LE NIVEAU MONTE
Ou réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles
Christian BAUDELOT & Roger ESTABLET

 

 

Se fondant sur une analyse rigoureuse de trente ans d’archives, les auteurs administrent la preuve objective que contrairement aux idées reçues, le niveau monte. Mais leur réfutation des poncifs est tout aussi alarmante que les refrains cafardeux : le niveau monte certes, mais pas pour tout le monde ni partout également. L’écart se creuse entre un peloton de tête plus étoffé qu’hier, plus performant que jamais, et les autres, moins nombreux qu’hier mais plus démunis que jamais.

 I : Depuis 4 mille ans ils tombaient dans l’abîme

  • de Guy BAYET à CUVIER : la décadence, une vieille idée.

Depuis 1820, il y a toujours eu des critiques sur le niveau des élèves. Avec 4150 bacheliers C, le cru 1988 dépasse le nombre de ceux qui avaient, 108 ans plus tôt atteint ou dépassé le niveau du certificat d’études primaires. Le niveau d’instruction de la France de 1880 évoque la statistique actuelle du Sénégal ou du Zimbabwe . Prétendre qu’un siècle plus tard, le niveau français a baissé revient à dire : la formation scolaire française aujourd’hui est inférieure à celle que reçoivent les enfants du tiers monde (magistrale stupidité)

  • L’esprit le plus lourd que le corps

Par bien des points, l’organisation scolaire et sportive se ressemblent :

      « la valorisation des résultats scolaires sur leur reconnaissance sociale ne sont plus à démontrer. (investissement des parents, foule aux inscriptions et aux affichages des résultats, trac final aux examens, publication dans la presse des résultats et des meilleures copies, sanction de la vie sociale par les rythmes scolaires etc.

      « Le contexte matériel s’est amélioré (ramassage, construction d’écoles, de collèges, de lycées généraux et professionnels, d’universités , d’équipements informatiques, labos de langues, ciné et vidéo … etc. .)

      « Les conditions de préparation physiologique à la scolarité sont dans l’ensemble meilleures, les parents mieux informés, le temps passé à l’école est plus long et enfin la sélection porte sur des populations mieux formées et tend, comme pour le sport à s’affiner (diversification des filières, apparition de nouveaux diplômes, palmarès des universités et des établissements scolaires)

  • No record !

Le thème de la baisse du niveau serait alors un pur fantasme : ce radotage séculaire s’expliquerait par les espaces infinis que libérerait à son expression le flou qui entoure sa mesure.

 

    II : Des mesures difficiles

      Le niveau général ne serait obtenu qu’après coup comme le résultat d’une somme pondérée.

       

      « 1ère difficulté :

      Les performances exigées des élèves à un âge donné ne cessent de se modifier. L’école suit ou anticipe en cela le mouvement général des sciences et des techniques. Une société dont la légitimité du pouvoir est fondée sur la tradition accorde toujours une place importante à la mémorisation et aux apprentissages par coeur. Ouvertes sur l’avenir, les sociétés modernes tendent au contraire à les combattre comme des routines, au mieux à les cultiver comme des luxes secondaires ou des talents privés.

      Virgile ou Wilander ?

      Depuis le 19ème siècle, l’intellectuel de référence a changé de nature. Il appartenait à l’école de former des professions libérales ou des professeurs alors qu’il lui incombe aujourd’hui de former d’abord des ingénieurs et des cadres.

      En un siècle, le baccalauréat, 1ère sanction de la culture générale exigée des intellectuels a changé de nature. Comment lui appliquer la notion quantitative de niveau ? Faut il prendre pour norme le latin où l’ingénieur d’aujourd’hui est plus faible, le sport et les mathématiques où il est le meilleur ? Celui qui maintient devant cette difficulté que le niveau a baissé montre clairement qu’il choisit en fait un monde sans changement. C’est d’ailleurs parmi les représentants des disciplines à coefficient social déclinant (lettres, français, philosophie) que le discours sur la baisse du niveau bat son plein.

      « 2ème difficulté : le point de vue crée l’objet

      « 3ème difficulté : A la recherche du PNB scolaire

       

    III : La croissance des diplômes

Le constat est clair : les âges d’entrée à l’école n’ayant cessé de s’abaisser et ceux de la sortie de s’élever, la durée moyenne du séjour effectué dans l’institution scolaire s’est fortement allongée. En 80 ans, la durée du séjour moyen à l’école a plus que doublée.

  • Un siècle de certification

Pour certains, " il ne faut pas instruire le futur agriculteur comme s’il était un citoyen du monde… " vision péjorative.

  • La période récente : le dernier ¼ de siècle (1962-1987)

Baisse des sans diplômes, hausse des titulaires du baccalauréat, des CAP et BEP et l’évolution féminine est plus rapide que celle des hommes.

  • La France et les autres : un niveau riche que seuls certains pays riches possèdent.

 

    IV : L’amélioration des qualifications

  • PNB et certification

 Aux gains de productivité directement liés à l’emploi de professions exclusivement intellectuelles, doivent être ajoutées toutes les transformations intervenues dans les qualifications des paysans, des artisans et commerçants, des employés et des ouvriers. La généralisation de l’informatique, l’irruption de nouvelles technologies exercent un double effet : d’un côté elles réduisent de nombreux travailleurs au chômage ou à la déqualification par la robotisation ou la parcellisation des tâches, de l’autre, elles appellent de ceux qui les servent des qualifications élevées impliquant des connaissances nouvelles et relativement sophistiquées.

  • En francs ou en points, le niveau s’apprécie par grandes masses.

Lorsque l’on soumet les mêmes copies à des examinateurs différents, on obtient des désaccords considérables : ils différent aussi très nettement par le classement des copies, les uns trouvant exécrable telle copie qu’un autre juge moyenne et un autre encore excellente !. Une enquête auprès des correcteurs sur les critères qui guident leur jugement rend compte de cette diversité d’appréciation.

    V : Les progrès des performances

Les observations faites par les militaires dans les centres de présélection à l’occasion des trois jours constituent une source privilégiée pour mesurer le niveau de formation des jeunes. Les militaires s’efforcent de définir un niveau général (NG)

  • Un mouvement de hausse continu depuis 1954

  • Une hausse internationale

  • Une hausse en ordre dispersé

  • Terminale et au delà : croissance des effectifs, maintien du niveau

  • Brevet et CAP : croissance des effectifs, baisse du niveau (ouverts à des jeunes moins performants)

  • Certificats d’études et sans diplômes : baisse des effectifs, évolution contrastée.

 

VI : Oeuvres consacrées : le chemin des bacheliers

  • Lycéens : les mieux lisant culturels

VII : Le haut niveau, un niveau contrôlé

  • Une tradition internationale

  • La concurrence internationale

  • Le contrôle du niveau en mathématiques

  • Mathématiques et sélection :

    Aux héritiers succèdent les consommateurs d'école, voire les investisseurs avisés.

    · Des mathématiques au tennis : 1er classement international

 

    VIII : Élitisme : vous avez dit républicain ?

  • L’excellence pour tous ?

  • Grandeur et décadence de l’empire scolaire américain

  • L’excellence, une valeur sociale relative

     

      IX :   Un centre peu centré

Cette croissance des diplômes moyens constitue le phénomène numériquement le plus important. Et, c’est un fait positif, puisqu’on enregistre ainsi un progrès de la certification scolaire. Mais le bilan comporte un passif : ici la montée des effectifs s’est accompagnée d’une baisse des performances. Certes les effets positifs de la croissance numérique l’emportent, ils contribuent à l'élévation du niveau de la génération.

  • Hétérogénéité des institutions

  • Enseignants : des horizons sociaux disparates

Côté enseignant, on passe génération après génération, d’anciens ouvriers de métier, venus sur le tard à l’éducation nationale, à des techniciens sortis directement de l’école. Il en résulte pour enseigner les mêmes technologies, des approches radicalement différentes : alors que le 1er conçoit son rôle comme celui d’un initiateur à la condition ouvrière sous toutes ses formes (métier, revendication, philosophie de la vie) le second, qui ne connaît pas l’entreprise, privilégie le caractère technique et scientifiques contenus et prépare le jeune à une adaptation polyvalente à la technique et à ses évolutions.

X :    Réussir au LP

  • Réussir sa vie

  • Être et Avoir

  • Le triangle de la réussite : Faire, Avoir, et Être

    · Niveau : le leurre de l'aune unique

     

    XI : Le difficile accès aux rudiments

  • La lente érosion de l’analphabétisme et de l'illettrisme

  • Qu'est ce que lire?

  • Les pièges de l’écriture :

    Si le niveau n’a pas baissé, l’apprentissage de l’écriture est loin d’être maîtrisé par tous les enfants. Les raisons sont claires : l’orthographe française n’a jamais été conçue pour servir de base à un enseignement démocratique mais au contraire, selon le dictionnaire de l’académie du 17ème siècle : " pour distinguer l’honnête homme, des ignorants et des simples français ".

Pour venir à bout de l'illettrisme, il ne sert à rien d’imaginer, dans le ressentiment et l’indignation, un âge d’or pédagogique où la réussite était universelle. Mieux vaut prendre les apprentissages élémentaires et fondamentaux pour ce qu’ils sont et ont toujours été : des apprentissages objectivement difficiles qui ne vont pas de soi pour une minorité.

 

XII : Le niveau, histoire d’un mot

Le niveau monte mais pas par tous et pas partout également.

  • Une vieille idée de vieux

  • Histoire d’un mot : 1654-1990 : de niveau, au niveau du, au niveau, à niveau …

  • La chute : en dessous du niveau

  • Un registre social

  • Un substantif à part entière

 

XIII : Le baccalauréat ou l’institution du niveau

  • Le bac : niveau prototype

  • Une nouvelle pédagogie

  • Le niveau : une idée confuse aux conséquences concrètes

Þ " bachotage " = aucun amour du travail , seulement la rentabilité

  • Le bac au 19ème siècle : un niveau à géométrie variable

 

      XIV : Le niveau : un organisateur social

  • Le niveau du baccalauréat au 19ème siècle : une visée sociale claire

La possession du bac doit garantir ce je ne sais quoi qui distingue les travailleurs manuels de ceux que l’on nomme des primaires. Les études secondaires doivent assurer l’intégration des élèves à l’élite sociale.

  • Le certificat d’études : le niveau des humbles

 

XV :   Pour un SMIC culturel

Vers 1975, René HABY, ministre de l’éducation nationale a proposé l’institution d’un SMIC culturel comme un objectif destiné à réduire l’ampleur de l’échec scolaire. (formule suivie d’aucun effet). S’accorder sur la définition d’un savoir minimum garanti . Mais Lequel ?

 



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