A PROPOS DE LA VIOLENCE ET DES JEUNES
François DUBET
Parce que la violence est définie par sa représentation, parce quelle nest rien dautre que ce qui est vécu comme une violence dans une culture, dans un groupe et dans un contexte dinteraction, elle ne peut être réduite à un phénomène objectif mesurable. Cest pour cette raison que nous avons choisi de nous intéresser aux formes de violences associées aux jeunes plutôt que de mesurer déventuels indicateurs quantitatifs. Lobjet de cet article est de suggérer lexistence de quatre formes de violence relevant de processus sociaux spécifiques et se manifestant selon des modalités particulières.
La violence comme représentation
Si nous avons choisi dintituler cet article " à propos " de la violence, ce nest pas pour nous abandonner à lexercice classique de " critique des prénotions " auquel nous a habitué la rhétorique sociologique. Il sagit plutôt dune difficulté propre à cet objet, car la violence civile fait partie de ces conduites dont chacun dentre nous a lexpérience et sur la définition desquelles il nest guère possible de saccorder sauf dans ses formes les plus extrêmes. De plus, la violence physique la plus étroitement définie répond le plus souvent à dautres violences, psychologiques, économiques ou physiques aussi. La violence est associée aux " passions " comme aux " intérêts ", à lidentité des désirs qui nous rend tous rivaux et ennemis, comme aux " différences " qui peuvent sembler insurmontables. Selon la théorie de Hobbes, la société elle-même a pour finalité de réduire la violence en créant une violence plus forte encore mais légitime, celle de lordre et de lÉtat. Dans une perspective voisine, Freud nous apprend que la violence est ancrée dans le désir et dans la formation normale de la personnalité(1). Bref, la violence est partout, réelle ou potentielle, légitime ou pas et cest ce qui en rend la définition banale ou hasardeuse : trop large elle dissout lobjet, trop étroite elle nest quune manière de stigmatiser certaines conduites de violence illégitime.
Ces prudences apparaissent dautant plus nécessaires que la violence est protéiforme : elle peut être individuelle, collective, organisée, imprévisible, instrumentale, " irrationnelle ", ritualisée. Pour ne rien dire des " motivations " des acteurs qui peuvent faire dériver la violence de tous les sentiments, de tous les intérêts et de la plupart des idéologies. Même si lon accepte la vieille distinction de la violence et de la force, cest-à-dire de la violence illégitime et de la violence légitime, le problème nest guère plus simple et lon finira par désigner comme violentes les conduites que les acteurs sociaux nomment ainsi au moment où ils sont confrontés à elles où à leurs représentations.
En associant étroitement la violence à sa représentation, nous pensons en particulier aux violences juvéniles et plus encore à celles des bandes de jeunes qui sont parfois construites comme des quasi-spectacles par les acteurs eux-mêmes et par les médias. Les reportages consacrés à la violence des bandes qui font parfois la une des journaux et les enquêtes sociales des hebdomadaires sont construits comme des mise-en-scène2. Pensons aussi au cinéma notamment américain, qui a élaboré une véritable forme canonique de la violence juvénile et provoque, comme dans le cas de Boys in the Hood, des mouvements de mode dans lexpression de cette violence quil nengendre certes pas, mais dont il participe. Ce lien de la violence et du spectacle est apparu de manière éclatante lors des émeutes de Los Angeles davril-mai 1992. La violence policière à légard dun automobiliste noir a été filmée, comme lacquittement des policiers, comme lémeute elle-même avec les lynchages, les pillages et la répression. Chacun a été directement touché par cette violence et toute la société sest alors perçue comme violente ou menacée. Il y a un effet " contagieux " de la violence et de sa peur nous apprend R. Girard(3) et le sociologue ne peut faire comme si la violence était simplement un fait " objectif " comme nimporte quelle délinquance. Ecrire sur la violence des jeunes, violence mal connue et mal mesurée car le plus souvent discrète et privée, cest participer directement du phénomène lui-même et de la peur quil engendre, plus modérément sans doute que ne le font les journaux, mais dune manière qui nest pas sur le fond différent.
Rien ne montre mieux cette nature de la violence comme " représentation " que lécart entre la violence " réelle " celle que lon pourrait mesurer, et la violence ressentie. Létude de J. C. Chesnais est à cet égard instructive(4). Pour autant que lon puisse en juger par les documents historiques, lhistoire récente a été marquée par une diminution sensible de la violence civile : on peut aujourdhui traverser une ville française sans armes et sans gardes du corps, ce qui nétait pas possible à la veille de la révolution, les gens ne sont plus terrorisés à lidée de voyager et de quitter les protections communautaires. Plus près de nous, les conflits sociaux ne sont plus réprimés par des massacres et lon admettra quen France, le lynchage et la vendetta sont devenues des pratiques relativement rares II nempêche quune partie de lopinion publique craint, de plus en plus semble-t-il, la violence, moins la violence réelle et "objective" que son envahissement et son image même comme rupture du lien social. Plus que toute autre conduite, la violence ne peut être séparée de sa représentation et de son expérience subjective, du fait que tel ou tel acte est ou non vécu par celui qui le commet et par celui qui le subit, plus ou moins directement comme une violence. Cest pour cette raison que, plutôt que de nous efforcer de mesurer un degré de violence et den recenser méthodiquement les manifestations diverses, il est préférable de mettre à nu les logiques de ces violences et de leurs représentations lorsquelles mettent les jeunes en scène.
Violence et régulation sociale
Si l'on admet, comme Hobbes, Freud, Durkheim, Girard et bien dautres encore, que la violence est une conduite " naturelle ", ne serait-ce que comme agressivité nécessaire à la survie et comme une réponse " normale " à lagression, on peut comprendre pourquoi les sociétés ne se bornent pas à la réprimer afin de survivre, sinon dentrer dans la civilisation. Elles la régulent et la canalisent plus quelles ne linterdisent. En ce sens il y a une violence acceptée et " normale ", pas seulement la violence légale de lannée, de la police et de la répression, mais aussi la violence " spontanée " qui trouve des expressions possibles.
Les sociétés fortement intégrées ont toujours, semble-t-il, offert aux jeunes, surtout aux jeunes hommes, des espaces de violence tolérée. La violence tolérée des jeunes est à la fois explicitement condamnée et implicitement encouragée par les adultes. On peut imaginer que ces violences participent de façon plus ou moins " consciente " de rites initiatiques. Shorter nous en donne plusieurs exemples à travers la description des débordements parfois meurtriers des fêtes de carnaval ou de printemps dans les sociétés nordiques(6). La violence des jeunes et des bandes de jeunes est ancienne ; elle fait partie de ces " nouveautés " symbolisant la décadence des temps présents découverte par chaque génération. La violence des jeunes nest pas sans liens avec celle du " niveau ". Les bagarres de bal à la campagne ou dans les villes ouvrières ont toujours défrayé les chroniques locales, les règlements de comptes entre les bandes d" Apaches " au début du siècle, comme les bagarres de blousons noirs des années soixante participent sans doute pour une part de ces violences juvéniles canalisées. Evidemment, cette violence est très étroitement liée à sa représentation par les groupes divers qui la vivent comme plus ou moins violente. Cette violence juvénile a longtemps fait partie des cultures populaires " viriles et dures " et de moins en moins tolérées, à limage de la boxe qui devient intolérable, barbare, violente, lorsque se répand la culture " soft " des classes moyennes(7). Il est difficile de savoir si les élèves de lenseignement professionnel sont aujourdhui plus violents quhier. Mais une chose est sûre, cette violence ouvrière à l'école n'est pas nouvelle. Les garçons se sont toujours battus dans la cour de récréation du Collège d'enseignement technique ou de Centre d'apprentissage(8). Question d'"honneur" ou plus simplement d'intérêt, cette violence était le plus souvent ignorée et tolérée par les adultes, elle avait ses lieux et ses moments dans la cour de l'école et aucun professeur ou surveillant ne se serait permis d'intervenir dans une affaire "privée". Les règlements de comptes "à la sortie" faisaient tout autant partie d'une tolérance que d'une obligation de dignité. Condamnée au plan des principes, cette violence était en fait autorisée, voire encouragée comme une épreuve juvénile. Ce thème ne se limite pas aux seules cultures populaires. Dans le cas d'une culture réputée violente comme celle des Etats-Unis, un des schémas littéraires et cinématographiques les plus familiers est celui de la bagarre entre deux garçons dans laquelle le plus faible prouvera son courage malgré tout, ne sera plus une "fillette" et passera du côté des hommes et des adultes en acceptant la violence.
Cette violence juvénile est d'autant mieux tolérée qu'elle se déroule dans un groupe intégré, dans une "communauté" suffisamment assurée de partager des normes et des critères d'évaluation des conduites pour ne pas se sentir menacée par une violence qui, elle le sait, restera localisée et prévisible. L'intégration du groupe autorise une injonction paradoxale par laquelle les adultes réprouvent et encouragent la violence. Les hommes surtout, en font un test de la valeur et du courage ; ils la condamnent en principe et la soutiennent en fait. Au fond, dette violence tolérée a quelque chose à voir avec ces sports "violents" dans lesquels les "étrangers" voient de l'agression pure là où les "amateurs" perçoivent des épreuves et des "rites". Le rugby, dont on connaît l'enracinement communautaire et villageois, peut être une illustration quasi-exemplaire des règles de cette violence tolérée : la violence des joueurs ne déborde quasiment jamais chez les spectateurs et, après le match, elle se retourne en fête d'intégration lors de la "troisième mi-temps". Ceux qui ne connaissent pas "l'esprit du jeu" n'y voient évidemment que violence et hypocrisie.
On peut donc imaginer que plus une société est intégrée sur un mode communautaire, plus elle ouvre d'espace à la violence tolérée, de la même manière que les écoles autoritaires étaient celles qui autorisaient les chahuts les plus violents et les plus éloignés d'une action contestataire. Si l'on accepte ce raisonnement fonctionnaliste des plus traditionnels (la socialisation d'un "besoin" à la manière de Malinowski), il reste que la violence actuelle des jeunes des banlieues et des cités peut être d'autant plus vivement ressentie et donc d'autant plus violente, qu'elle se déroule dans un type de société où les régulations communautaires se sont considérablement affaiblies. Sans connivence des adultes, sans accord sur les normes qui permettent qu'il "faut bien que jeunesse se passe", les violences juvéniles paraissent s'inscrire dans la chaîne d'une violence générale.
Les grands ensembles périurbains paraissent propices à cette représentation des conduites violentes juvéniles. On sait que les grands ensembles sont caractérisés par leur hétérogénéité sociale et culturelle. La relative homogénéité des revenus des habitants n'est que faiblement associée à celle des cultures, des modes de vie et des trajectoires. Une classe ouvrière traditionnelle côtoie des classes moyennes en début de carrière, des jeunes ménages, des employés soucieux de se "distinguer" d'un environnement populaire, des familles immigrées, des "cas sociaux", des personnes âgées relogées Au fil des années, les ouvriers les plus qualifiés sont partis vers des zones pavillonnaires, les employés aussi, alors que les familles immigrées sont "montées" dans le grand ensemble où ne restent que ceux qui ne peuvent plus partir. Parfois les gestionnaires se sont efforcés de créer une relative homogénéité selon les bâtiments et les cages d'escaliers, mais il se constitue alors des enclaves au sein du grand ensemble. Quoi qu'il en soit, et sans évoquer les situations les plus extrêmes, cette hétérogénéité affaiblit terriblement les régulations spontanées qui ouvraient des espaces de violence tolérée. Les conduites des jeunes, voire des enfants, qui peuvent être violentes sans doute, bruit, injures, bagarres, sont perçues comme dangereuses et menaçantes, comme des violences plus que comme des jeux. Personne ne connaît suffisamment ces jeunes pour être en mesure d'intervenir, personne ne connaît assez leurs parents pour en prévoir les réactions. Par conséquent, toute conduite plus ou moins violente et agressive a de grandes chances d'être perçue comme dangereuse et d'accroître ainsi la violence car les acteurs ont du mal à la situer au sein de normes partagées. La seule manière de construire ces normes est alors l'épreuve de la confrontation et des défis avec le voisinage. Bien des débordements qui ne posaient pas de problèmes au "village" ou dans l'ancien quartier paraissent aujourd'hui violents.
Cette interprétation de la violence s'applique particulièrement semble-t-il, au cas des jeunes enfants qui incarnent le plus nettement aujourd'hui la "violence des jeunes". Plusieurs témoignages concordent à propos de ceux que les jeunes appellent la "caillera".
Alors que la délinquance des jeunes apparaît relativement discrète aux habitants des quartiers, celle des enfants est de plus en plus désignée comme insupportable : injures, dégradations, chapardages, bruits. . . Tout ce que les enfants vivent comme des jeux hors du contrôle des adultes sont perçus comme des violences par ces derniers. La régulation de la rue, celle des enfants photographiés par Doisneau, a disparu car tous les enfants des autres sont des "étrangers" et l'autonomie de leurs jeux est une menace. C. Petonnet a bien montré comment les habitants des anciens bidonvilles avaient perçu leur relogement dans des grands ensembles plus confortables comme une dépossession des solidarités des voisinages, comme l'entrée dans un monde dangereux où la surveillance commune des enfants n'était plus possible(9).
Les désordres du bruit, des défis, des bagarres, de l'oisiveté des jeunes qui "tournent" dans la cité sont d'autant plus perçus comme des violences que les adultes ne se sentent plus la capacité d'intervenir et que les jeunes, qui ne les connaissent guère, ne leur en accordent pas le droit. Aussi la règle est-elle d'éviter les contacts car il n'existe guère de modèle régulé de gestion des tensions, comme le révèle l'actualité des faits divers où des habitants excédés tirent à la carabine sur les jeunes de la cité.
Il est très possible que l'absence de violence tolérée n'engendre pas forcément de violence plus grande, mais elle entraîne les acteurs à tout interpréter comme des violences, chacun étant comme "l'étranger" de la rencontre de rugby que nous évoquions plus haut. Ce sentiment de violence face à des conduites qui n'ont plus de sens traditionnel explique largement le recours croissant à l'État et aux appareils spécialisés pour intervenir là où la société ne semble plus en mesure d'agir. Ainsi s'expliquent par exemple les faits soulignés par les professionnels, éducateurs, policiers, animateurs, quand ils remarquent que presque toujours le public, y compris dans les quartiers "difficiles", manifeste une peur qui déborde très largement la violence "réelle" ou bien des incidents de la vie quotidienne sont interprétés comme des violences.
Les crises et les territoires
On ne peut en rester à cette image de la violence juvénile conçue comme un effet de miroir, un effet d'intolérance dans une société qui aurait vu faiblir ses régulations traditionnelles. Il n'est pas possible de faire comme si cette absence de régulation était restée "extérieure" aux conduites juvéniles, comme si elle n'en avait pas transformé les logiques par le développement d'une "anomie" libérant les "passions" comme les "intérêts".
En ce qui concerne les "passions", la sociologie "classique" celle de Durkheim et celle de l'Ecole de Chicago, a mis en lumière un double lien entre l'anomie d'une part, la délinquance et la violence de l'autre. Pour Durkheim, l'affaiblissement de l'intériorisation des normes provoque directement un excès de déviance et de marginalité. Pour les sociologues de l'Ecole de Chicago, la désorganisation sociale entraîne des réactions spontanées de formation des bandes de jeunes.
Les analyses de la délinquance et de la violence des jeunes en termes de crise de socialisation sont si banales qu'il suffit d'en rappeler rapidement les principes. Au cours de l'adolescence et de la jeunesse, les acteurs se heurtent à des problèmes d'identification et d'intériorisation des normes, à un "dérèglement" des conduites, une incapacité de résister aux désirs et aux contraintes. Cet état d'anomie libère les "passions" et les jeunes ne connaissent plus ou mal les limites de ee qui est permis, interdit et toléré. La violence juvénile relèverait de cette sorte de "sauvagerie", d'absence de contrôle de soi qui n'est que le versant interne de la crise de la socialisation. Ce type de raisonnement rejoint largement la sociologie spontanée des acteurs qui interprètent la délinquance et la violence des jeunes comme un défaut d'éducation : ils sont "mal" ou "pas" éduqués, ils ne connaissent pas les règles, les familles "démissionnent", l'école aussi Dans le cas des jeunes issus de l'immigration, cette interprétation est plus fréquente encore, redoublée par le thème de la crise d'identité liée à la double appartenance des acteurs. Pris entre deux cultures, les jeunes finiraient par ne se reconnaître dans aucun des deux et par vivre une situation de double non appartenance.
Ces types d'analyse offrent quelques éléments de vraisemblance. Il est vrai que la violence dérive parfois d'une absence de contrôle de soi et qu'une part de la délinquance est accomplie sur un mode ludique et impulsif sans que son caractère proprement illégal soit perçu par les acteurs. Quant à la double non appartenance, elle semble confirmée par les recherches qui indiquent que les jeunes délinquants issus de l'immigration sont, dans leur groupe, les plus fortement détachés de leurs cultures traditionnelles, qu'ils sont fascinés par les cultures de la société d'accueil,
Sans être pour autant en mesure d'en intérioriser les normes et les valeurs(10)
Cependant ce type d'analyse reste fragile en ce qu'il évoque une
délinquance, éventuellement une violence impulsive, "irrationnelle", issue de la simple rencontre de désirs et de frustrations, les jeunes n'ayant plus la capacité de se contrôler. On pense alors à des conduites "caractérielles", "pathologiques", "barbares" La violence et la délinquance n'ont plus vraiment de sens en dehors du fait qu'elles sont l'expression individuelle d'une pathologie du système. C'est ce qui peut rendre ce genre d'explication suspect d'ethnocentrisme, l'irrationalité étant la seule manière de qualifier des conduites "étranges" parce qu'étrangères. L'anal se en termes de désorganisation sociale est plus convaincante. Bien qu'elle parte de la même idée de crise et d absence d'intégration, elle suppose que les acteurs, les jeunes en particulier, ont la capacité de construire d'autres modes d'appartenance d'autres identités collectives face au monde qui se désorganise et se défait(11). Dans cette perspective, les bandes de jeunes sont une réaction "normale" à la désorganisation sociale. Elles reconstruisent des microsociétés et des microcultures là où la "grande" société n'est plus en mesure de le faire. Elles créent une solidarité et des règles là où la société n'est plus capable d'en proposer. Ce type de bande, celui que les Américains appellent les gangs, n'est pas nécessairement délinquant et violent, bien que la violence soit une condition presque inévitable de son existence et de sa survie. Les identités mobilisées par ces gangs sont avant tout "territoriales". Les gangs sont des phénomènes urbains par lesquels les jeunes des quartiers défavorisés, périphériques, "interstitiel", s'identifient à leur territoire, s'en font les défenseurs "guerriers". La solidarité du gang suppose un état de "guerre" plus ou moins chaude avec d'autres gangs. Les affaires d'honneur, de vengeance d'obligation morale, impliquent une certaine violence et plus encore une mise en scène de la violence potentielle par le spectacle de la bande qui repose sur le défi. On est là dans la grande mythologie des gangs où se mêlent la réalité et la fiction, le fait divers et le cinéma, image sur laquelle se fixent les médias et l'opinion qui "reconnaissent" dans une bagarre entre bandes des phénomènes déjà connus chaque fois replacés dans une filiation incertaine : les teddys boys, les rockers, les blousons noirs, les mods, les skinheads, les hell angels, les zoulous
Les Etats-Unis sont le pays des gangs, dans le cinéma d'abord dans la vie urbaine ensuite. La sociologie des années trente a décrit un phénomène qui s'est révélé relativement stable dans les milieux populaires et les minorités. On recense plusieurs milliers de gangs dans les grandes villes américaines. Chacun d'entre eux possède un territoire plus ou moins identifié à une ethnie selon le type de quartier, chacun possède des leaders et un patronyme, des degrés d'engagement divers dans la délinquance, des armes souvent, et l'on compte tous les ans plusieurs centaines de morts et de blessés dans les affrontements entre les gangs où les plus jeunes sont tenus de participer de l'honneur des anciens.
Qu'en est-il de ce type de gang et de violence en France ? On peut affirmer que nous sommes très loin de la situation américaine et que ni le nombre, ni la violence, ni la structuration des bandes ne sont comparables. Souvent même, les gangs font l'effet de mirages qui se dissolvent dès qu'on s'en approche. Le gang est une façon de se représenter l'autre, le groupe de jeunes de l'autre cité de l'autre ville, de l'autre communauté car il ne suffit évidemment pas qu'un groupe de jeunes existe, se réunisse au pied d'un immeuble, pour former ce gang, cette "Street corner society" de la sociologie et de la société américaines"(12). Les faits divers comme ceux de l'été 1990 qui ont vu quelques bagarres entre bandes de "Blacks", ou l'épopée de "Requins Vicieux" ne suffisent pas à étayer l'image d'une France des gangs. Cependant, il semble vrai que l'on observe un glissement vers une situation "à l'américaine", notamment par la formation de logiques "territoriales" et plus ou moins "ethniques" selon la composition des quartiers et des cités. Lorsque les jeunes ne peuvent plus en appeler à des identifications de classe, comme dans les années soixante avec les blousons noirs, ou à des identifications scolaires et professionnelles, ils mobilisent la seule appartenance dont ils disposent : celle du quartier, éventuellement celle de la "race". Ce glissement-là est de type "américain" sans créer une violence du même ordre, mais il en construit le spectre comme l'indiquent épisodiquement les titres des magazines.
Violence et marchés délinquants
L'anomie et la désorganisation sociale ne libèrent pas seulement les passions, elles libèrent aussi les intérêts sous la forme d'un "capitalisme sauvage" et délinquant entraînant une violence instrumentale, intéressée et non plus expressive. C est Merton qui a mis en évidence cette dimension de l'anomie, ou de la conception qu'il en avait. La faiblesse des normes et du contrôle social n'interdisent nullement la force des aspirations vers des modèles conformistes de réussite. Malgré ce que l'on appelle la crise, le chômage, la marginalisation, les jeunes des banlieues populaires vivent dans une société de masse dans laquelle les modèles d'accomplissement des classes moyennes s'imposent à la plupart. Or ceux-ci se sentent exclus de mille façons : par l'échec scolaire l'absence d'emploi, la mauvaise réputation des cités, le racisme, alors que les modèles de la consommation et de la réussite sont à portée de main dans la publicité, le supermarché et la télévision. La délinquance apparaît comme une manière réduire cette tension.
La cité et le groupe de jeunes constituent aussi des ressources économiques à travers une économie déviante construite sur le vol, les trafics divers, notamment ceux de la drogue. Il semble que les bénéfices liés à ces activités soient souvent suffisamment élevés pour permettre une certaine participation sociale à travers la "frime", un soutien non négligeable à la famille et surtout, pour rendre les stages et les formations dévalorisées offerts par les services sociaux bien peu séduisants. La violence liée à ce type d'activité vise plus souvent les biens que les personnes malgré l'extension de la "dépouille". Cependant, les vols, les chapardages et les dégradations sont vécus comme des violences, comme des agressions, et les victimes ne sont pas consolées par le fait qu'il ne s'agit, dans les catégories statistiques, que de "petite" délinquance. Un des paradoxes de cette délinquance instrumentale est d'être relativement discrète, raisonnée et d'éviter la violence la plus spectaculaire. Les agressions contre les personnes sont nettement minoritaires dans l'ordre des délits. Nous avons vu le cas d'un quartier où les jeunes adultes délinquants engagés dans de multiples "combines" et de nombreux trafics ne sont nullement perçus par les habitants comme violents ou dangereux en raison de la discrétion de leurs activités alors que les enfants, bruyants, "mal élevés", grossiers, chapardeurs et vandales apparaissent comme de véritables fauteurs de troubles et de violences, même si la plupart de leurs "crimes" s'apparentent plus au "vol de cerises" qu'à la délinquance.
Bref, si le marché sauvage provoque de la violence, il s'agit plus d'une violence tournée vers les membres du marché délinquant. Cette violence-là est discrète, interne au groupe et relativement peu perçue par le public.
La violence "enragée"
Dans un livre publié en 1955, A K Cohen se demandait pourquoi les jeunes délinquants étaient souvent "méchants"(14). A la même époque, un film devenu célèbre, Graine de violence, posait la même question. En effet, ni la crise de la socialisation, ni la communauté des gangs, ni l'intérêt délinquant ne suffisent à expliquer la violence juvénile en ce qu'elle peut avoir d'excessif, de "méchant" dans le vandalisme, l'agression "sans objet", l'injure. Cette méchanceté ne relève pas d'un mécanisme de réponse à l'agression, elle apparaît comme "gratuite" à la manière des héros d'Orange mécanique.
A K Cohen explique cette violence comme une stratégie défensive face à un conformisme frustré. Les normes dominantes, relayées par l'école et souvent par les femmes dans les milieux populaires, exigent discipline, propreté, politesse, travail et succès. Dans ces registres-là, ces jeunes seront toujours perdants et ne parviendront jamais réellement à être conformes au modèle du bon garçon, d'autant plus que les appareils éducatifs les stigmatisent et attendent d'eux, en fait, qu'ils ne soient pas conformes. Alors, au moment ils comprennent que le conformisme leur est en réalité interdit ces jeunes "choisissent" de refuser les normes et les acteurs qui les incarnent. Ils choisissent déchouer à l'école, d'être violents et mal "élevés" afin d'échapper au mouvement de la conscience malheureuse qui les obligerait à se percevoir eux-mêmes comme coupables et comme incapables. La méchanceté apparaît ainsi comme une conduite de dignité et de déni de la frustration. Plus les normes du succès et du conformisme des classes moyennes s'imposent aux enfants des classes populaires et des minorités qui ne pourront pas réellement s'y conformer, plus la méchanceté, préalable à la violence pourrait-on dire, se développe. L'agression méchante et l'injure anticipent l'échec et le mépris. Elles permettent de vivre une échec social comme un acte volontaire, voire héroïque.
Cette interprétation de la violence et de la méchanceté peut aisément s'inscrire dans les théories du stigmate. Lorsqu'un groupe est stigmatisé, une des manières d'échapper à l'étiquetage consiste à revendiquer pour soi le stigmate négatif, à l'exacerber afin de le retourner contre ceux qui stigmatisent. Franz Fanon et Jean Genet ont longuement décrit ce mécanisme "pervers" engendré par la stigmatisation et le racisme. Le groupe et l'individu méprisés se comportent conformément à ce qui est attendu par le stéréotype négatif, mais ils en "rajoutent". Si "on" attend des jeunes Noirs ou des jeunes Maghrébins qu'ils soient voleurs et violents, une des manières de contrôler le stigmate est alors de "choisir" avec excès le vol et la violence. Ces conduites ont aussi des fonctions de "neutralisation" normatives car dès lors que l'autre est considéré comme un ennemi, il ne relève plus des normes de la morale commune. Ainsi, le racisme engendre de la violence du côté des racistes bien sûr, mais aussi du côté de certaines de ses victimes dont la violence se trouve justifiée par de l'injustice dont ils sont l'objet. C'est alors un cercle vicieux de violences, de mépris et de mauvaise foi qui se renforcent sans cesse et confirment les stéréotypes qui les fondent.
II semble que ce type de violence méchante se développe lorsque la situation de domination n'autorise pas la création d'un conflit et d'une constatation. En effet, nous avions observé que là où existait une forte conscience de classe ouvrière, les jeunes qui étaient pourtant en situation de domination, n'adoptaient pas ce type de conduite(15). La conscience de classe permet d'abord de résister au stigmate social, elle confère une conscience fière qui donne aux acteurs la capacité de ne pas se laisser définir par l'image négative qui leur est imposée. Pour reprendre l'expression de Sartre, ils ne se laissent pas réduire au regard de l'autre. Par ailleurs, la conscience de classe donne un sens à la situation subie ; la domination sociale étant nommée et désignée, le conflit social devient possible en s'inscrivant dans l'image générale d'une société. Enfin, l'action collective apparaît possible par le biais d'organisations, syndicats et partis, qui peuvent mobiliser l'indignation et donner des espoirs.
Au fur et à mesure que nous sortons de la société industrielle,
que les banlieues rouges sont remplacées par les grands ensembles hétérogènes de banlieues, La conscience de classe ouvrière s'épuise. A sa place, se forme une révolte sans objet, une violence, ce que les jeunes appellent très justement la "rage" et la "haine". Ces formules banales comme "j'ai la rage", "j'ai la haine", doivent être prises au sérieux. Elles signifient que les sentiments de domination et d'exclusion ne disposent pas de canaux idéologiques et de moyens institutionnels leur donnant forme. II reste des émotions, des dispositions à la violence sans objet, sans adversaire stable et prévisible, une violence vécue comme un passage à l'acte et non comme une obligation et une tradition.
C'est cette nature de violence, de rage et de haine, qui commande l'émeute. Et ceci en France comme ailleurs, car les mécanismes de l'émeute présentent de grandes similitudes. Dans tous les cas, l'émeute apparaît au terme d'une série de violences policières, de bavures et de dénis de justices. Elle apparaît aussi dans les quartiers ou dans les situations où les relations entre les jeunes et les policiers ou les vigiles ne sont plus médiatisées par rien. La violence émeutière répond à une autre violence qui lui permet de passer à l'acte. Mais l'émeute n'est pas un mouvement social, elle en est même le contraire. Elle est autodestructrice, sa rage se porte contre le quartier lui-même et elle n'a rien à négocier Elle retombe aussi rapidement qu'elle explose, de façon imprévisible. Bien sûr, la violence de l'émeute peut être, après l'événement, instrumentalisée. Après coup, elle est considérée comme la seule ressource dont disposent des acteurs exclus et marginalisés ; les élus et les pouvoirs publics cherchent des interlocuteurs dans le quartier et une partie des jeunes acquiert une relative capacité de négociation. Mais cette issue de l'émeute n'est pas inscrite dans son déclenchement. Au contraire. L'émeute mêle toutes les violences, la violence ludique des plus petits, la défense d'une territoire contre les autres, la violence délinquante des pillages et des vols, la violence de la rage.
Si l'on voulait vraiment définir un caractère nouveau de la violence juvénile dans la France contemporaine, c est du côté de cette "rage" qu'il se situe. Nous avions vécu une longue institutionnalisation des conflits sociaux, un long processus d'intégration conflictuelle par le mouvement ouvrier. Ce mécanisme s'est rompu, laissant les acteurs les plus démunis sans significations et sans ressources. Alors réapparaît chez les jeunes une vieille violence : celle des classes dangereuses.
La violence à l'école
Nous avons distingué quatre formes de violence et de représentation : la violence juvénile privée d'espace de régulation, la violence des territoires, la violence du marché et la violence de la rage. Comment ces violences entrent-elles à l'école ? II semble que l'essentiel de la violence scolaire des adolescents, c'est-à-dire celle qui est vécue comme telle par les professeurs, relève de la première nature de la violence. Deux grands phénomènes ont marqué l'histoire récente du système éducatif
Le premier est la massification dont il faut mesurer un des effets : l'école accueille des jeunes qu'elle abandonnait au seuil de l'adolescence il y a quelques années encore. Souvent les professeurs disent que les élèves sont devenus plus durs et plus violents. Ils oublient que la plupart du temps ce ne sont plus les mêmes élèves qu'autrefois, que les grands frères ou les parents de ces élèves avaient quitté l'école à quatorze ou quinze ans. Les LEP recevaient la future aristocratie ouvrière, les autres allaient en apprentissage ou dans la vie active. Les lycées et les collèges reçoivent aujourd'hui les enfants d'immigrés pendant de longues années, alors que ces générations ont été faiblement scolarisées jusqu'au début des années soixante-dix. Pour le dire plus nettement, les collèges, les LEP et les lycées n'éliminent plus les élèves qui ont le plus de chance d'appartenir aux catégories sociales où la violence juvénile est la plus familière.
La seconde transformation du système d'enseignement secondaire est son adhésion à la culture juvénile des classes moyennes et l'abandon d'un système disciplinaire de séparation tranchée entre le monde scolaire et le monde "civil". Plus de séparation des sexes, plus de blouses, plus de surveillants généraux "adjudants", plus de "pions" Avant de continuer dans cette voie, affirmons tout de suite que cette évolution est très largement un succès, car la très grande majorité des établissements secondaires n'a pas de système disciplinaire et ne rencontre pas de problèmes de discipline et de violence. Mais cela suppose que les élèves acceptent ces normes "cool" du refus de la violence, qu'ils choisissent, en cas de conflits le retrait plutôt que l'affrontement et qu'ils se sentent plutôt gagnant au cours de leurs études. Bref, il vaut mieux qu'ils soient des élèves moyens appartenant aux classes moyennes.
Mais lorsque le nouveau publie rencontre ee système scolaire, il se trouve dans une situation de dérégulation de la violence car le système scolaire n'est pas suffisamment intégré pour offrir un espace toléré à la violence juvénile "normale" dans les catégories sociales des nouveaux venus. Elle devient donc intolérable, notamment pour les professeurs issus en général des classes moyennes et ne supportant pas, non sans quelques bonnes raisons, la violence.
Toutefois, cette violence-là est pour l'essentiel une violence entre élèves. Beaucoup plus scandaleuse apparaît celle qui vise les adultes : injures, agressions, dégradation des voitures et des locaux Plusieurs centaines de plaintes ont été déposées cette année contre leurs élèves par les professeurs qui n'y perçoivent plus, à juste titre, les manifestations d'un chahut traditionnel. Il semble que ce type de violence se rapproche plus de l'émeute et de sa rage et qu'elle renvoie à l'analyse suggérée plus haut. Si cela était vrai, ce n'est peut-être pas vers un surcroît de contrôle et de discipline qu'il faudrait s'orienter, à la différence de la première figure de la violence, mais vers un traitement plus "politique" du problème. En effet, ce qui est alors en cause, c'est un type de rapport social et de construction de l'échec scolaire auquel les élèves peuvent "choisir" de répondre de cette manière. Or, autant la première forme de violence peut relever d'un problème de régulation et de contrôle scolaire (elle semble être le propre des élèves les plus jeunes et des collèges) autant la seconde n'est peut-être pas strictement scolaire ; l'école est simplement en première ligne. Nous suggérons de distinguer deux logiques de la violence à l'école. Celle des classes populaires qui détonnent dans un monde de classes moyennes et dans une école qui n'est pas une institution. Celle de la rage qui dérive d'un conflit impossible et d'un sentiment constant d'échec et d'humiliation. Si cette distinction est vraisemblable, elle appelle des réponses assez sensiblement différentes, voire opposées dans leurs principes. La première insistera sur la construction d'un ordre capable de limiter l'espace de la violence et d'en tolérer quelques expressions, alors que la seconde devra au contraire créer le champ d'un conflit et d'un débat autour de quelques enjeux scolaires.
La violence est multiple. Elle n'est réduite à l'unité d'un principe moral que pour être mieux condamnée. Mais il n'est pas certain que cette réduction soit pour autant la meilleure façon de combattre la violence. L'affaiblissement des régulations communautaires et l'emprise de la culture des classes moyennes nous conduisent à ne plus supporter ce que la violence juvénile peut avoir de "normal " et par là, à ne plus savoir y répondre. A l'autre extrême des formes de violence, la condamnation de la violence comme catégorie morale générale interdit d'y déceler des modalités de résistance et de conflit car la violence de la rage répond à de plus fortes violences encore.
Notes
1. S. Freud, Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1963.
2. Un numéro de lEvénement du jcudi (mai 1992) consacré à la violence des bandes est à cet égard exemplaire : photos, enquêtes " vécues ", mise en scène de la violence par les jeunes eux-mêmes, sans compter la dénonciation du rôle de la presse par lhebdomadaire lui-même qui se protège ainsi du stéréotype quil engendre.
3. R. Girard, La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972.
4. J. C. Chesnais. Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours, Paris, R. Laffont, 1981.
5. On peut se tourner vers la littérature sociologique sur le sentiment dinsécurité montrant que ce sentiment nest généralement pas associé aux risques encourus objectivement, ce qui ne signifie pas que ces risques soient absents. Cf. H. Lagrange, " La perception de la violence par lopinion publique, Revue française de sociologie, XXV, 1984, pp. 635-657. Le seul fait de parler ici dinsécurité comme de réputation dans le ras de la banlieue, fonde déjà la réalité du phénomène en engageant les pratiques et les discours qui les installent. Cf. R. Dulong, P. Paperman, La réputation des cités hlm, Paris, LHarmattan, 1992.
6. E. Shorter Naissance de la famille moderne, Pans, Seuil, 1977.
7. A. Rauch, Boxe. Violence du XX ème siècle, Paris, Aubier, 1992.
8. C. Grignon, L'ordre des choses, Paris, Minuit, 1970.
9. C. Pedonnet, On est tous dans le brouillard, Paris, Gallilée, 1979.
10. H. Malewska-Peyre, Crise d'identité et problèmes de déviance chez les jeunes immigrés, CRIV, Vaucresson, 1982.
11. C. R. Shaw, M. D. Mac Kay, Juvenile Deliquency in Urban Areas, Chicago, University of Chicago Press, 1940 ; F. Thrasher, The gang, Chicago, University of Chicago Press, 1963.
12. W. F. Whyte, Street Corner Society, Chicago, University of Chicago Press, 1943.
13. R. K. Merton, "Structure sociale, anomie et déviance", Eléments de théorie et de méthode sociologiques, Paris, Plon, 1965.
14. A. K. Cohen, Delinquant Boys. The Culture of the Gang, New York, The free Press, 1955.
15. F. Dubet, La galère. Les jeunes en survie, Paris, Fayard, 1987.