La violence dans la classe
Eric DEBARBIEUX

 

1.     Le phénomène violence

    • Dans la classe, la violence : " l’élève tête à claques "

Claude PUJADE RENAUD, en liant agressivité des élèves et rencontre de l’enseignant avec sa propre violence, peut affirmer "la fatigue de l’enseignant est à comprendre dans ce climat de peur et d’insécurité, peur de soi même comme des élèves, et conjointement dans cette contention de son agressivité ".

    • Un sujet tabou : Les textes officiels sont remarquablement précis sur les interdictions de châtier et sur les interdictions de violence. La solution ? ... l’autorité  … bien entendu naturelle !
    • Le phénomène de la violence : On parle de violence ressentie : elle n’est pas nécessairement agression dirigée, volontaire ou inconsciente.
    • Une question de définition :

La violence doit-elle à son tour être définie comme le fait Yves MICHAUD, sur le mode d’une interaction comportant 2 ou plusieurs acteurs dont l’un porte atteinte à l’autre, ces acteurs pouvant être des systèmes. Cette atteinte pourrait être atteinte à l’intégrité physique, morale ou aux possessions voire aux participations symboliques ou culturelles, et elle serait essentiellement volontaire et spécifiquement humaine, utilisant des stratégies plus ou moins élaborées (cf. violence d’état).

2.     La violence perçue par l’enseignant

Quelle que soit la réalité, l’objectivité du fait de violence, ou de l’agression, d’un enfant vers un autre, sa représentation par l’enseignant est toujours surdéterminée par une représentation connexe qui fait de l’adulte la victime obligée et associée de cette violence dans la classe.

    • La violence entre les enfants : Les coups, Le racket, Le bruit, les injures, La folie (L’auto violence : quand la violence cherche un objet, ce peut être soi-même ), Le refus de l’autre :

S’il est vrai que la violence est parfois désir de détruire l’autre, il est certain en tout cas que les boucs émissaires sont bien vite désignés même si quelque fois ils font croire qu’ils font tout pour ça : Le sexisme, Le racisme

    • La violence entre l’enseignant et les élèves : Les coups, Le bruit, les bruits, Le refus du travail, Le refus d’entrer en classe ou d’y rester,

Ce qui obsède l’enseignant c’est le bruit qui en devient une véritable phobie et une explication globale de la violence. C’est d’abord le bruit dans lequel baignent les enfants. Mais c’est surtout par lequel l’enseignant se sent agressé qui le fait réagir. " La plus grande des violences pour moi, c’est quand je demande aux élèves de se taire et qu’ils ne se taisent pas ".

La violence du « jeu »: Jeu de la séduction enseigné / enseignant. Attention danger : la séduction par l’élève est perçue comme une perte d’autorité à son profit comme si cette perte signifiait la possession par l’autre. Si la violence est "une quantité d’énergie introduite dans le système " et le désorganisant, suivant le mot de LABORIT, on peut concevoir que la force d’inertie soit une force violente = élève clown ou inerte, passif.
Il faut savoir exactement quelle est la place du maître dans les différentes pédagogies possibles pour mettre en place des stratégies permettant de « décentrer » le maître, qu’il puisse être autre chose qu’une cible.
La violence est un problème éducatif comme un autre, encore faut-il accepter de le poser.

 

3. La violence perçue par l’élève

    • Une absente, la violence ?

Bien évidemment les classes à problèmes véhiculent une imagerie de violence très forte et appartenir à ces classes est une désignation supplémentaire pour l’individu violent.

    • La violence de l’élève vers le maître

Frapper le garant de l’ordre dans la classe, n’est-ce pas rendre impossible toute vie commune ?

    • La violence de l’enseignant vers l’enseigné

Coups : violence physique, Violence verbale : injures, Frustration liée à des punitions !
Pour les élèves, les formes de violence sont beaucoup plus une violence privative qu’une violence éclatante : la non-communication, la non écoute, la non-reconnaissance, la négation du corps et de l’être élève.

    • Un constat négatif

La légitimité de l’autorité du maître n’est pas en jeu dans la représentation mentale des enseignés. Et la punition elle-même n’est pas forcement perçue comme négative.
Problèmes de communication. Si l’élève ne parle pas, comment pourrait-il avoir l’impression d’être écouté et compris ?

 

4.  Espace et violence dans la classe

    • Violence : le soin ou les moyens

En réalité, les représentations dominantes de l’échec scolaire par inclusion, l’approche de la violence à l’école qui serait une résultante des mêmes causes, sont dominées par deux grandes perspectives. D’une part, une perspective que nous pourrions nommer defectologique, d’autre part une perspective socio-économique. La première fait peser tout le poids de l’échec et de son corollaire violent sur des carences psychoaffectives liées aux carences éducatives des parents ou aux déficiences de l’enfant. La seconde approche rend responsable l’ensemble d’un macro-système sociopolitique, la société capitaliste ou de manière plus restreinte, l’organisation déficiente de l’entreprise Education Nationale et de son chronique manque de moyens.

    • Les limites d’une recherche
    • L’enfant introuvable : représentations traditionnelles

Pour PLATON "de tous les animaux c’est l’enfant qui est le plus difficile à manier, par l’excellence même de cette source de raison qui est en lui, non encore disciplinée, c’est une bête rusée, astucieuse, la plus insolente de toutes. Aussi doit-on le lier à de multiples brides … " ; " Tous les jeunes ou à peu près sont incapables de tenir en repos leur corps et leur voix, ils cherchent sans cesse à remuer et à parler les uns sautant et bondissant comme s’ils dansaient de plaisir et jouaient entre eux, les autres en émettant tous les sons de voix possibles " : d’où la nécessité de multiples brides.

Avec ARISTOTE, la philosophie grecque définit l’homme comme "un animal rationnel ". Elle fixe le statut de l’enfant du côté de l’animal, l’homme étant du côté de la raison.Cette tradition de sauvagerie et de bestialité qui s’est cristallisée à l’âge grecque reste une structure clairement établie à la renaissance.

Pour ERASME, "les hommes ne naissent pas homme, on les forme tels par l’éducation ".

 Pour COMENIUS les écoles sont des "fabriques d’humanité " où l’homme devient véritablement homme. Plus tard, les encyclopédistes définissant à l’article "âge " la durée de l’enfance : " depuis le moment de la naissance jusqu’au moment où on commence à devenir susceptible de raison " c’est à dire homme.

Pour KANT, qui est tant pénétré des idéaux de la révolution, la discipline est ce qui fait de l’enfant un homme, elle est "ce qui fait passer de l’état animal à celui d’homme " car l’enfant "arrive au monde à l’état sauvage ".La relation binaire de l’enfant imaginaire à la classe utérus

Fernand OURY pense que l’école ne connaît généralement qu’une structure binaire de la relation maître élève de A vers B ou A > agit sur b< . La situation binaire en classe est psychogène : l’élève parlé par l’Autre se vit inconsciemment dans une situation fusionnelle primaire. Il n’existe que dans l’Autre confondu avec lui, et cela se traduit souvent par un hyper conformisme chez l’enfant, une fuite par la passivité ou une réaction violente.

La double clôture : maître dans un lieu clos, le maître est porteur d’une double clôture.

 

5. Fuir, se soumettre, agresser : la place de l’élève dans la classe

  • Les réactions de base.

Pour Henri LABORIT il y a deux idées simples qui doivent dominer toute tentative explicative de la violence.

La 1ère est que : "la seule raison d’être d’un être, c’est d’être la seule raison d’être d’un être, c’est de maintenir sa structure, de ne pas être mis en désordre, de conserver son équilibre biologique ". Dans les représentations de l’enseigné, comme dans celles de l’enseignant, la violence apparaît effectivement comme une "augmentation de désordre " ce qui est sa définition même de l’agression et de la violence.

La 2ème idée : "  il n’y a pas d’instinct agressif, distinct de la violence ". La violence s’apprend. Il y a un système nerveux qui sert à agir, à se déplacer. " La pensée, chez l’homme ne fait que rendre l’action plus efficace ".

- Une jeune fille sage : KADIA : sa vie est imprégnée de ce cruel jeu de l’inclusion exclusion
- Pierrot : manger ou être mangé
- Fuir la classe

La fuite en classe peut être de plusieurs ordres : une fuite dans la passivité, l’attente que ça se passe et c’est le phénomène le plus fréquent. Donc, l’expérience vécue de la classe est dangereux tant qu’il reste le lieu su seul maître et que son organisation topologique reproduit cette dominance.

 

6. Réactions immédiates et stratégies préventives

  • Prendre du recul ?
  • Réagir ou ignorer :

réaction n°1 : la non-intervention irréfléchie : l’enseignant n’intervient pas instinctivement.
Réaction n°2 : l’enseignant ne fait rien volontairement.

Réaction n°3 : l’état présent d’un individu peut amener à ne pas accepter de voir sa provocation, pour ne pas entrer dans un cycle infernal et éviter l’escalade.

Réaction n°4 : la non-intervention systématique avec reprise par une analyse du groupe, de façon qu’il prenne conscience de la manière dont il a réagi.

Réaction n°5 : non-intervention systématique sans reprise par l’analyse du groupe.

  • Réaction vers l’extérieur, Un nouveau choix : répondre par l’extérieur peut être un déplacement vers cet ailleurs ou une aide extérieure.

Réaction n°6 : la sortie punition
Réaction n°7 : la sortie relaxation de l’élément perturbateur ;
Réaction n°8 : sortie de l’élément perturbateur accompagné par un autre élève.
Réaction n°9 : sortie avec l’enseignant
Réaction n°10 : sortie de l’ensemble du groupe.
Réaction n°11 : recours à l’institution scolaire
Réaction n°12 : recours à la famille
Réaction n°13 : soutien individuel à l’élève
Réaction n°14 : soutien en groupe
Réaction n°15 : soutien à l’enseignant

  • Agir dans la classe

Réaction n°16 : soutien en classe, au maître et aux élèves.

  • Les interventions immédiates

Réaction n°17 : Violence du maître vers l’élément perturbateur
Réaction n°18 : Violence du groupe
Réaction n°19 :violence sur l’objet
Réaction n°20 : destruction de l’objet
Réaction n°21 : punition de l’individu par le maître
Réaction n°22 : sanction par le collectif

  • Les interventions avec médiation

Réaction n°24 : entretien entre le maître et l’élément perturbateur.
Réaction n°25 : Le conflit sera évoqué plus tard lors d’un conseil habituel.
Réaction n°26 : Déplacement préventif dans l’espace.
Réaction n°27 : Déplacement répressif (ex : le piquet).
Réaction n°28 : Changement d’activité pour l’ensemble du groupe.
Réaction n°29 : l’enseignant intervient en demandant à l’élève perturbateur de réparer les dégâts. 
Réaction n°30 : le changement d’activité de l’individu perturbateur n’est pas obligatoirement un changement à visée réparatrice.
Réaction n°31: réunion d’un conseil extraordinaire.
Réaction n°32 : lois élaborées par le groupe.
Réaction n°33 : dédramatisation par le maître = humour.

Janus KORJAK :  " n’oubliez jamais comment bat le cœur d’un enfant qui a peur ".

Réaction n°34 jeux de rôles :on joue la situation  en se mettant à la place de …

 

7. La parole et la loi

  • Apprendre ou communiquer ?

On conçoit donc que donner la parole à l’apprenant est indispensable pour résoudre au moins en partie les problèmes de violence en classe. Si le professeur veut éviter de devoir sempiternellement faire la loi, n’a-t-il pas intérêt à la faire avec les apprenants ? Ne lui faut-il pas comme le dit si bien cette phrase : "renoncer à façonner des êtres à son image pour se consacrer à un travail de l’inter subjectif où chacun se définit dans le jeu des identifications différenciations avec autrui. Renoncer à être la loi pour entreprendre de faire la loi avec les élèves. "

  • Donner la parole.
  • La variété pédagogique comme critère

La langue écrite et parlée est un vecteur de communication entre les apprenants et l’environnement.

  • Faire la loi

Il n’en est pas moins vrai que " parler est le propre de l’Homme. Seul parmi les animaux, l’être humain est doué de parole. Il s’agit d’une particularité de l’espèce que l’enfant apporte avec lui en venant au monde " et qui ne se réalisera que si la parole n’est pas interdite par l’autre, adulte, parent, enseignant. Si parler est la différence spécifique de l’être humain, qu’on ne s’étonne pas alors que demander le silence puisse être perçu comme un danger mortel par l’enfant. Il y va de son être.

« Le langage est la maison de l’être. »

 

8. Le corps et l’espace

MAZET : " Le passage à l’acte violent est volontiers corollaire de la difficulté de verbalisation d’un malaise, de conflits "

  • Briser le cercle intérieur
  • Briser le deuxième cercle : une stratégie d’ouverture

De faire entrer le dehors au-dedans ou d ‘envoyer des messages du dedans vers le dehors = faire intervenir des intervenants extérieurs, venir avec les parents, dans le quartier…

  • La preuve par l’espace

3 variables : l’origine sociale, l’architecture de l’école et le type de pédagogie pratiquée
2 types de discours " « exclusifs » ou  « intégratifs » "

L’appropriation de l’espace comme lieu de l’enseigné permet cette " décentration " de la position magistrale sans laquelle aucune stratégie contre la violence dans la salle de classe n’est possible.

 

CONCLUSION

Le premier acquis est la mise à jour de deux systèmes de représentation de la violence chez l’enseigné et chez l’enseignant. Pour celui ci la violence est toujours dirigée vers lui, elle est ce qui l’empêche d’aller au bout de son projet, de son désir. La parole, le bruit et les gestes de l’enseigné sont une violence pour lui : le discours magistral ne doit pas être troublé par une interférence incontrôlable.

La violence de l’élève est pour l’enseignant, de ne pas se taire assez ou de ne pas faire suffisamment selon le désir « pédagogique » du maître.

Pour l’enseigné, la violence est précisément cet interdit de parole, de mouvement, d’être en somme. Sans remettre en cause la hiérarchie de dominance établie en classe, voulant même une autorité importante du maître, l’élève craint un abus de cette autorité. Il craint la transformation de la monarchie éclairée en tyrannie.

Toute solution au problème de la violence dans la classe passe par une éducation spatialisée. Pour vouloir être dedans, il faut pouvoir (s’) en sortir.

 

 



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