout moment de révision sur le contenu éducatif.
Cette révision s'impose lorsque la situation a évolué
de manière significative rendant inadaptée la décision
initiale du juge.
Le pari éducatif de l'ordonnance de 1945 a su jusqu'à ce jour
passer avec succès l'épreuve du temps. La légitimité
de ses priorités éducatives n'a fait l'objet d'aucune remise en
question. Mais cette légitimité est à l'heure actuelle
fortement remise en cause.