QUE SAIS JE ? 1999
Le terme vient du latin civitas. Le citoyen adhère aux finalités et aux règles de la cité, ce qui lui vaut de disposer de prérogatives, droits et devoirs lui conférant un " droit de cité ".
Dans les cités états de la Grèce antique, politeia désigne, en même temps que la citoyenneté, la communauté des citoyens et les règles constitutives de cette communauté. La démocratie athénienne du 5ème siècle avt J.C. est une démocratie directe de la communauté des citoyens, mais les citoyens ne sont qu'une faible minorité dans l'ensemble de la population (1/10ème).
Dans la Rome républicaine, la qualité de citoyen est reconnue à un nombre toujours plus grand de personnes (individus des pays conquis), mais la société n'est pas démocratique, elle est oligarchique ( le pouvoir appartient à une classe restreinte et privilégiée).
Une autre représentation symbolique s'impose au moyen age, celle du système féodal. S'engage alors, pour un millénaire, une longue éclipse de la citoyenneté, qui ne renaîtra sous sa forme moderne qu'avec les révolutions américaine, et, surtout, française. Machiavel réactive l'idée républicaine, Bodin produit La République, Hobbes Le traité du citoyen et Le Léviathan, qui participent d'une rationalisation croissante de la pensée politique et d'une contestation implicite de la doctrine de Saint Augustin affirmant la supériorité de la cité de Dieu sur la cité des hommes. C'est surtout L'Esprit des lois de Montesquieu et Du contrat social de J.J. Rousseau qui influenceront de manière déterminante le développement de contre?pouvoirs et l'affirmation de la supériorité de " la volonté générale " sur l'absolutisme monarchique, préparant ainsi l'avènement du citoyen dans son acceptation moderne. La formation de cette citoyenneté s'effectuera dans le cadre des Etats?nations qui s'étaient constitués en Europe. Il existe des caractéristiques communes à ces différentes expériences Il n'y a pas de citoyenneté sans finalités, sans valeurs (les dieux et la mythologie grecque, le sens du droit et la loi sous Rome, l'exigence de libertés nouvelles dans les cités médiévales, " liberté, égalité, fraternité "sous la révolution). La citoyenneté suppose des valeurs partagées, un pacte social liant les citoyens. Ensuite, il n'y a pas de citoyenneté sans possibilité effective d'assurer son exercice. L'évolution des droits est marquée par une large extension du champ des sujets de droit reconnu comme citoyens et des libertés individuelles et publiques, mais aussi par la difficulté à intégrer les droits économiques et sociaux comme droits attachés à la personne humaine (succession de générations de droits: de l'individu, économiques et sociaux, du genre humain). Enfin, il n'y a pas de citoyenneté qui ne soit dynamique. Celle?ci s'exprime dans une large fresque historique des périodes fortes de citoyenneté (cf. supra). Elle est instable et protéiforme. La citoyenneté, comme la démocratie et la société, est ainsi le produit de contradictions et de réglementations, de conflits et de consensus, de valeurs partagées et de confrontation d'idées d'autant plus intégratrices qu'elles s'opposent vigoureusement.
LES VALEURS DE LA CITOYENNETE
Les valeurs cardinales susceptibles de finaliser la citoyenneté se traduisent de manière spécifique au sein des communautés nationales. Il s'agit de l'intérêt général (qui peut prendre des acceptations variées), du principe d'égalité (l'équité tend à se substituer aujourd'hui à cette égalité formelle plus que réelle, et les discriminations positives à la fraternité et à la solidarité) et l'éthique de la responsabilité (pénale, civile, administrative, politique ou morale, dans l'interférence des sphères publiques et privées)
UNE CONCEPTION DE L'INTERET GENERAL
C'est l'intérêt général qui permet de fonder en droit les relations de l'Etat et de la société. " Expression de la volonté générale (laquelle tire sa légitimité d'être rationnelle et non la résultante de volontés particulières), la loi s'impose également à tous et définit l'intérêt général au nom duquel l'Etat produit des nonnes et gère les services publics. A cette fin, celui-ci dispose de prérogatives de puissance publique qui lui permettent de garantir l'ordre public et de triompher des intérêts particuliers ".
Une définition problématique
L'intérêt général prétend transcender les divisions internes, les particularismes régionaux, les clivages sociologiques, les conflits de génération. L'économie, la politique et le droit ont tenté, non sans difficultés de le définir. La notion " d'optimum social ", mise en avant par la théorie néoclassique, fonde la démarche libérale aujourd'hui dominante. Les juges administratif et constitutionnel font un usage fréquent de la notion, sans cependant lui donner un contenu très précis. En effet, l'intérêt général étant une notion essentiellement politique et qui peut varier d'une époque à l'autre, il ne faut pas la figer, Son appréciation incombe d'abord au pouvoir politique, notamment au législateur.
La crise du service d'intérêt général
Dans la conception française, l'intérêt général ne saurait se réduire à la somme des intérêts particuliers , il est associé à la forme centralisée de l'Etat, à une distinction franche public/privé et à la notion de service public. La notion de service public s'est beaucoup complexifiée. C'est le conflit entre la conception française de l'intérêt général et du service publie et les principaux objectifs de la construction européenne, qui alimente de nos jours, une crise du service public ( marginalisation des mentions relatives à l'intérêt général et au service public dans le traité instituant la communauté).
UN PRINCIPE D'EGALITE
Elément central de la devise républicaine, le principe d'égalité est l'un des plus permanents du droit public. Il est étroitement associé, dés l'article premier de la DDHC, à la conception de l'intérêt général. Avec la liberté, il fonde le caractère démocratique de la société. La loi, expression de la volonté générale, ne peut exprimer qu'une volonté générale d'égalité et l'égalité produit nécessairement la liberté en raison de l'universalité de la loi. Avec la constitution de 1958 le principe reçoit une consécration constitutionnelle tardive et devient un principe général du droit.
Confrontation du principe et de la réalité
Depuis Rousseau, loi égalité liberté sont étroitement liées dans le contrat social. Pourtant, il apparaît très tôt que la seule affirmation par la loi est insuffisante pour rendre compte du principe d'égalité et qu'il convient de distinguer l'égalité en droit de l'égalité réelle. Alors qu'en France, le principe siège dans la généralité de la loi, il est examiné par la Communauté européenne sur la base du principe suivant: à situations égales, règles identiques, à situations différentes, règles différentes. L'idée selon laquelle le respect de la seule égalité formelle ne peut que révéler et confirmer les inégalités réelles n'est pas nouvelle. Le principe d'égalité n'impose pas qu'à toute différence de situation corresponde une différence de droit. La différence de situation doit être suffisamment nette, objective et rationnelle ; la différence de traitement doit être en rapport avec l'objet de la loi et proportionnée à la différence de situation. Par ailleurs, certaines discriminations sont clairement interdites : celles qui se fonderait sur la mec, la religion, l'origine ou la croyance. Mais le divorce entre principe et réalité a conduit à développer le champ des " discriminations positives ", pour tenter de compenser les handicaps à la promotion sociale présentés par certaines catégories sociales. En dehors de la difficulté à fixer le bon niveau de ces discriminations positives, on peut en craindre certains effets pervers. Ainsi, la définition de catégories ou de zones prioritaires, outre les effets de frontières ou de seuil qu'elles provoquent inévitablement, peuvent d'une part entraîner pour les populations concernées un effet " de signalisation, d'étiquetage, de stigmatisation susceptible d'aggraver leur marginalisation d'autre de part de substituer l'intercommunalité et la péréquation financière à un aménagement rationnel du territoire. La poursuite de " l'égalité des chances " peut elle-même apparaître discutable dans la mesure où elle centre sur l'individu et sa réussite sociale le rétablissement de l'égalité, alors qu'est posé avant tout le problème de l'égalité des citoyens dans la plénitude de l'exercice de leur citoyenneté. En ce qui concerne l'égalité hommes femmes, la parité, la réalité contredit durablement le principe (ré)affirmé en 1944 et 1946 (" la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes " constitution du 27/10/1946). D'où de nombreuses propositions en faveur d'une action volontariste tendant à corriger une situation à laquelle l'évolution spontanée s'est révélée incapable de remédier.
Egalité et intégration
La naissance sur le sol de la France s'affirme comme critère déterminant d'appartenance à la collectivité nationale qui devient celle des citoyens par la Révolution française. En 1851, la loi introduit le " double droit du sol " qui fait qu'une personne née en France d'un parent étranger qui y était né lui-même est français dés sa naissance. En 1889, la loi rend en plus automatique, à la majorité, l'acquisition de la nationalité par un enfant né en France d'un père étranger. Cette tradition multiséculaire a été remise en cause en 1993 et partiellement rétablie en 1998. Jusqu'à la Révolution la France a surtout été un pays d'émigration. Elle est devenue une terre d'immigration durable au début du 19". Jusqu'à la décision d'arrêter officiellement l'immigration de travailleurs en 1974, le recours à la main-d'uvre étrangère a constitué un facteur de compétitivité important de l'économie française. Plus généralement, la France a assuré sa cohésion sociale, comme l'a montré F.Braudel, sur sa capacité à intégrer, au cours des siècles, des populations étrangères extrêmement diverses, et le processus d'intégration se poursuit encore activement malgré toutes les fractures sociales. Les conceptions étrangères admettent généralement l'existence de minorités, identifiées par des critères ethniques, linguistiques, religieux, auxquelles sont reconnus des droits spécifiques. La conception française ne reconnaît que des individus citoyens et apporte à chacun la même protection de la loi. Elle le protège par là même des contraintes que pourrait comporter son appartenance à une communauté minoritaire. L'intégration fondée sur le principe d'égalité ne saurait conduire pour autant à une assimilation faisant disparaître toutes les particularités d'origine, d'où ne pourrait résulter qu'un appauvrissement de la citoyenneté. A l'inverse, un droit à la différence débouchant sur une différence de droits collectifs ne pourrait conduire qu'à une hiérarchisation sociale de groupes, contraire à la démocratie et à la citoyenneté.
UNE ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE
L'intérêt général et l'égalité impliquent la liberté, mais celle-ci suppose la responsabilité. Ainsi se nouent les valeurs cardinales de la citoyenneté. Il s'agit d'une notion récente, qui n'apparaît vraiment qu'au 18ème siècle, car, pour qu'un sujet de droit soit responsable, il faut qu'un choix lui soit proposé et qu'il dispose de moyens de l'exercer. La responsabilité a une dimension juridique, Le citoyen a une responsabilité pénale et civile, l'Etat une responsabilité administrative. Mais, la responsabilité ne se laisse pas enfermer dans le corpus de normes juridiques sans qu'il soit possible de l'en affranchir. L'action politique (responsabilité politique, cf. art.49 de la constitution de 1958) comme l'action personnelle en société (responsabilité morale), répondent à des logiques propres de responsabilité. Le rapport étroit entre responsabilité morale et citoyenneté tient au fait que, depuis les Lumières, la responsabilité est associée à l'idée d'émancipation de l'homme vis à vis de toutes transcendances, sinon de tous les déterminismes: Dieu, la nature, la prédestination et la fatalité. Ce sont les hommes qui établissent les règles morales et c'est le principe de laïcité qui le leur permet.
La laïcité
La loi du 28/03/1882 n'évoque pas expressément la laïcité. Jules Ferry défend " la cause de l'école laïque " dans sa lettre aux instituteurs du 27/11/1883. La loi du 09/12/1905 pose dans ces 2 premiers articles les bases de l'enseignement laïque: " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes (sauf restrictions d'ordre public). La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte " (principe réaffirmé dans la DDHC, les constitutions de 1946 et 1958). La laïcité implique le respect de la neutralité dans le service de l'enseignement et des obligations de service strictes pour les personnels. L'évolution récente est marquée par une ouverture de l'école sur le monde extérieur (admission des représentants de parents et d'élèves) et l'autorisation d'une information politique. L'article 10 de la loi du 10/07/1989 précise: " Dans les collèges et lycées, les élèves disposent, dans le respect du principe de pluralisme et de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement ". Au plan juridique la laïcité de l'enseignement repose fondamentalement sur 2 principes: d'une part la neutralité des programmes et des enseignants, d'autre part la liberté de conscience des élèves. L'Etat ne doit se référer à aucune religion et a la responsabilité de garantir à tous la liberté de croyance, de conscience et d'opinion. La laïcité se situe dans la tension entre ces principes qui peuvent être contradictoires. La neutralité n'est pas indifférence aux idées mais on ne peut exprimer unilatéralement un point de vue partisan ou manifester des croyances qui mettent en cause l'ordre public avec des actions ostentatoires ou de prosélytisme, d'atteinte à la dignité, à la santé, à la sécurité, au fonctionnement normal du service public. L'équilibre entre ces principes ne peut être trouvé que dans la vie concrète, sous la responsabilité des acteurs, d'où l'impossibilité d'édicter des normes qui porteraient atteinte de manière générale et absolue aux libertés suscitées (le fait que les jours fériés demeurent d'origine religieuse ou que l'Église continue de percevoir des financements publics importants, sont autant d'atteintes au principe). On peut aussi refuser d'enfermer la laïcité dans une conception uniquement juridique. Elle est également l'apprentissage civique du respect mutuel, la reconnaissance de l'autre, l'exercice de l'esprit critique, qui fait le citoyen actif et responsable dans une société démocratique.
L'EXERCICE DE LA CITOYENNETE
Les droits et les obligations qui permettent l'exercice de la citoyenneté peuvent être analysés à différents niveaux. Au plan individuel, le statut du citoyen est défini par un ensemble de droits et d'obligations civiques qui demeurent étroitement associés à la nationalité. Essentiellement politique, la citoyenneté a aussi des dimensions économiques et sociales. La démocratie locale est le cadre privilégié de l'exercice concret de la citoyenneté, qui s'inscrit dans la combinaison de politiques de décentralisation, de déconcentration, de délocalisation ou de la ville qui n'offre pas toujours au citoyen une perception claire de son rôle face à celui des élus, des experts ou des associations. Les institutions conditionnent directement l'exercice de la citoyenneté au plus haut niveau par la séparation des pouvoirs qu'elles réalisent (équilibre entre démocratie directe et représentative, initiatives et prérogatives laissées au législatif, importance de l'exécutif, intégration des traités internationaux).
LE STATUT DU CITOYEN
La citoyenneté politique
G. Burdeau donne une définition de la citoyenneté proche du droit constitutionnel : " Le citoyen n'est pas l'individu réel avec ses faiblesses, son égoïsme, son aveuglement et ses enthousiasmes. C'est l'homme éclairé par la raison, parlant selon les impératifs de cette raison commune à tous, et, par conséquent, débarrassé des préjugés de classe et des soucis inhérents à sa condition économique, capable d'opiner sur la chose publique sans être dominé par son intérêt personnel, bref c'est une manière de saint laie qui doit sa qualité de membre du souverain ?la nation? à son désintéressement. ". La citoyenneté politique s'exprime par son contenu juridique (droits civiques et libertés publiques) et sa référence déterminante à la nationalité (les étrangers ne peuvent avoir qu'un accès partiel à l'exercice des droits des citoyens).
La citoyenneté économique
La citoyenneté n'est pas cantonnée à la sphère politique et à l'exercice de droits civiques, elle intègre tous les aspects de la vie en société, notamment les relations de travail, devenues fondamentales. Les options les plus générales de la politique économique ne sont pas sans influence sur l'exercice de la citoyenneté. La transnationalisation du capital tend à aligner les processus de production, la distribution des revenus et les caractéristiques des systèmes de protection sociale sur les normes les plus basses. Le développement du progrès technique opère une substitution capital travail qui accroît la précarité du travail vivant (la main-d'uvre des pays développés est particulièrement touchée, menacée de chômage). C'est le statut social du travail qui est mis en cause et la cohésion sociale qui est atteinte. Aussi longtemps que le fonctionnement du système social exigera du travail humain, le travail sera indispensable à la pleine citoyenneté. En tant que droit à participer à la production du tout social et d'acquérir sur lui des droits et du pouvoir, le droit au travail doit être compris comme un droit politique. Il y a un risque de voir apparaître des citoyens " de 2nde zone, pour lesquels l'intégration par un travail reconnu socialement utile et valorisant, ne se fait plus.
La citoyenneté sociale
Étant donné l'ampleur prise aujourd'hui par le développement des inégalités et le phénomène de l'exclusion, on peut s'interroger sur le sens de la citoyenneté d'un chômeur ou d'un allocataire social. Les inégalités se cumulent pour constituer des " vies inégales ", dans une société inéquitable et de plus en plus incivile. Dans tous les lieux de misère sociale résident des revendications de citoyenneté. Le social en apparaît donc comme une dimension essentielle. Mais, ce concept de citoyenneté sociale ne risque t il pas d'en affaiblir le contenu politique ? La citoyenneté a en effet un caractère éminemment politique. Les droits économiques et sociaux participent incontestablement d'une pleine citoyenneté, mais il importe qu'ils soient constamment situés dans la perspective de finalités politiques, faute de quoi le citoyen finirait par s'effacer devant le salarié ou l'ayant droit social.
LE CITOYEN DANS LA CITE
Le citoyen concret exerce ses droits et assume ses devoirs d'abord dans son environnement immédiat. Cela justifie que la citoyenneté effective soit souvent recherchée dans le rapprochement du citoyen et des lieux de pouvoir.
La libre administration des collectivités territoriales
La réforme principale dans la mise en oeuvre du principe de libre administration a été effectuée par la loi du 02/03/1982. Les lois du 07/01/1983 et du 22/07/1983 concentrent le transfert des compétences de l'Etat aux collectivités territoriales, celles du 13/07/1983 et du 26/01/1984 sont constitutives du statut de la fonction publique territoriale, celle du 06/02/1992 est relative à l'administration territoriale. La décentralisation a davantage porté sur le transfert de compétences que sur la démocratie locale et la participation du citoyen à la vie locale. Contrairement aux systèmes fédéraux, la constitution ne ménage aucun domaine propre aux collectivités sur lequel la loi, expression de la volonté générale, ne puisse intervenir.
La démocratie représentative locale et La difficile intervention des citoyens
A l'image du maire, les présidents des conseils généraux et régionaux sont devenus des personnalités puissantes dans leurs collectivités (l'équilibre du pouvoir est favorable aux exécutifs), au détriment des assemblées délibérantes (dont le rôle est réduit à celui de chambres d'enregistrement) et, a fortiori, de la masse des citoyens. (dont l'intervention n'a pas été favorisée de manière significative) Parfois, le clientélisme et la corruption se sont développés. Le cumul des mandats constitue aussi un grave obstacle à la participation du plus grand nombre des citoyens et à l'exercice de responsabilités publiques. De plus les communes transfèrent la gestion d'une partie de leurs missions et des moyens mis en oeuvre à des experts, non élus, sur lesquels les citoyens n'ont pas de prise directe. La recherche de la transparence de la gestion administrative est pourtant recherchée (cf. loi de 1992). Le mouvement associatif est aussi un moyen de participer à la vie locale (en 1996, plus de 20 millions de personnes étaient membre d'une association, représentant 730 000 associations.)
LE CITOYEN ET LES INSTITUTIONS
La citoyenneté est intimement liée aux règles fondamentales que retient la nation et dans lesquelles celle-ci reconnaît son modèle d'organisation et de fonctionnement L'Etat étant dégagé d'un ordre naturel et toute transcendance, il reste à caractériser la souveraineté dont il se réclame en dernier ressort et à préciser les moyens de son exercice. La souveraineté est la raison supérieure au nom de laquelle le pouvoir politique est exercé, en même temps que l'instance située au sommet de la hiérarchie sociale, l'ensemble des principaux attributs qui permettent de l'exercer ; elle indivisible, même si elle est déléguée dans l'exercice effectif du pouvoir à des représentants. On oppose traditionnellement souveraineté nationale et populaire. La participation des citoyens au débat politique et à la gestion des affaires publiques dépend de l'intérêt qu'ils leur portent et de la confiance qu'ils ont dans les institutions. A cet égard, on peut parler aujourd'hui de crise politique. Elle a comme conséquences des replis individualistes et communautaristes, un désintérêt pour la chose publique (abstentionnisme), un doute sur les capacités des élus à résoudre les problèmes sociaux, une dégradation du sens civique, un développement du clientélisme et de la corruption. La loi, expression de la volonté générale, est votée par le parlement, mais son élaboration est largement entre les mains du gouvernement. Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Le caractère présidentialiste des institutions dépend avant tout de la conformité de la majorité parlementaire aux orientations du président.
LA DYNAMIQUE DE LA CITOYENNETÉ
Citoyenneté et nationalité ont toujours été étroitement associées. Pour autant, leurs relations sont affectées par le développement des échanges internationaux et une mondialisation, essentiellement économique et financière, mais ayant des incidences sur les rapports des Etats?nations. Peut on parler de " nouvel age de la citoyenneté " ?
LA CRISE DE LA CITOYENNETE
C'est d'abord une perte de repères: les différentes appartenances (famille, classe, nation) qui permettaient aux individus de s'identifier dans la société ne sont plus aussi déterminantes. Dans le même temps, les organes de représentation (partis, syndicats, associations) ont beaucoup plus de difficultés à être le relais entre les citoyens et leslieux d'expression et de pouvoir.
La crise de l'individualité
Il ressort d'enquêtes d'opinion que les préoccupations en matière de citoyenneté sont de 2 ordres: respecter les règles de vie commune, notamment dans les lieux publics, et l'environnement et le droit au travail et à la santé, reconnus comme prioritaires. La première partie relève de la civilité, la seconde de la citoyenneté économique et sociale. Les éléments caractéristiques de la citoyenneté politique viennent ensuite. Les jeunes semblent particulièrement persuadés de l'avènement d'une société marquée par le désintérêt pour la chose publique (+ forte hausse de formes de délinquance révélatrices d'une inadaptation sociale et d'un incivisme). La cause en est recherchée dans le desserrement du lien social sous l'effet d'une mondialisation menaçante qui encouragerait, paradoxalement, d'une part de nouveaux réseaux de solidarité et, d 'autre part des replis identitaires, communautaristes et individuels. Pour expliquer les incivilités on avance, premièrement, que la société serait de plus en plus tolérante vis à vis des déviances mineures en raison d'une mobilité croissante et d'un relâchement de l'autorité parentale. Deuxièmement la crise et le départ de la gauche militante des quartiers populaires entraîneraient une déstructuration de la vie sociale et engendrerait un climat d'insécurité et de peur. L'individualisme et la déritualisation de la vie moderne pousseraient les adolescents à la violence comme forme de réassurance. Les institutions auraient de plus en plus de mal à riposter aux incivilités, et les citoyens renonceraient à les aider, il y aurait déclin d'un courage qui n'apparaît plus nécessaire.. Les exemples ne manquent pas pour illustrer une société profondément ébranlée, doutant de ses valeurs et de la possibilité d'agir sur le cours de son destin. La relativisation de l'Etat?nation dans le cadre de la mondialisation et de la construction européenne, oblige à une redéfinition constante de l'identité nationale. La conscience de classe pouvait porter une citoyenneté en action ou en promesse, force est de constater qu'elle n'a plus la même vigueur dans cette fonction (perte d'homogénéité des classes), La désertification des campagnes et les concentrations de population dans de grands ensembles déshumanisés se sont révélées destructrices de citoyenneté. Le lien social s'est brisé à partir du moment où les associations et les organisations politiques de terrain, affaiblies, ne pouvait plus assurer un minimum de cohésion sociale. La famille, porteuse de valeurs transmises de générations en générations, n'échappe pas à cette mutation. L'affaiblissement des grandes idéologies messianiques (religion, marxisme) joue aussi un rôle important dans la perte des repères.
La crise des représentations
La forme " parti " est en relative désuétude. Les citoyens reçoivent aujourd'hui une information traitée et doivent se faire une opinion sans autres intermédiaires que les professionnels de l'information. Les médias jouent un rôle essentiel dans la construction de la citoyenneté, ce qui en fait un enjeu de pouvoir déterminant. La concurrence entre le taux d'audience et la fiabilité de l'information, la qualité du commentaire conditionne la formation de l'opinion publique. S'il est vrai que le citoyen dispose de moyens sans précédents pour former son jugement, les moyens de la manipulation de l'opinion publique se sont accrus d'autant (cf. sondages). Bourdieu a montré comment le champ de production culturelle est dominé par le champ journalistique, lui-même dominé par les contraintes du marché. Les modèles, projets et programmes politiques sont considérablement dévalorisés, la confiance dans les élus est atteinte. L'affaiblissement de la bipolarisation droite gauche modifie la structure du paysage politique traditionnel [causes: développement des classes moyennes et des exclus, montée d'aspirations spécifiques (femmes, jeunes, minorités), contradiction capital travail, droit au développement et productivisme ? protection de l'écosystème mondial et écologie, progrès scientifique ? protection de la personne, égalitarisme républicain communautarisme ... ]. Les médiations sont altérées, on constate le déclin des organisations de la cité mais aussi des services publics, des assemblées élues, des Eglises et de la famille. Le développement des associations est dû pour une bonne part à cette crise des médiations. Les associations peuvent être des écoles de formation à la citoyenneté, ce rôle est néanmoins limité à leur objet même, qui peut aussi être corporatiste, égoïste sectaire ou maffieux
Citoyenneté et nationalité
La " citoyenneté à la française " est caractérisée par son lien très fort avec l'identité nationale qui peut expliquer une certaine difficulté des français à penser le pluralisme des appartenances. La notion de " nouvelle citoyenneté " veut exprimer une conception qui serait moins définie théoriquement ?réduite aux attributs élémentaires de la citoyenneté politique? que située dans les champs les plus concrets de la vie sociale, par la reconnaissance des droits économiques et sociaux, L'affaiblissement de l'héritage et des valeurs peut favoriser l'expression d'autres identités collectives à base culturelle, religieuse, linguistique ou ethnique. Cette nouvelle citoyenneté tend à établir une distance avec l'appartenance, avant tout politique, à la collectivité nationale et à fait prévaloir, par la voie contractuelle, un multiculturalisme ambigu. Sa légitimation serait recherchée au niveau supranational, européen notamment, sous couvert de la défense du droit des minorités. Si la référence sommaire à la République, à la nation et aux partis pouvait, dans le passé, caractériser l'essentiel de la citoyenneté, celle-ci suppose aujourd'hui un engagement personnel plus marqué. Le plein exercice des libertés publiques et individuelles enrichit la citoyenneté. Le droit peut être le moyen &une citoyenneté plus consciente (transparence administrative, recours juridiques). La société civile propose aussi une large gamme de mouvements, d'associations, de partis qui permettent une structuration plus libre de la citoyenneté, sous la forme d'engagements sociaux diversifiés dépendant des choix personnels du citoyen. La citoyenneté est prise aujourd'hui entre 2 préoccupations contradictoires: l'organisation souple en réseaux interactifs respectant les particularités et l'existence d'une centralité apte à exprimer des convergences suffisamment fortes et cohérentes pour permettre une action collective efficace. La citoyenneté est?elle appelée à se dissocier de la nationalité ? Les affirmations nationales ont donné lieu à des manifestations identitaires exacerbées, conduisant à créer une confusion entre nation et nationalisme, à préconiser une " préférence nationale susceptible d'aboutir à une restriction des droits de l'homme. Pour D. Schnapper , la nation demeure le niveau le plus pertinent d'articulation du général et du particulier et la citoyenneté nationale vaut par l'universalité de ses valeurs. Le nationalisme est soit l'expression d'une revendication ethnique soit l'expression d'une volonté de puissance affirmant la nation aux dépens des autres.
L'EMERGENCE DE CITOYENNETES TRANSNATIONALES
Le traité de Maastricht a institué dans le traité instituant la Communauté européenne " une citoyenneté de l'Union ". Celle?ci apparaît comme une novation qui, avec le principe de subsidiarité, devrait entraîner un rééquilibrage politique d'une construction jusque là essentiellement économique. Le traité d'Amsterdam ajoute que " la citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale, et ne la remplace pas ". Elle consiste en un droit de séjour et de circulation (qui a d'ailleurs entraîné un renforcement des frontières externes), des droits politiques (droit de vote et éligibilité au parlement européen), des garanties juridiques, un drapeau, un hymne, un passeport, permis de conduire ...... La citoyenneté européenne est une citoyenneté de superposition (les Etats nationaux conservant un rôle déterminant), sans autonomie (puisque est citoyen européen toute personne ayant la nationalité d'un État de l'Union). Tous les droits reconnus n'existent que sous de nombreuses réserves. Mais la faiblesse de la citoyenneté européenne tient surtout aux options économiques et financières dominantes au détriment de la construction politique et sociale de l'Europe. On peut aussi s'interroger sur les valeurs de cette citoyenneté, puisque celles qui fondent les citoyennetés nationales présentent de fortes contradictions et leur convergence supposerait une confrontation sévère. L'arrimage de la citoyenneté à la nationalité connaît de nombreuses dérogations que le processus de mondialisation tend à multiplier. La nationalité n'entraîne pas automatiquement la citoyenneté, bien qu'elle soit généralement déterminante et l'inverse est également vrai. La question est encore plus délicate quand il s'agit de parties de la nation, de minorités exprimant des revendications nationales. Cela ne dispense pas en tout état de cause de rechercher au niveau mondial des points d'appui notamment juridiques pour accréditer la notion de citoyenneté mondiale à un moment où l'histoire de l'humanité se caractérise par la prise de conscience d'une communauté de destin pour le genre humain, mais aussi d'une mondialisation qui se développe surtout sur le plan économique (citoyen consommateur, citoyenneté sans concitoyenneté). Cette mondialisation est aussi le fait de l'expansion des échanges (Internet), nouvel espace d'expression humaine et, en même temps lourd de danger pour les vies privées comme pour les états. Le droit international est marqué par ses origines occidentales, ce qui est un handicap et les dysfonctionnements des institutions et de la justice internationales sont frappantes. Les valeurs universelles qui pourraient finaliser une citoyenneté mondiale (paix, sécurité, droit au développement, protection de l'écosystème, maîtrise scientifique, respect des droits de l'homme ... ) peuvent entrer en contradiction et laissent bien des chantiers idéologiques et politiques ouverts.
DROITS DE L'HOMME ET DROITS DU CITOYEN
" Les droits de l'homme sont des libertés, les droits du citoyen sont des pouvoirs " comme a écrit J. Rivero. Les manifestations de crise expriment fréquemment la confrontation des libertés et des pouvoirs qui peuvent mener à une divergence entre droits de l'homme et du citoyen. Cette contradiction renvoie à l'interrogation sur la légitimité des pouvoirs : ceux des organisations internationales et ceux des Etats?nations ayant facilement recours à l'arbitraire et à la raison d'état, au mépris des droits de l'homme et du citoyen. La raison d'Etat qui se fonde sur sa vocation à exprimer la souveraineté nationale et sa capacité à définir l'intérêt général, n'est pas forcément légitime. Les droits de l'homme constituent un ensemble incertain, ce qui nourrit un désordre juridique peu favorable au respect des règles qu'ils posent Il existe plusieurs déclarations de droits qui ne se recoupent pas, les formulations et concepts variant d'un texte à l'autre, ce qui rend leur application rigoureuse difficile. Par leur généralité, ils ne sont qu'un dénominateur commun minimal des pays qui y adhèrent, Le droit commun n'apporte pas de réponses claires au traitement de certaines questions délicates. De plus, la plupart des droits de l'homme affichent eux-mêmes leurs limites, ce qui nourrit de grandes ambiguïtés dans lesquelles peut s'engouffrer la raison d'Etat. Pour H. Arendt: " les droits de l'homme, en principe inaliénables, se sont révélés impossible à faire respecter, même dans les pays où la constitution se fondait sur eux, chaque fois que sont apparus des gens qui n'étaient pas citoyens d'un État souverain ( ... ) Personne ne semble capable de définir avec certitude, ce que ces droits de l'homme en général, par opposition aux droits du citoyen, sont exactement. " La citoyenneté apparaît alors comme la catégorie politique, juridique et philosophique qui, tout en s'appropriant l'ensemble des acquis des différentes déclarations des droits de l'homme, est capable de traiter la raison d'Etat sur son propre terrain, avec les moyens de l'appareil et des droits spécifiques, pour circonscrire la partie légitime de la raison d'Etat et en réduire la partie illégitime.