L’ESCLAVAGE DOMESTIQUE, LA TRAITE DES FEMMES ET LA PROSTITUTION
La séance est ouverte à 9h40.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice, Italie : Je salue la présence parmi nous de M. Copertino, qui nous a reçus il y a deux mois pour préparer ce séminaire. L’implication des autorités locales est essentielle, dans la mesure où la région des Pouilles, frontière entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, a joué ces dernières années un rôle majeur.
M. Giovanni COPERTINO, président du Consiglio regionale, Italie : Je me félicite de la tenue de ce séminaire à Bari, qui conforte l’action que mènent les Pouilles dans le domaine de la protection des droits des femmes et de l’égalité des chances. Nous avons beaucoup œuvré, avec l’aide déterminante des bénévoles, pour aider les femmes qui viennent de l’autre côté de la mer à retrouver leur dignité et leur vie. On parle pour nous d’un prix Nobel, mais nous n’avons fait qu’ouvrir les bras et affirmer nos valeurs ; il n’est pas besoin de lancer une campagne de signatures pour démontrer ce qu’ont fait les Pouilles et ce qu’elles continuent à faire. Votre présence à tous aujourd’hui nous donne une force supplémentaire, ce dont nous, autorités locales et associations, vous remercions.
Le Conseil régional des Pouilles soutient un programme d’émissions radiotélévisées vers l’Albanie, pour informer ceux qui cherchent à émigrer des possibilités qu’ils ont, mais aussi des dangers qu’ils courent. Tout ce que vous direz ici doit être connu de l’opinion publique, et je souhaite que de telles initiatives se multiplient.
Les Pouilles sont une terre de frontière, en l’espèce le premier rempart de l’Europe. Les problèmes auxquels elles ont à faire face concernent l’Italie tout entière, le continent tout entier. La solidarité qu’on nous manifeste nous encourage à poursuivre notre action.
Je vous remercie de la compréhension chaleureuse que vous nous manifestez, et j’espère que vous apprécierez, si votre travail vous en laisse le loisir, la beauté et l’histoire de notre région. En nous connaissant mieux, vous vous sentirez, je le souhaite, plus proches de nous. Je forme des vœux pour que ce séminaire prépare un futur meilleur pour tous. Nous suivrons ses travaux avec beaucoup d’attention.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice, Italie : Je vous remercie de votre présence, et de la sensibilité dont vous faites preuve pour les questions que nous traitons ici.
Je salue Mme Roudy, présidente de la Commission sur l’égalité des chances, qui a absolument voulu que ce séminaire ait lieu et qu'il se tienne à Bari. L’Europe doit réfléchir à ces problèmes, l’Union européenne comme la grande Europe. Tous doivent se mobiliser, la sphère privée comme les institutions, les associations, la société civile, les politiques, pour traiter, chacun à sa place, ce qu’il peut faire le mieux, répondre à l’urgence ou traiter le long terme. Notre message doit être largement diffusé, pourquoi pas grâce à Internet.
Monsieur le président de l’Assemblée régionale, nous n’arriverons pas en deux jours à connaître votre région. Mais nous reviendrons, car les Pouilles doivent être mieux connues et appréciées.
Nous abordons maintenant le débat de la matinée, pour l’animation duquel je remplace Mme Busic, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, notamment en Albanie. Le thème que nous allons étudier résume notre séminaire. A l’aube du nouveau millénaire, nous voulons mettre fin à tous ces drames. Nos réflexions doivent conduire à des décisions concrètes. Il faut faire sortir à la lumière l’ «ennemi intime», celui qui vit sous notre toit, le père, le mari, le frère ; il faut de même dénoncer l’ennemi public, le criminel qui réduit la femme à une marchandise.
Je donne la parole à M. Boudin, directeur du Comité contre l’esclavage moderne. Il est bon que les hommes soient à nos côtés et que nous puissions échanger nos réflexions.
M. Philippe BOUDIN, directeur du Comité contre l’esclavage moderne, France : L’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1948 dispose que nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Aujourd’hui cependant, selon l’ONU, 250 millions de personnes vivent une situation de servitude. C’est dire l’ampleur de cette atteinte majeure aux droits de la personne humaine.
S’il est vrai que les pays les plus pauvres sont aussi les plus touchés, l’esclavage accompagne désormais la mondialisation de l’économie. Le Bureau international du travail estime à 45 millions le nombre de travailleurs fuyant la misère et errant sur la planète à la recherche d’un emploi. Il s’agit majoritairement de femmes, non qualifiées, souvent analphabètes, qui ne connaissent pas la langue de leur pays d’accueil. Vulnérables, elles deviennent les premières victimes de l'esclavage.
J’évoquerai la situation en France, où l’esclavage, je le rappelle, a été aboli en 1851. Il ne figure plus dans notre code pénal. Mais je veux d’abord définir l’esclavage, en m’attardant sur deux de ses aspects, la servitude pour dettes et l’esclavage domestique.
La servitude pour dettes frappe de façon pernicieuse des millions d’individus, familles asservies depuis des générations au Népal, en Inde ou au Pakistan, paysans sans terre au Brésil, tous esclaves des temps modernes et victimes de l’économie sauvage. En France, cette servitude touche plusieurs dizaines de milliers de personnes, par exemple ces jeunes chinoises du Zhejiang recrutées dans les villages par des filières criminelles liées à de puissantes triades, à qui on fait miroiter un avenir radieux. Cet avenir a un prix, celui du voyage clandestin vers l’Europe, soit plus de 20 000 dollars. Les familles s’endettent pour le payer auprès d’usuriers appartenant aux mêmes filières, au taux exorbitant de 40% par an. Le voyage est pour beaucoup de ces jeunes gens un calvaire : la Mandchourie, la frontière avec la Russie, le Transsibérien jusqu’à Moscou, Kiev ou Minsk, une attente de plusieurs mois avant de passer à l’Ouest par la République Tchèque. Une fois en France, ils sont dirigés vers des ateliers de confection clandestins où ils sont contraints de travailler à la tâche 15 à 18 heures par jour, pour une rémunération très faible : deux francs par pantalon, 60 centimes par chemise. Sans autorisation de séjour et privés de leur passeport, ils couchent sur de simples matelas en mousse jetés au pied des machines à coudre. Le piège s’est refermé sur eux et leurs familles, qui, en Chine, sont les otages de la servitude de leur enfant.
J’en viens à l’esclavage domestique, dont le Comité s’occupe en priorité depuis cinq ans. Pour le distinguer de l’exploitation, nous retenons cinq critères.
Premier critère, la confiscation systématique du passeport, qui est le moyen le plus efficace pour placer la victime en situation d’irrégularité et d’asservissement.
Deuxième critère, des conditions de travail contraires à la dignité humaine, 15 à 21 heures par jour, sept jours sur sept, sans aucun congé, pour une rémunération variable : nulle pour les Africaines, 20 à 50 dollars mensuels pour les Malgaches ou les Indiennes, 50 à 200 dollars pour les Indonésiennes, Philippines ou Sri-Lankaises au service de diplomates indélicats en poste à Paris. Il faut ajouter des conditions d’hébergement indignes, une natte ou un tapis dans le salon ou la cave, les restes des repas, quand il y en a, pour seule nourriture. En juin 1998, le Comité a pris en charge Himali, une jeune Sri-Lankaise de 22 ans qui ne mangeait que du riz depuis cinq mois. En plein Paris, à la fin du XXème siècle, Himali a contracté le scorbut.
Troisième critère, la séquestration, qui peut prendre deux formes : la séquestration par l'employeur, et ce qu’on peut appeler l’autoséquestration, la victime étant avertie sans cesse que si elle sort, la police l’arrêtera, la jettera en prison et l’expulsera. La peur installe la soumission.
Quatrième critère, la rupture des liens familiaux, l’interdiction d’envoyer ou de recevoir du courrier ou des communications téléphoniques.
Cinquième critère enfin, l’isolement culturel. Les domestiques migrantes sont ignorantes de leurs droits, isolées et sans repères ; elles ne savent pas où chercher du secours.
Il faut malheureusement ajouter que l’esclavage domestique ainsi défini s’accompagne, dans un quart des cas, de violences physiques, d’agressions sexuelles, voire d’actes de torture ou de barbarie.
A ce jour, 200 victimes ont été prises en charge par le Comité, dont les deux tiers ces 18 derniers mois, ce qui est très lourd pour une association comme la nôtre. Il faut trouver un hébergement, assurer un suivi médical et psychologique, commencer l’alphabétisation puis une formation professionnelle – en un mot, aider la victime à se reconstruire. Il faut aussi l‘assister sur le plan juridique, et faire pour elle les démarches de régularisation.
Les cas d’esclavage domestique en milieu diplomatique, pour lesquels toute action en justice est impossible, représentent plus d’un tiers des dossiers traités. Parfois, l’un d’eux tourne au drame. En octobre 1997, une jeune Indonésienne tombe du sixième étage d’un immeuble de la région parisienne en essayant de fuir le domicile d’un diplomate saoudien où elle était séquestrée. Un arbre amortit sa chute. Grièvement blessée, elle a été rapatriée par son ambassade après trois semaines d’hôpital. Elle n’a pas été indemnisée, le diplomate n’a pas été inquiété. Nous avons eu de ses nouvelles il y a six mois : elle travaille en Arabie saoudite … La misère ne permet pas de choisir sa vie.
En septembre dernier, une domestique indienne de 16 ans s’enfuit du domicile d’un diplomate indien en poste à Paris. Les services médicaux qui la prennent en charge après une tentative de suicide découvrent qu’elle a été mutilée sexuellement. La jeune fille accuse son employeur, une information judiciaire est ouverte. Mais l’immunité ne permet pas au juge d’entendre le diplomate. Immunité est alors synonyme d’impunité.
Les associations comme la nôtre ne peuvent, seules, apporter une protection et une assistance aux victimes de l’esclavage. Les Etats doivent mettre en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour lutter contre cette atteinte fondamentale aux droits de l’Homme. Nous commençons cependant à être entendus. Certains pays ont déjà agi, comme la Belgique avec la loi de 1995 sur la traite des êtres humains, ou l’Italie, un des rares pays de l’Union européenne à réprimer l’esclavage dans son code pénal. Je pense aussi à l’Action commune européenne du 23 février 1997, qui recommande aux Etats de renforcer la lutte contre la traite des femmes et l’exploitation sexuelle des enfants, et d’assurer protection et assistance aux victimes. Le récent sommet de Tampere a semblé confirmer cette volonté politique. Nous attendons maintenant que l’Union européenne se dote d’instruments plus contraignants, y compris pour lutter contre l’esclavage économique ou l’exploitation des enfants par la mendicité. Elle dispose pour cela d’un outil exceptionnel, la Convention européenne des droits de l’Homme, dont les principes doivent tous, d’urgence, trouver une application concrète. Cela implique notamment de se pencher sur la Convention de Vienne de 1951 qui octroie l’immunité aux diplomates. Le Conseil de l'Europe pourrait adopter une recommandation en ce sens. Une commission parlementaire inter-Etats pourrait d’autre part être utile pour échanger les expériences et les acquis.
Je conclurai en affirmant que les Etats doivent toujours considérer les victimes de l’esclavage comme des victimes, et non comme des migrants illégaux, comme c’est encore souvent le cas.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice : Vous nous avez présenté des propositions que le Conseil de l’Europe juge tout à fait recevables et qu’il convient maintenant de mettre en pratique.
Mme Irmtraut KARLSSON, membre de la sous-commission sur la violence à l’égard des femmes, Autriche : Nous sommes reçues dans les ambassades où ces jeunes femmes nous servent le café. Or nous connaissons leurs conditions de travail, nous savons d’où elles viennent, nous n’ignorons pas qu’elles sont employées selon des règles qui ne sont ni celles de leur pays d’origine, ni celles de leur pays d’accueil.
Je crois vraiment qu’il faudrait un code de conduite pour les diplomates, qui aille au-delà du régime de l’immunité, qui définisse à quelles conditions les gens peuvent être employés.
Vous le savez, les hommes sont très intelligents pour manipuler l’histoire ; heureusement, il y a des femmes exceptionnelles pour l’écrire autrement. Je veux saluer la présence à nos côtés d’Yvette Roudy, qui est non seulement la Présidente de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes du Conseil de l’Europe, mais qui fut aussi la première femme Ministre de la condition féminine que l’on ait jamais vue en Europe. Tout ce qu’elle a fait, tout ce qu’elle continue à faire a toujours été radicalement en faveur des femmes.
Les participants assistent à la projection d’une vidéo.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice : La présidence du Conseil a patronné cette vidéo. Les jeunes femmes y témoignent avec beaucoup de courage. Nous comptons sur leur message pour éviter que d’autres victimes soient prises au piège des organisations criminelles.
L’objectif de ce séminaire est aussi la prévention afin que cesse la terrible exploitation de ces jeunes femmes. Le Gouvernement italien est un exemple dans cette bataille pour laquelle pays d’origine et pays d’accueil doivent unir leurs efforts. Je me réjouis de la présence parmi nous du Professeur Maritati, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, et souhaite souligner l'importance de la collaboration qui existe entre le Parlement et le Gouvernement.
M. Alberto MARITATI, sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Italie : Je remercie les organisateurs de cette conférence. Comme vient de le dire Mme Pozza Tasca, nous essayons de mettre nos efforts en commun pour favoriser la sensibilisation et une réflexion plus poussée, aux plans national et international, même si, bien sûr, cela ne suffit pas.
Nous sommes tous au courant du problème, à notre niveau au moins… Mais nous devons sortir de l’espace étroit des spécialistes et des experts et, par le truchement des médias, offrir ces thèmes à l’opinion publique. Il serait facile pour les magistrats italiens de décrire le véritable esclavage qu’ils ont constaté : les femmes sont enlevées dans leur pays, arrachées à leurs familles, violées à plusieurs reprises, contraintes ou convaincues de se prostituer sous la menace d’être jetées par la fenêtre ou devant le spectacle de leur enfant tenu d’une seule main au-dessus du vide. Elles subissent une violence quotidienne, elles doivent gagner toujours plus sous peine de mort. Il y a des viols punitifs, des blessures, des meurtres destinés à servir d’exemple à celles qui sont réticentes ou ne rapportent pas assez. Des dizaines de milliers de femmes sont placées sur le marché du sexe des pays riches. Même si nous savons aussi que des jeunes femmes des pays en voie de développement sont jetées en pâture aux travailleurs isolés loin des lieux d’habitation, là c’est chez nous que cela se passe !
La force du droit doit pourtant prévaloir en toutes circonstances, même en temps de guerre. Lorsqu’ils ont voulu récemment, au nom de la légalité, défendre les peuples, les pays occidentaux ont montré leur force en allant jusqu’à la guerre, pourtant bannie par tous les textes internationaux. J’en ai beaucoup souffert car je suis un pacifiste convaincu, mais je savais qu’il fallait intervenir pour défendre les populations massacrées et déportées. Or, face au trafic des femmes, nous ne sommes pas capables de montrer notre force. Pourtant, la situation est grave, il suffit de sortir le soir dans chacune de nos villes pour voir des femmes à demi nues, jeunes, belles. Ce spectacle choque les gens comme il faut et leur protestation est remontée jusqu’au gouvernement, mais le phénomène est top prégnant pour que l’on puisse convaincre le client de pas acheter du sexe.
Je ne suis pas bigot, le sexe ne me scandalise pas, mais le sexe contre paiement, c’est autre chose. Il s’inscrit dans une chaîne de production, il enrichit le crime organisé, il annihile les droits fondamentaux de la personne. Pourquoi, malgré tout cela, des milliers d’hommes consomment-ils ce produit ? Le crime organisé couvre tous les secteurs, il se place là où il y a une demande. On ne peut donc séparer les deux phénomènes, assez d’hypocrisie : acheter du sexe, c’est se mettre aux côtés des trafiquants, des esclavagistes. C’est donc un véritable changement culturel qu’il faut rechercher. C’est une œuvre de longue haleine.
Apporter une réponse suppose que les opinions publiques et les États s’allient. Le crime organisé est une organisation productive mondiale, il ne connaît pas de frontières, il cherche le profit optimal dans le trafic de drogue, d’armes, de devises et d’êtres humains. Il faut donc vaincre l’immobilisme des gouvernements. Certes, le mien agit, mais cela ne suffit pas. C’est sans doute ce qui a conduit le néophyte en politique que je suis à faire, à Bruxelles, un discours un peu violent… Il faut se rendre compte que le crime organisé utilise un réseau international, les femmes sont prises dans des pays lointains, envoyées chez nous, sélectionnées, distribuées sur les marchés comme n’importe quelle marchandise grâce à un réseau commercial. Il y a quelques jours, à Brindisi, un navire rapide s’est écrasé contre un rocher, il y avait à bord une jeune fille qui avait subi des violences juste avant d’être embarquée. Le même jour, on a découvert une jeune fille de 15 ans sur le point d’être jetée sur le marché du sexe.
Nous avons une excellente organisation pour lutter contre la mafia, avec un parquet spécialisé, une banque de données, nous pouvons intervenir rapidement et nous obtenons des résultats. Pourquoi ne pas faire de même pour le trafic de femmes ? Il nous faut en premier lieu rechercher une harmonisation. Faire de l’exploitation du corps d’êtres humains un délit reconnu par tous les pays qui veulent lutter contre l’esclavage permettrait de faire appliquer cette norme et rendrait les criminels passibles de poursuites dans tous les pays. Ce que l’on a fait pour le génocide, qui a permis l’arrestation de Pinochet, pourquoi ne pourrait-on le faire pour l’esclavagisme. C’est d’autant plus facile que les frontières sont tombées. Pour l’instant quand un magistrat de Brindisi découvre une jeune fille enlevée ailleurs, la procédure est si longue qu’elle ne débouche sur aucune répression efficace. Aujourd’hui, les frontières ne gênent plus guère que les policiers et les magistrats… Forts de la conviction que nous défendons l’être humain, nous devons tout faire pour qu’ils puissent travailler dans l’Europe entière. Ils ont besoin pour cela d’un support informatique permettant de stocker tous les éléments relatifs au fonctionnement très complexe du crime organisé. Il suffirait d’un accord pour réunir les banques de données de tous les pays, pourquoi tarde-t-on ?
Le commerce du sexe est un ensemble. Les films diffusés sur les chaînes à péage des hôtels ne sont-ils pas tournés avec des esclaves ? Quand on pense aux producteurs, aux distributeurs, on réalise que les activités illicites sont à l’origine de gains qui sont aussi liés aux circuits normaux. Cela pose sous une autre forme le problème du bâtiment. Quand le grand fleuve sale du crime organisé se jette dans la mer propre de la finance, les eaux se confondent… Et c’est bien parce que la finance est si forte que les gouvernements ne dépassent pas le stade des déclarations d’intention et ne stoppent pas le phénomène. On se contente donc de déplacer les femmes quand les protestations des riverains se font trop fortes, consacrant ainsi la défaite de la partie saine de l’humanité que l’on convainc qu’il n’y a rien à faire.
Mais nous, qui avons vaincu des forces du mal pires encore, nous pouvons vaincre aussi celles-ci. Cela dépend de nous, de la façon dont nous voulons nous investir dans notre vie quotidienne et pas seulement dans les moments solennels.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice : Merci. Vous avez dit exactement ce que nous voulions vous entendre dire. Vous avez dressé un constat, mais vous avez aussi proposé des actions pour faire changer les choses.
Suspendue à 10 heures 50, la séance reprend à 11 heures 25.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice : M. Maritati a fait des propositions et, un peu, de provocation. Nous voulons pouvoir montrer au Conseil de l’Europe, aux associations de femmes, aux institutions que ce séminaire nous a permis de prendre position, mais surtout d’avancer des propositions concrètes à faire valoir dans la société civile et politique.
Mme Jeta KATRO BELULI, Réseau des femmes Millenium, Albanie : Je remercie tous ceux qui ont organisé cette conférence sur ces questions extrêmement importantes de la prostitution, de la vie sexuelle, de l’esclavage des femmes, qui préoccupent tant les pays d’Europe centrale et orientale.
Depuis l’Albanie, le crime organisé fournit en femmes l’Italie, la Grèce et d’autres pays occidentaux. La prostitution est un phénomène odieux, qui ne saurait être accepté comme solution à la pauvreté et il est bon que les prostituées, les femmes maltraitées apportent leur témoignage. Pourtant, on pourrait dire que ce processus criminel est toléré et que, faute d’instruments juridiques adaptés, les femmes sont à la merci des trafiquants et des fonctionnaires corrompus. La prostitution et le trafic sont devenus des affaires lucratives. Dès le début de la période de transition, des individus et des groupes ont créé des structures de crime organisé. Celui-ci a prospéré dans la confusion de la société albanaise, développant les stratégies les plus profitables et les méthodes les plus sophistiquées pour commettre des crimes contre les femmes et les enfants, vulnérables donc victimes, faute de structures de protection et de réhabilitation. Les recettes de ce trafic viennent alimenter le commerce illicite des armes et des stupéfiants.
Lutter contre ces phénomènes exige non seulement compétence mais aussi engagement résolu. Les gouvernements, les ONG disposent-ils d’instruments juridiques suffisants ? Les codes pénaux ne prévoient pas le trafic. En Albanie, le code pénal de 1995 punit la prostitution d’une amende et d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à 3 ans, la peine allant jusqu’à 5 ans pour ceux qui favorisent la prostitution. En 1998, un amendement a puni de 10 à 20 ans de réclusion - 20 ans lorsqu’il s’agit d’un mineur de moins de 14 ans - l’enlèvement d’une personne comme otage dans le but de réaliser des gains illicites.
Malgré cela, la prostitution et la traite ne semblent pas les préoccupations majeures des institutions judiciaires. Ainsi, en 1997, une femme seulement a été condamnée pour prostitution et 3 personnes ont été condamnées pour l’avoir favorisée. Pour les six premiers mois de 1998, une femme a été condamnée pour prostitution et une autre à une peine légère pour l’avoir favorisée. Nous manquons toutefois de données précises en raison des difficultés politiques et économiques du pays. Ainsi, pour 1996-1997, nous ne disposons pas des chiffres relatifs au crime organisé. La loi de 1998 sur les organisations criminelles y voit une menace pour la société civile démocratique, mais elle n’est pas appliquée et n’est donc pas devenue un moyen efficace de freiner la traite. Il manque notamment des dispositions sur la protection des témoins, sur la pornographie, sur ceux qui recherchent des clients pour les prostituées. Les criminels connaissent bien la loi et jouent sur ses faiblesses qu’aggrave encore le manque de coopération entre la justice, l’armée, la police, les médias, les ONG.
Il faudrait faire mieux connaître la réalité du phénomène ainsi que les risques de propagation du sida. Six jeunes albanais ont été contaminés récemment faute de campagnes d’information. Les prostituées refusent de reconnaître les risques pour la santé. Par ailleurs, il n’existe aucun programme pour leur apporter une aide psychologique ni pour les aider à revenir à une vie normale. Le désespoir leur fait ignorer les dangers d’autant qu’il n’y a ni éducation sexuelle, ni assistance médicale, ni campagne sur le sida.
Il faut que les jeunes cessent de considérer la violence sexuelle comme normale, comme une source de revenus. La corruption, les liens entre les institutions et le crime organisé aggravent les phénomènes. Face à cela, ce sont les droits de l’homme, les libertés qu’il faut mettre en avant. Il ne suffit pas par ailleurs de décrire ce qui se produit au cours de la difficile période de transition, il faut faire l’analyse sociologique du phénomène et proposer des moyens concrets pour en venir à bout.
Les chiffres de l’Organisation internationale des migrations montrent que 300 000 femmes d’Europe orientale travaillent comme prostituées en occident, notamment en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en Italie. Les trafiquants albanais de chair humaine s’inscrivent dans ce mouvement lucratif. Toutefois, le nombre de femmes albanaises dans la prostitution demeure constant.
Notons que, faute d’accords internationaux, les prostituées ne peuvent être renvoyées dans leurs pays d’origine. Par ailleurs, les structures de police spécialisées disposent d’informations complètes sur les criminels impliqués dans les trafics transfrontaliers.
Dans près de 85 % des cas, la prostitution est le résultat de violences physiques. Les réseaux criminels exploitent les jeunes femmes et même des petites filles. Les criminels sont soutenus par ceux, qui, dans les pays occidentaux, ont intérêt au développement de l’industrie du sexe. Certains cas montrent l’implication de la police. De nombreux policiers font semblant de ne pas voir les réseaux. Certes, plusieurs d’entre eux sont maintenant derrière les barreaux, mais la leçon ne semble pas suffisante. Les policiers ne reçoivent pas la formation nécessaire pour faire face au phénomène et sont incapables d’apporter aux victimes le soutien spécialisé dont elles ont besoin.
Les médias peuvent jouer un rôle important pour sensibiliser l’opinion publique à ces questions, mais la presse albanaise est plus intéressée par la consommation de masse et les événements politiques. A l’effondrement économique et politique du pays s’ajoutent un manque criant d’information et une législation lacunaire. Les femmes sont les plus exposées et sont nombreuses parmi les émigrants. Et le flux n’est pas tari, ceux qui sont installés à l’étranger continuent de faire venir leurs sœurs, leurs voisines, leurs relations. Il est urgent tout à la fois d’informer les migrants sur la législation des pays d’accueil, et d’apporter une protection juridique aux femmes immigrées qui veulent abandonner la prostitution. Le moment est aussi venu de prendre des mesures déterminées pour lutter contre la traite, si nous voulons construire une société civile démocratique.
Mme NARDINI (Italie) – Je remercie le Conseil de l'Europe d’avoir choisi Bari pour l’organisation de ce séminaire. Nous avons besoin ici, dans les Pouilles, de placer ces questions au cœur du débat politique.
La prostitution et les violences sexuelles sont cause de beaucoup de souffrances. La Chambre des députés s’est saisie du problème, le Gouvernement agit. Ils doivent faire plus. Toute l’Europe doit se mobiliser. Europol a lancé une enquête sur la traite des femmes, dont les résultats sont à ce jour inconnus. Où en est-on ? Quelles conclusions pratiques en a-t-on tiré ? La guerre est finie de l’autre côté de la mer, mais le flux d’immigrants continue !
La législation au plan international doit être partout renforcée. Combien de pays considèrent-ils la traite des femmes comme un crime de première gravité ? La communauté internationale a beaucoup aidé l’Albanie, mais que fait ce pays pour lutter contre les criminels ? Et pourquoi, dans les pays d’accueil, l’essentiel du travail est-il laissé aux associations et aux bénévoles ? Nous avons besoin d’instruments juridiques adaptés, en particulier d’une nouvelle conception du droit d’asile.
Nous avons une cellule de rue ici à Bari, qui accueille les femmes maltraitées dans une maison qui appartenait autrefois à un mafieux. Il faut que les femmes soient informées de son existence.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice, Italie : Je suis heureuse d’accueillir M. Distaso, président du Conseil régional. Je sais qu’il s’est beaucoup investi dans ces questions.
M. Salvatore DISTASO, président de la Giunta regionale (Italie) – Les Pouilles, région de frontières, porte orientale de l’Europe, vivent au jour le jour les drames de l’immigration clandestine. En acceptant le rôle que lui donnent la géographie et la politique, elles veulent faire d’un mal un bien, et dépasser les conflits pour instaurer de nouvelles formes de coopération. Je veux ici transmettre mon salut à tous les citoyens de ma région, qui ont été admirables de solidarité et qui méritent largement qu’on pense à eux pour le prix Nobel de la paix.
Au nom des Pouilles, je remercie le Conseil de l'Europe d’avoir choisi Bari pour la tenue de ce séminaire. Ce n’est certainement pas le fruit du hasard. Séparés de l’Albanie par le canal d’Otrante, nous sommes ici au carrefour entre deux mondes, terre d’accueil naturelle pour tous ces immigrants clandestins qui traversent, l’espoir au cœur, le fleuve Adriatique. La population des Pouilles a une formidable générosité, mais le problème concerne l’Italie tout entière, l’Europe tout entière. Nous connaissons depuis longtemps la dangerosité sociale des trafics de tous ordres auxquels nous sommes confrontés, trafics qui sont aux mains des mafias les plus puissantes et les plus cruelles du monde. Le drame des femmes, la prostitution ne sont qu’un des aspects d’une réalité criminelle sans code ni frein, archaïque et barbare.
Face à la mondialisation du crime, nous devons internationaliser la lutte, obtenir une coordination active de toutes les forces de sécurité intéressées. Les trafics doivent en particulier être attaqués à leur source, dans les pays d’émigration, en Albanie mais aussi au Monténégro. Dans le cadre de l’embargo contre la Serbie, ce dernier pays doit faire l’objet d’un traitement particulier de la part de la communauté internationale, si nous voulons que ses autorités coopèrent dans la lutte contre les mafias.
Mais la répression n’est pas suffisante, il importe aussi d’informer, de sensibiliser et de prévenir, avant tout dans les Balkans eux-mêmes. Cela implique une politique active d’aide au développement, à la démocratisation, au renforcement des institutions, au passage d’une économie illégale à une économie légale. Nous devons promouvoir là-bas une culture nouvelle, enrichie des valeurs qui fondent notre Europe, l’égalité des droits, la dignité. Le canal d’Otrante doit cesser d’être la mer des mafias pour devenir celle des échanges culturels, touristiques et commerciaux. Cela demandera du temps, mais il n’y a pas d’autre solution. Je l’ai dit aux autorités albanaises, il y a peu : il n’y a pas d’alternative à notre amitié. Mais cette amitié, comme toutes les amitiés, exige des choix clairs et l’attachement à des valeurs communes. Nous devons choisir notre camp avec détermination, c’est-à-dire nous engager à tout mettre en œuvre pour en finir avec les trafics et l’esclavagisme. Nous devons aussi, nous, occidentaux, faire notre examen de conscience. Pendant combien de temps avons-nous fait semblant de ne rien voir, avons-nous feint l’indignation devant la mort des clandestins ?
J’espère que vos travaux déboucheront sur des propositions concrètes et des engagements précis. Comment est-il possible, à l’aube du troisième millénaire, que nous continuions à parler d’esclavage, de traite des femmes, de trafics de mineurs ? Nous devons trouver dans le pessimisme de la raison une nouvelle motivation pour agir. Merci encore d’avoir choisi les Pouilles et Bari pour votre séminaire.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice, Italie : Merci d’avoir compris notre message. Le vôtre, par notre intermédiaire, sera transmis aux parlements nationaux des 41 membres du Conseil de l'Europe. Oui, les Pouilles sont une frontière européenne. La mer Adriatique est un fleuve, avez-vous dit ; on a pu dire aussi qu’elle était l’autoroute de tous les trafics. La rapidité et la facilité des échanges doivent nous faire réfléchir.
Je n’ai pas l’habitude de donner une couleur personnelle à mes propos. Mais je ferai une exception pour Sœur Maria Bambina Centra, à qui je dois beaucoup. Nous sommes allées en mission ensemble, elle a guidé mon cœur et tenu ma main. Je l’en remercie profondément.
Sœur Maria Bambina CENTRA, Caritas, Italie : Je remercie à mon tour Elisa Pozza Tasca, qui a su porter à la lumière ce qui était caché.
Je suis restée longtemps en Albanie, j’y ai enseigné, avant de partir j’avais regardé sur une carte, je ne savais pas où c’était. A quelques kilomètres des Pouilles, il y avait un pays dont je ne connaissais pas les coutumes, un pays communiste. J’ai trouvé là-bas beaucoup de bonté. Mais en quelques années cette bonté s’est muée en une férocité terrible.
Nous nous occupons de la traite des femmes et des mineurs depuis 1993. Le professeur Distaso nous a beaucoup aidés, lui qui a heureusement accepté de conserver la présidence de l’Observatoire de la pauvreté. Nous sommes allés dans les orphelinats, nous avons tenté de sensibiliser les équipes, les institutions, la magistrature ; mais nous n’avons pas pu faire grand-chose, parce que les Albanais n’ont pas coopéré.
Il faudrait des livres entiers pour raconter l’histoire de toutes ces femmes, de toutes ces mineures que nous avons vues, cette foire à ciel ouvert, par exemple, une foire aux jeunes filles, ici, chez nous, entre Barletta et Trani, Elisa Pozza Tasca s’en souvient. Il y avait là un homme, un père, qui vendait ses filles dans le froid et le brouillard, les petites étaient presque nues, elles étaient là, assises sur une pierre. Nous avons demandé aux petites si elles avaient besoin de quelque chose, elles ont hoché la tête, non, elles ne voulaient rien, leur père était là, leur mère, leurs sœurs, leur tante. Le père s’est approché, agressif. Heureusement la presse en a parlé.
Elisa Pozza Tasca est une missionnaire. Elle est venue me voir, elle m’a dit que nous devions travailler ensemble, ici, dans les Pouilles, sur ce pont entre deux mondes. Deux inspecteurs de police ont été mis à ma disposition, ils m’ont suivie et aidée. Grâce aux témoignages de jeunes filles victimes du trafic, nous avons pu mettre fin aux agissements de trois bandes criminelles. Pauvres jeunes filles, trois se sont suicidées, deux se sont sauvées de peur d’être renvoyées chez elles … Nous avons créé des équipes psycho-médico-pédagogiques, nous avons un projet Femmes et mineurs à risque, nous avons ouvert des centres d’accueil, nous allons en ouvrir un autre, bientôt, à Gallipoli.
Les parrains albanais ne se contentent plus des Albanaises, nous avons recueilli des Moldaves, des Roumaines, des Bosniaques. La mondialisation gagne le crime. Ce qui importe aux mafieux, c’est de faire du profit, peu importe la façon dont ils l’obtiennent. Un proxénète est venu me voir un jour, il m’a montré les permis de séjour des filles, il m’a dit qu’il leur avait donné du travail. Quel travail ? ai-je demandé – je savais quel travail faisaient ces femmes, elles se prostituaient entre Manfredonia et Foggia. Quel travail ? ai-je insisté. Elles ramassent des tomates, elles cueillent des olives ? Quel autre travail peut-on faire dans notre région ? Il m’a dit : elles se prostituent, c’est moi qui ai tout organisé. Mais, ajoute-t-il, ce ne sont pas des Albanaises, elles viennent de Bosnie et d’Ukraine. J’ai fait durer la conversation jusqu’à l’arrivée de la police, et ils l’ont emmené. Ces gens ont quatre hôtels à Foggia ! Et ils sont régulièrement dénoncés !
M. Maritati a parlé juste, il a tracé les lignes directrices de ce que nous devons faire. Mais il n’est pas facile de convaincre une femme albanaise qui gagne 2 800 000 lires par jour, même si elle en reverse l’essentiel, d’intégrer le monde du travail pour
1 300 000 lires par mois. On parle beaucoup des victimes et des prostituées, mais qui parle des clients ? Qui paye ces filles, sinon les hommes italiens ? Voilà des filles qui travaillent de 7 heures du matin à 8 heures du soir sur la route de Manfredonia à Foggia ; qui les paye ? Il faut faire un peu de catéchisme aux hommes ! On a vu un jour à la télévision une certaine Joséphine, qui disait avoir 5 000 rapports sexuels tarifés par mois. A ce compte-là, tous les Italiens vont voir les prostituées ! Regardons ce qui se passe chez nous, à côté de nous, et disons les choses telles qu‘elles sont : moi, heureusement, je n’ai pas d’homme, mais vous, posez-vous la question ; pourquoi les hommes italiens vont-ils voir des prostituées ? Pourquoi les femmes italiennes ne savent-elles pas garder leurs hommes ?
J’ai appris beaucoup de choses en Albanie et en Roumanie, j’ai vu des criminels d’une bestialité et d’une férocité incroyables. J’ai reçu une fille, un jour, qui voulait quitter son proxénète, elle m’a même demandé de quoi lui téléphoner, elle n’avait pas une lire en poche, l’homme la privait de tout. Mais elle voulait travailler pour son propre compte… Le gain facile est si attirant, la misère si mauvaise conseillère ! Une autre fois, les services sociaux d’Ancône nous ont envoyé une petite fille, on aurait dit qu’elle avait la lèpre, son corps était couvert de brûlures de cigarette. Le juge des mineurs voulait la renvoyer chez elle. Elle a dit : « Vous m’envoyez à la mort ». Le matin suivant, elle s’est jetée par la fenêtre. Une autre victime de la misère. Nous avons beaucoup aidé l’Albanie sur le plan économique, mais nous avons oublié le supplément d’âme qui lui aurait permis de rejoindre notre Europe.
Nous avons sept places dans notre communauté, le travail est difficile, je mets en danger tous les jours ma vie et la vie de ceux qui travaillent avec moi. Je dis aux institutions : essayons de coordonner nos actions pour être plus efficaces. Ainsi peut-être, dans quelques années, le problème sera-t-il résolu.
Je remercie une nouvelle fois Elisa Pozza Tasca, qui a voulu ce séminaire avec tant d’obstination.
Mme Elisa POZZA TASCA, modératrice, Italie : Cette intervention était à tous les égards provocatrice. Je remercie profondément Sœur Maria Bambina qui a déjà travaillé avec l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le trafic des enfants.
Mme Ndioro NDIAYE, Directrice générale adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) : Je remercie le Conseil de l'Europe de son initiative, et les autorités de Bari pour l’excellence de leur accueil.
Je veux d’abord rendre hommage à Madame Roudy qui a tant fait pour la cause des femmes, qui a tant influencé mon parcours militant et le discours politique des partis socialistes africains.
Africaine, j’ai une claire conscience de ce que je représente, au poste qu’on m’a fait l’honneur de me confier, au sein d’une organisation internationale qui compte 69 membres et 49 pays observateurs des cinq continents. Migrante moi-même, je sais ce que ce mot veut dire. Je vous remercie de m’avoir associée à vos réflexions. L’Organisation internationale pour les migrations répond avec plaisir à votre invitation. Vos préoccupations sont proches des nôtres.
Le thème de ce séminaire est très large. La violence à l’encontre des femmes, des abus domestiques à l’esclavage en passant par le harcèlement sexuel, est une triste et révoltante réalité. L’expression sexe faible implique, pour la moitié de l’humanité qu’elle désigne, une vulnérabilité particulière face à l’autre moitié, constituée d’hommes. Nous vivons dans un monde encore largement masculin, dans lequel le droit et les opportunités d’épanouissement sont le plus souvent accordés au plus fort.
Le constat est accablant : la violence à l’encontre des femmes transcende sociétés, cultures, régions géographiques. Il traverse les siècles. D’Eleanore Roosevelt à Indira Gandhi, de Simone de Beauvoir à Graça Machel, les représentantes du présumé sexe faible se sont battues tout au long de ce siècle pour l’égalité de fait entre hommes et femmes. Dans de nombreux pays, les vagues d’émancipation féminine ont fait la une de l’actualité. Mais en dépit d’exemples encourageants, qui sont malheureusement encore trop peu nombreux, de femmes leaders politiques, économiques, artistiques et scientifiques, la condition féminine a été marquée et reste largement marquée par ce fléau qu’est la persistance de la violence à l’égard des femmes.
Cette violence à l’encontre des femmes peut revêtir de multiples expressions : violences physiques, telles que le viol ou l’exploitation sexuelle, ou violences psychologiques, telles que le harcèlement sexuel, la discrimination ou l’inégalité des chances. La Convention de Belem Do Para de 1994 définit cette violence comme «tout acte ou comportement basé sur le genre entraînant en soi le décès ou des entraves physiques, sexuelles ou psychologiques, que ce soit dans la sphère publique ou privée ». Familiale, communautaire ou étatique, elle restreint la capacité des femmes à jouir pleinement de leurs droits élémentaires.
Quelle est la relation entre la persistance de la violence à l’encontre des femmes, la négation de l’égalité des chances hommes-femmes et la migration ? Il s’agit avant tout d’une relation de cause à effet dynamique et interdépendante. J’évoquerai plus particulièrement la traite des femmes - expression terrible - avant d’exposer l’approche et les activités de l’OIM.
Depuis quelques années, on peut réellement parler d’une féminisation de la migration. A l’heure actuelle, et bien que les statistiques soient incomplètes et la notion de migrant diversement définie, le globe compte au moins 60 millions de femmes migrantes, dont quelque 36 millions dans les pays en développement. Selon les estimations nationales, les femmes représentent environ la moitié des flux migratoires permanents de populations étrangères, ou de personnes nées à l’étranger.
La proportion des femmes dans les flux migratoires évolue selon les époques et varie d’un pays d’accueil à l’autre, au gré des politiques d’immigration. La migration des femmes est également le reflet des rôles qu’elles jouent dans leurs pays d’origine. De ce fait, la proportion des femmes dans les divers flux migratoires peut varier énormément. Les femmes migrantes ont ceci de commun avec les femmes non migrantes qu’elles ont toujours été marginalisées en tant que membres des sociétés dans lesquelles elles vivaient. Leurs besoins particuliers ont souvent été oubliés dans les programmes de migration mis en œuvre par les autorités nationales et les organisations internationales.
Les femmes migrent de plus en plus en leur qualité d’entités économiques autonomes, et non comme personnes à charge des migrants de sexe masculin. Cependant, les possibilités et les chances qu’elles ont de trouver un emploi sont limitées en raison des types de travail qui leur sont accessibles. Souvent considérées comme main-d’œuvre bon marché, docile et flexible, les femmes migrantes sont principalement cantonnées dans un nombre restreint de travaux typiquement féminins : les travaux domestiques, les emplois d’auxiliaire, l’industrie nécessitant une main-d’œuvre abondante, les loisirs, l’industrie du sexe, en particulier la prostitution. Situés au bas de la hiérarchie des professions, ces emplois offrent des conditions de travail avilissantes. Le plus souvent, les femmes sont appelées à travailler dans les secteurs informels, où l’accès aux différents réseaux d’informations et au soutien social est limité, ce qui les expose à la discrimination, aux abus et, finalement, à la violence.
Alors que les femmes recourent de plus en plus fréquemment aux services de trafiquants pour organiser leur migration, elles augmentent leur vulnérabilité face aux abus et à la violence. Du fait de l’accroissement des restrictions dans les pays importateurs de main-d’œuvre, les femmes se trouvent souvent impliquées dans la migration illégale et sont, par conséquent, exposées aux descentes de police, à la détention, ainsi qu'au harcèlement de la part de leurs employeurs.
Les femmes migrantes sont particulièrement exposées aux actes de violence commis par les hommes d’abord en raison de leur faiblesse économique liée à leurs difficultés d’accéder à un emploi dans des secteurs structurés, ce qui les empêche de jouir d’une protection sociale, les laissant souvent à la merci des réseaux de trafiquants. Ensuite, parce que l’octroi du permis de résidence peut être subordonné à la relation avec un citoyen ou un immigrant «primaire». Lorsque cette relation vient à se rompre, leur statut légal peut être remis en cause, ce qui laisse, une nouvelle fois, la voie libre aux trafiquants. Souvent tiraillées entre deux cultures, celle du pays d’accueil et celle du pays d’origine, la désorientation et le déracinement social rendent les femmes migrantes particulièrement vulnérables. Enfin, si la sexualité féminine est souvent perçue comme un des facteurs majeurs de la violence, les femmes qui migrent seules sont particulièrement exposées. De nombreuses sociétés patriarcales identifient le concept de l’honneur et de la domination à une expression collective de violence à l’encontre des femmes. Les traditions mais aussi certaines religions sont souvent invoquées pour justifier la violence et, finalement, la subordination de la femme.
Cette vulnérabilité particulière des femmes migrantes a été prise en considération par la Déclaration de la plate-forme d’action de la Conférence de Pékin de 1995, à laquelle j’ai moi-même eu l’occasion de participer en tant qu’ancien ministre sénégalais de la femme et de la famille et Présidente de la cinquième Conférence africaine des femmes. L’un des objectifs stratégiques de Pékin se réfère explicitement au besoin «de considérer des mesures intégrées afin de prévenir et d’éliminer toute violence à l’encontre des femmes. Une importance particulière devra être accordée aux femmes migrantes en s’assurant qu’elles ont un libre accès linguistique et culturel à l’information sur les conséquences de leur migration ainsi que sur les risques de la traite ».
Depuis quelques années, l’OIM a adopté une approche globale afin de répondre aux questions posées par la féminisation de la migration. La résolution 932, adoptée en 1995, a codifié l’engagement pris par l’Organisation en faveur des femmes migrantes dans le cadre de ses programmes et activités puisqu’elle veillera à ce que les besoins particuliers de toutes les femmes migrantes soient pris en considération et reflétés dans les projets et les services de l’Organisation.
Parmi les facteurs majeurs de tout mouvement de migration figure la recherche de perspectives qui n’existent pas dans le pays de départ. Quitter un environnement habituel ne fait souvent qu’augmenter la vulnérabilité des migrants. Ceci s’applique spécialement aux femmes et enfants migrants, dont la vulnérabilité particulière fait souvent des proies faciles pour les trafiquants et les organisations criminelles. Depuis de nombreuses années, mon organisation développe des mesures visant à contrecarrer les migrations irrégulières et plus particulièrement la traite des femmes migrantes. L’OIM s’emploie activement à promouvoir parmi ses partenaires gouvernementaux et non-gouvernementaux une prise de conscience des conséquences de la migration irrégulière. Ces conséquences affectent autant les pays d’origine que les pays de destination des migrants irréguliers et, surtout, les migrants eux-mêmes qui, parfois, n’hésitent pas à entreprendre des actions périlleuses afin de migrer vers des pays aux perspectives plus prometteuses.
Le combat contre la traite des migrants, et particulièrement celle des femmes et des enfants, constitue une des priorités des programmes de l’OIM. Mon organisation propose une large variété d’activités afin de remédier aux conséquences néfastes de cette pratique : études documentaires et recherches, organisation de conférences et séminaires, programme d’assistance au retour et à la réintégration des victimes de la traite, campagnes d’information et d’éducation sur les risques de la migration illégale. Toutes ces opérations menées par l’OIM sur le terrain relèvent aussi d’une stratégie d’intégration de la problématique du genre au sein même de l’organisation. Notre politique du personnel vise ainsi à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et à la promotion des femmes aux postes de décision.
L’absence de connaissances détaillées sur l’ampleur chiffrée des dynamiques spécifiques à la migration féminine constitue un réel frein à la prise en compte adéquate des problèmes liés aux femmes migrantes. La mise en œuvre de programmes de migration combattant de manière efficace la traite des femmes exige en effet une connaissance approfondie du milieu d’origine de ces femmes ainsi que de celui de destination. Connaître les raisons pour lesquelles les femmes victimes de la traite deviennent une proie relativement facile pour les trafiquants permet non seulement de contrer la migration illégale, mais aussi de disposer d’éléments essentiels pour construire les campagnes d’information et d’éducation sur les pièges de la migration illégale. La compréhension des modes de fonctionnement des réseaux de trafiquants et de leurs moyens de «marketing » est également importante pour orienter les campagnes d’information publique. L’OIM consacre de grands efforts à la collecte des connaissances nécessaires à la mise en place de ses programmes. A l’appui de missions de terrain, mon organisation a publié de nombreuses études et documents didactiques sur la traite des femmes migrantes dans diverses régions du globe : Asie du Sud-Est, Asie de l’Est, Afrique et Europe. Ces études ont servi de base à d’importantes activités dans ce domaine.
Si l’Europe de l’Ouest constitue traditionnellement une des destinations de migration les plus importantes pour le trafic aux fins de prostitution, les régions d’origine des femmes ont quelque peu changé depuis une décennie. Depuis la chute du mur, le vivier le plus important de ce trafic est l’Europe de l’Est, suivi de près par l’Asie du Sud-Est et par l’Afrique. Mon Organisation estime que parmi les quelque 300 000 prostituées originaires des pays de l’Est, la majorité est exploitée contre son gré. A titre d’exemple, selon le Parlement européen, le nombre de victimes de la prostitution forcée en Allemagne a atteint au moins 10 000 personnes pour la seule année 1995.
En Ukraine, l’OIM a récemment œuvré à la mise en place de mesures de prévention de la traite de migrants par le biais de campagnes d’information, associées à une aide aux victimes et au développement d’un cadre légal. A la recherche d’un emploi, de nombreuses femmes ukrainiennes tombent dans les filets de réseaux criminels de traite humaine. Le fonctionnement de ces réseaux est très lucratif car les prix de passage exigés peuvent être extrêmement élevés. Une fois les femmes acheminées en Europe, les trafiquants saisissent leurs documents d’identité et les forcent à se prostituer afin de payer leurs dettes. En 1997 et 1998, la campagne d’information et de prévention de la traite des femmes en provenance de l’Ukraine a considérablement contribué à disséminer l’information sur les risques et les implications de l’émigration. A ce jour, un suivi institutionnel de ce projet prévoit la création d’un Conseil national contre la traite de la personne humaine en Ukraine. Un projet conjoint de l’OIM et de l’OSCE dispensera l’assistance technique nécessaire à la création de ce centre. Une campagne analogue est menée en République tchèque et d’autres sont en cours de préparation dans d’autres pays d’Europe orientale, tels que la Hongrie et la Bulgarie.
Des représentants du bureau régional de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest, situé à Dakar, ont récemment conduit plusieurs missions d’étude au Nigeria afin d’élucider le problème de la traite des femmes en provenance de ce pays. Ces missions ont été conduites conjointement avec l’UNIFEM, l’UNICEF et le Ministère nigérian chargé de la femme. S’il est difficile, à l’heure actuelle, de chiffrer l’importance de cette traite, elle constitue un phénomène majeur dans le domaine des migrations irrégulières affectant la région. L’étude de la traite des femmes nigérianes a montré que les régions d’origine de ces femmes se situent plus particulièrement dans la partie septentrionale du pays, tels que les Etats fédérés d’Edo, de Delta et d’Imo. Les pays de destination sont en majorité européens, en particulier l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique, la France et l’Espagne. Les mécanismes de fonctionnement de cette traite ne sont pas tout à fait classiques et diffèrent notamment de ceux des réseaux de la traite en Europe centrale et orientale. Les femmes nigérianes sont souvent incitées, sinon forcées par leurs propres familles, à travailler en tant que prostituées en Europe où de confortables revenus leurs sont promis. En fait, la plupart des intermédiaires des trafiquants sont des femmes. Les victimes ne sont pas forcément issues des secteurs les plus démunis de la société nigériane, bon nombre d’entre elles disposant d’une formation universitaire. Les pays à proximité géographique du Nigeria constituent également une zone d’accueil pour la traite des femmes. Ainsi trouve-t-on des femmes nigérianes dans les cercles de prostitution au Bénin, au Niger et ailleurs en Afrique de l’Ouest. Pour combattre ce phénomène de migration irrégulière en provenance du Nigeria, l’OIM vient de proposer un projet de recherche qui servira de base à l’élaboration d’un programme national d’information et d’éducation sur les pièges d’une migration vers l’inconnu.
Autre exemple africain : l’Ethiopie. A la recherche de meilleures perspectives économiques et de salaires réputés élevés, un grand nombre de femmes éthiopiennes émigrent vers les pays du Moyen Orient. Si la presse locale estime à plus de 10 000 le nombre de ces femmes ayant fui la pauvreté, la violence et la guerre dans la corne de l’Afrique, une grande proportion des migrantes éthiopiennes ne retournent jamais dans leur pays et disparaissent. Les rares femmes qui réussissent à rentrer chez elles font le récit d’abus et de violences inouïs, de mutilations, de viols, d’esclavagisme et de mauvais traitements entraînant souvent la mort ou poussant les victimes au suicide. A la suite d’une demande du Ministère des affaires de la femme à Addis-Abeba, le bureau éthiopien de l’OIM entreprend actuellement une étude sur la traite des femmes dans ce pays. Cette étude avancera un certain nombre de mesures afin d’endiguer le phénomène par des programmes détaillés d’information.
La traite des femmes migrantes, qui est une des formes les plus abominables de la violence à l’encontre des femmes, exige de la communauté internationale une réponse forte, déterminée et harmonisée. Cette réponse doit inclure la formulation et la mise en œuvre de politiques et de législations visant à pénaliser les trafiquants, à protéger et à informer les victimes potentielles. Une gestion responsable des mouvements de migration au bénéfice des femmes migrantes suppose que les Etats veuillent et puissent répondre de manière décisive et adaptée aux défis que pose l’interrelation entre migration et violence.
Toutefois, l’OIM et d’autres organisations internationales opérant dans le contexte de la protection des femmes migrantes ne sauraient à elles seules combattre la traite des femmes. Leur intervention exige une forte volonté étatique et une coopération continue des gouvernements avec elles.
L’Organisation internationale pour les migrations se tient à la disposition de ses partenaires pour coopérer à l’élaboration et à la mise en œuvre de tout autre projet que les Etats et les autres interlocuteurs institutionnels, en particulier le Conseil de l’Europe, voudraient entreprendre.
Les actions de l’OIM dans la lutte contre la violence à l’encontre des femmes, qu’elles soient préventives, par le biais de campagnes d’information et d’éducation, ou curatives, par des mesures d’assistance au retour et à la réintégration de femmes victimes de la traite, ont montré que la logique de la traite n’est pas irréversible, pour peu que l’on y consacre les moyens et les efforts adéquats.
Je veux insister enfin sur la nécessité absolue de favoriser l'accès des jeunes filles et des femmes à l'éducation, qui est un des moyens les plus efficaces dans la lutte contre les pièges de la traite. Par là même, nous leur donnons les moyens de se protéger contre les différentes expressions de la violence. Mon organisation soutient sans relâche le renforcement de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans ce domaine crucial qu'est l'éducation. Unissons-nous pour garantir que tous les pays, d'origine ou de destination de femmes migrantes, offrent aux jeunes filles et aux femmes une éducation qui leur permette de devenir des personnes libres et conscientes des risques - mais aussi des avantages - de la migration. Permettons aux femmes de décider librement de leur avenir plutôt que de le subir.
Mme Irmtraut KARLSSON, membre de la sous-commission sur la violence à l’égard des femmes, Autriche, modératrice : Je remplace Mme Pozza Tasca, qui a dû se rendre à la Conférence de presse.
Merci, Madame Ndiaye, de nous avoir montré que les migrations ont aussi un visage féminin, qu’il ne s’agit pas d’un concept abstrait mais de personnes, avec des histoires et des vécus différents.
Je vous propose maintenant d’ouvrir la discussion sur ce thème.
Mme Ann CRYER, membre de la sous-commission sur la violence à l’égard des femmes, Royaume-Uni : La circonscription du Nord de l’Angleterre dont je suis l’élue abrite la plus forte communauté asiatique d’Europe.
Nous avons vu une vidéo qui nous a beaucoup émues, mais nous sommes ici en tant que femmes politiques, appelées à ce titre à proposer des solutions, en l’occurrence pour les femmes qui se prostituent. Je ne crois pas qu’il existe de prostitution volontaire. Aucune femme ne le fait volontairement. Quand je vois au bord d’une route dans ma circonscription ces très jeunes filles, ces petits bouts d’humanité sur le trottoir, j’ai envie de pleurer. Elles ne sont pas là parce que cela les amuse, elles y ont été amenées par des circonstances économiques, parfois parce qu’elles ont un enfant et qu’elles ne trouvent pas de travail parce que personne ne peut le garder. En se prostituant la nuit, au moins elles peuvent prendre soin de leur enfant pendant la journée. Dans d’autres circonstances, elles ne seraient donc pas là.
Ronald Reagan a jadis dépensé des millions de dollars pour déstabiliser les pays de l’Est et il y est finalement parvenu, avec l’aide du gouvernement conservateur britannique de l’époque, du pape, de beaucoup d’autres pays occidentaux. Et c’est cela, au bout du compte, qui conduit aujourd’hui les filles à quitter l’Albanie, l’Ukraine ou d’autres pays dans ces conditions horribles. Bien sûr, les régimes communistes avaient commis des fautes mais les gens avaient un logement, de la nourriture, une pension de retraite. Avec leur effondrement, les conditions de vie de la population sont devenues épouvantables.
Après la guerre, c’est le plan Marshall qui a aidé l’économie allemande à s’en sortir. Il faudrait aujourd’hui un plan analogue en faveur des pays d’Europe centrale et orientale, auxquels on devrait consacrer des sommes équivalentes à ces millions de dollars octroyés jadis à la CIA. Ainsi pourrait-on stabiliser leurs régimes pour ne plus voir des images comme celles que nous venons de voir. Pour trouver des solutions politiques, ce qui n’a pas été fait jusqu’ici, il n’est plus temps de parler, il faut agir !
Mme Wassyla TAMZALI, Directrice du Programme pour la promotion de la condition des femmes de la Méditerranée, UNESCO : Sœur Bambina a bien posé le problème.
Si l’on tombe dans les anecdotes pathétiques, on n’aura pas assez de temps pour épuiser le sujet de la prostitution des femmes et des enfants. Je pourrais apporter de très nombreux exemples de leur interminable malheur. Mieux vaut donc, selon moi, voir comment ils peuvent s’en sortir. Voilà de très nombreuses années qu’avec un groupe de femmes, nous travaillons d’arrache-pied pour informer l’opinion publique et nous avons remporté des succès. On s’en rend compte ici : le problème, ses causes, ses conséquences commencent à être perçus. Mais, alors que le public est de plus en plus informé de l’esclavage à des fins de prostitution, que les médias se sont largement ouverts à cette question, que les prises de position des féministes, des militantes, des religieux, des parlementaires ont été très nombreuses, nous ne parvenons pas pour autant à stopper la banalisation de la prostitution. Oui, il y a bien, d’un côté ces images atroces de la prostitution et de l’autre l’idée de plus en plus officialisée qu’elle peut être pratiquée comme un simple métier. Et c’est bien à cette idée qu’a correspondu, en 1997, la distinction faite par le Parlement européen entre la prostitution libre et la prostitution forcée.
On est là au cœur du problème. Les consommateurs de prostitution viennent en grande partie du monde civilisé et démocratique alors que 90 % des prostituées de nos villes viennent de pays non démocratiques du tiers monde. La question du choix ne se pose donc pas : elles ne sont jamais libres, c’est un choix forcé. Le seul choix est celui du client. Qu’est-ce qui pousse tant d’hommes à acheter le corps de femmes et d’enfants, c’est une véritable interrogation, qui relève du champ de la psychologie.
M. Maritati a fait un discours de haute tenue et fort, celui d’un homme responsable : la prostitution doit être interdite ! Nous savons qu’aujourd’hui la prostitution s’accompagne de méthodes barbares et bestiales. Or, quand il y a barbarie et bestialité, c’est l’espèce humaine qui est en danger. Au lieu de chercher à savoir si les femmes se prostituent librement ou non, nous, groupe de femmes, féministes et militantes, devons poser la vraie question : le droit de se prostituer fait-il partie des droits de la personne humaine ? Si une femme dit qu’elle a le droit de se prostituer, ne met-elle pas en danger toutes les femmes ? Car, à partir de ce droit, l’industrie du sexe manipule les gens avec une grande adresse. Dans toutes nos réunions, il y a toujours des représentantes qui viennent défendre l’idée du libre exercice d’un métier. Le groupe des Verts du Parlement européen m’a invitée à débattre avec une prostituée et des parlementaires hollandais et allemands ont soutenu que la prostitution devait être réglementée comme une autre profession. Mais, en tant qu’éducatrice, puis-je dire aux petites filles que la prostitution est un métier qu’elles peuvent envisager d’exercer ?
Si je suis intervenue dans ce débat, c’est parce que j’ai eu le sentiment que l’on tenait des propos trop tièdes au regard de la gravité du sujet. Nous devons prendre le taureau par les cornes car nous militons pour l’abolition de la prostitution. Notre solitude intellectuelle est notre faiblesse car nous devons lutter contre le néolibéralisme, le postmodernisme de la pensée occidentale. Nous sommes les enfants de l’Europe des droits de l’homme, mais nous affrontons des gens qui défendent la prostitution au nom des mêmes droits de l’homme.
J’ai été effrayée par la description de ces Albanais qui vendent leurs enfants. Méfions-nous, ne mettons pas tout sur le dos des Albanais. Imagine-t-on le désastre moral qui peut pousser un père à vendre des enfants ? Est-ce ce père qui est responsable ou la société qui accepte la prostitution ? M. Maritati a bien montré qu’aujourd’hui les pays d’Europe ont deux soucis : l’hygiène – et la contamination – et la sécurité car ils ne peuvent accepter la baisse des prix de l’immobilier dans les quartiers où il y a de la prostitution…
Il faut d’abord balayer devant notre porte : on ne peut renvoyer les prostituées vers la misère d’où elles viennent. Il y aura toujours un pauvre pour vendre une petite fille. Si des femmes bosniaques se prostituent, c’est un effet de la déstabilisation liée à la guerre.
Il faut poser des questions non seulement morales mais aussi éthiques. C’est seulement si les intellectuels qui luttent pour les droits de l’homme considèrent la prostitution comme une violation des droits de l’homme que l’on pourra avancer. Dans cet esprit, je souhaite en premier lieu que l’on nettoie le vocabulaire des textes officiels et que l’on supprime la distinction entre prostitution forcée et prostitution volontaire. C’est en effet sur la base de cette distinction que l’on a en fait dépénalisé le trafic des femmes en Espagne. Vraiment, il faut mettre fin à cette banalisation qui fait que les femmes sont considérées comme des marchandises et les trafiquants comme des commerçants honnêtes.
Mme Marianne ERIKSSON, Commission des droits des femmes et de l’égalité des chances du Parlement européen : Les mouvements de femmes parlent de la prostitution mais aussi de la pornographie, qui est également un tabou.
On pourrait discuter sans fin du caractère forcé de la prostitution. Bien sûr, le lobby du sexe et de la pornographie est puissant et trouvera toujours une prostituée, surtout de haut de gamme, pour dire qu’elle trouve son compte dans son activité, qu’elle est une femme libre. Mais c’est vraiment de l’homme qu’il s’agit, comme vient de le dire Mme Tamzali. Or aucun document n’est destiné aux hommes en tant que clients. La plupart des hommes ne vont pas voir les prostituées, ne battent pas leur femme. Selon une étude, 11 % des hommes suédois ont rendu visite au moins une fois à une prostituée, 36 % des Espagnols, 66 % des Hollandais. Il est vrai qu’aux Pays-Bas, il y a ces quartiers avec les petites lumières rouges au-dessus des portes, des petites entreprises du sexe, un lobby efficace. Des journalistes sont allés voir ces dames, elles reçoivent beaucoup de clients – entre 15 et 20 par jour – parce qu’ils leur faut payer les services médico-sociaux, leur loyer, les impôts. On voit combien de personnes font ainsi de l’argent sur ces femmes.
En 1996, j’ai proposé au Parlement européen de tout bouleverser, de criminaliser non pas les prostituées, mais les clients. Un ange a traversé l’hémicycle… Puis des collègues ont dit qu’ils n’avaient jamais rien entendu de plus stupide. Eh bien, j’ai le plaisir de vous dire qu’en Suède cette proposition a pris force de loi. Voilà qui nous distingue singulièrement de pays comme l’Australie, où les bordels sont cotés en Bourse.
Mme Irmtraut KARLSSON, modératrice : Merci à tous les intervenants. Nous poursuivrons ce débat au début de la séance de cet après-midi.
La séance, suspendue à 13 heures 30, reprend à 14 heure 45.
Mme Elena POPTODOROVA, modératrice : je vous propose de poursuivre le débat de ce matin.
Mme Marie-France CASALIS, Délégation régionale aux droits des femmes d’Ile-de-France, France : J’ai beaucoup travaillé sur la prostitution avec enlèvement de femmes, mais je veux appuyer ce qu’a dit Mme Tamzali à partir de la prostitution plus « banale » des filles de nos quartiers difficiles. On est bien en train, avec la léthargie qui caractérise nos sociétés, de laisser avancer l’idée d’une régularisation, d’une professionnalisation de la prostitution. Nous sommes toutefois nombreuses à nous y opposer et je veux à ce propos vous lire quelques extraits d’une lettre ouverte adressée à Romano Prodi, Président de la Commission européenne et à Nicole Fontaine, Présidente du Parlement européen, par un certain nombre de personnalités, d’associations abolitionnistes, féministes, familiales, de partis politiques.
« Nous refusons que des êtres humains deviennent des « travailleurs et des travailleuses du sexe ». Nous refusons que les violences physiques et sexuelles imposées aux personnes prostituées fassent, en toute légalité, partie intégrante de leurs conditions de «travail» et de vie. Nous refusons que la prostitution devienne une "activité économique" - indépendante ou salariée, un «métier» bientôt sanctionné par un diplôme. Nous refusons que la prostitution devienne un «service» offert à des «consommateurs». Nous refusons que les proxénètes soient reconnus comme des «entrepreneurs» et que seuls les trafiquants soient dorénavant criminalisés. Nous refusons l'ouverture de bordels en Europe et demandons la fermeture de ceux qui existent. Nous refusons que l’organisation Payoke ouvre, à Anvers, son « école de la prostitution » et demandons sa fermeture immédiate. Nous refusons que nos gouvernements et nos élu(e)s cautionnent et organisent un système économique qui intègre les profits de la vente des sexes des êtres humains - venant majoritairement des pays pauvres - pour alimenter notre croissance et créer des emplois. Nous refusons que l'Union Européenne limite son action à la «traite des femmes» et nous refuserons toute nouvelle convention sur la «traite», le «trafic », mais aussi sur «le crime transnational organisé». Nous refusons l’inacceptable !
Pour combattre le système prostitutionne1 et la barbarie qu'il légitime, nous appelons à entrer en résistance. Se taire, c'est être complice de tous les dénis de droits et des violences des Etats, du marché, des individu(e)s, c'est accepter que le droit à disposer du corps d'autrui soit reconnu comme un «droit de l'homme». La prostitution doit disparaître. La meilleure politique de prévention est d'en poser le principe.
Mme Anje WIERSINGA, Alliance internationale des femmes, Pays-Bas : Notre Alliance est présente sur tous les continents, dans 70 pays. C’est une organisation ancienne, qui a fait campagne pour les droits des femmes, notamment pour leur droit de vote il y a 100 ans. Elle a mené la première action contre le trafic des femmes de Yougoslavie vers l’Europe occidentale, à la fin du siècle dernier. Aujourd’hui, tout recommence…
La question doit être traitée au niveau de l’État – par la législation, par des plans d’action – comme au niveau de la société civile – grâce aux ONG et à la compassion. Il faut surtout une législation appliquée. Nous disposons d’un plan d’action contre le trafic des femmes et la prostitution forcée depuis 1996. Dans sa résolution 1325 d’octobre 1999, le Conseil de l’Europe consacre deux pages à la définition des politiques nationales et fait des propositions utiles, mais il consacre trop de temps à expliquer les difficultés liées au manque de données, à l’insuffisante sensibilisation de l’opinion publique, à relever qu’il n’y a que quelques cas de mutilations sexuelles féminines.
L’éducation est un élément clé dans la lutte contre les violences à l’encontre des femmes. Des organisations doivent assumer cette tâche et diffuser le principe de la tolérance zéro, qu’on aimerait que le Conseil de l’Europe et les gouvernements mettent en œuvre effectivement. Si je vole une voiture, je suis une délinquante, il en va de même si j’achète une voiture dont je sais qu’elle a été volée. Ceux qui se livrent au trafic des femmes savent que c’est illégal, si ceux qui les achètent savent d’où elles viennent, ils sont donc aussi des criminels et doivent être poursuivis.
Sœur Maria Bambina a parlé des clients. Si une prostituée a vingt clients par jour, cela fait 600 par mois, ce sont eux qui doivent être visés par des campagnes de sensibilisation, afin qu’ils sachent ce qu’ils font. Il faut leur montrer toutes ces vidéos.
Nous, femmes, pouvons identifier les victimes, mais l’effet pédagogique serait plus fort auprès des hommes si c’était d’autres hommes qui s’adressaient à eux, qui leur demandaient pourquoi ils vont voir ces femmes, qui leur expliquaient les choses.
Nous sommes tous hypocrites, nous disons que nous ne savons pas. Mais à l’occasion du Sommet de Copenhague, il y a cinq ans, il n’y avait pas assez de femmes pour répondre à la demande des hommes participant. Des femmes ont été envoyées par avion pour répondre à la demande ! Les hommes savent qui, parmi eux, sont les clients. Il devrait s’adresser à eux pour qu’ils prennent conscience de ce qu’ils font. Dans des occasions officielles, des escortes particulières accompagnent les hommes qui se rendent chez les prostituées le soir. Cela, il faut le dire franchement. Parlons-en aux hommes, incluons les dans nos campagnes de sensibilisation.
Mme Gunnel WALLIN, Commission de la justice, Parlement suédois : En Suède, malgré notre longue expérience, nous n’arrivons pas à répondre de façon appropriée aux questions de la violence domestique et de la traite des femmes.
La traite des femmes a pris ces dernières années une dimension nouvelle, à cause du développement effrayant de la criminalité organisée, plus particulièrement en provenance des pays de l’Est, chez nous des pays baltes et de Russie. Si ce crime est une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, c’est secondairement un problème juridique, social et économique. La traite concerne des femmes très jeunes, sans instruction, ce qui aggrave le problème, des femmes qu’on a trompées, qui sont piégées par l’illusion d’une vie facile. On les prive de leurs papiers, et elles n’ont plus d’issue.
Le Conseil de l'Europe est l’organisation la plus appropriée pour coordonner la lutte. J’ajoute que le trafic régresserait si les législations relatives à la prostitution étaient plus restrictives. La prostitution doit être interdite. En Suède, l’achat de services sexuels est désormais criminalisé.
Il faut aussi sensibiliser l’opinion publique à la réalité des violences contre les femmes. L’ampleur du phénomène est mal connue, donc mal appréciée. En outre, certains hommes considèrent que la violence est une composante normale du comportement ; tant qu’il en sera ainsi, il sera difficile de faire évoluer les choses. La commission à laquelle j’appartiens a élaboré un rapport sur la traite et les violences, elle va faire des propositions qui seront diffusées au niveau national comme international.
La violence sexuelle est une atteinte aux droits de l’Homme. Elle doit faire l’objet d’une attention particulière lorsqu’il s’agit d’envisager l’adhésion de tel ou tel pays à l’Union européenne.
J’ai reçu hier un message de Suède, où se tient actuellement la première conférence sur l’égalité des chances dans l’Union européenne. Le Premier ministre suédois y a souhaité qu’on éradique rapidement la violence contre les femmes, quelle qu’en soit la forme.
Mme Ida MASTROMARINO, G.I.R.A.F.F.A., Italie : L’association GIRAFFA gère des centres d’écoute et d’assistance aux femmes maltraitées. Elle a notamment élaboré un projet de sensibilisation de l’opinion baptisé Cabiria et a participé au financement de documents télévisés intitulés Les yeux des femmes, qui ont eu un impact certain.
Notre association met à la disposition des victimes une ligne téléphonique gratuite, des centres d’accueil, une assistance juridique et psychologique, des formations. Plusieurs actions de sensibilisation sont en cours : la diffusion d’un spot TV en Italie du sud pour faire connaître notre numéro d’appel et les services que nous offrons aux femmes victimes de violences, pour sensibiliser aussi les clients des prostituées aux formes d’esclavage que celles-ci subissent ; la diffusion d’un programme à destination de l’Albanie, avec la coopération de femmes albanaises, pour informer les familles, très souvent ignorantes de ce qui attend les jeunes filles qui émigrent.
Le rôle des médias doit être souligné, en positif comme en négatif. Il faut en particulier transformer l’image de la femme qu’ils véhiculent dans la fiction, l’actualité, la publicité. Si nous n’y parvenons pas, notre action s’apparentera au combat de Don Quichotte contre les moulins à vent et nous n’atteindrons pas l’homme de la rue.
Un groupe de travail sur la traite des femmes a été mis sur pied au niveau régional pour coordonner l’action des institutions et des associations. Le 10 décembre sera organisée une journée de mobilisation qui permettra entre autres de faire le point sur l’état des relations entre les sexes.
Nous avons d’autres projets, notamment l’amplification d’une campagne d’information à la radio pour laquelle nous coopérons avec des femmes espagnoles. Nous espérons être soutenues sur le plan opérationnel et financier pour élargir notre action aux pays de l’Est et à l’Europe tout entière.
M. Serhii SHEVCHUK, Rada Suprême d’Ukraine : Le Parlement ukrainien s’oppose à la violence à l’encontre des femmes. Trois lois importantes ont été élaborées dans ce cadre en 1999. Notre Parlement a d’abord adopté en première lecture le texte posant le principe de la politique familiale. Le projet d’amélioration du statut de la femme est examiné au cours de la dernière session de l’année. Il a été préparé en concertation avec les organisations féministes. Il faut toutefois savoir que 2 % seulement des Ukrainiennes participent au travail de ces associations, alors que 50 % d’entre elles n’en ont jamais entendu parler. En fait, ce mouvement s’appelle «féministe » parce qu’il a pour objectifs la liberté de choix de vie et l’élaboration de normes relatives aux femmes et aux enfants. Il est contrôlé par les femmes leaders de partis politiques. En Ukraine, les femmes jouent un rôle plutôt traditionnel. Elles sont exclues de certaines activités parce qu’on les voit comme des concurrentes. Mais notre commission du budget est présidée par une femme …
Le Conseil des ministres a pris, en septembre dernier, une résolution sur la prévention de la traite des femmes et des enfants. Selon les statistiques de l’OIM, près de 5 000 000 de femmes et jeunes filles ukrainiennes peuvent être considérées comme victimes potentielles du trafic. L’Ukraine est concernée par le respect des droits de l’Homme partout où ils sont menacés, mais ne peut agir seule.
Le Gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation de l’opinion sur la question des violences à l’intérieur de la famille. Des centres d’accueil et d’assistance aux femmes maltraitées sont mis en place dans différentes villes, avec la collaboration des ONG.