|
L’évolution du système dans les prochaines décennies ne résultera
pas de la volonté d’un homme ou d’un petit groupe d’hommes,
mais du jeu d’un grand nombre d’acteurs enseignants, élèves,
parents d’élèves, entreprises, médias, administrations, syndicats
, partis politiques… Et maintes transformations ne pourront se produire
que si elles recueillent le soutien, au moins passif, de groupes d’acteurs
suffisamment longs.
Aussi, à terme, l’avenir du système éducatif français, loin d’être
donné, dépendra-t-il largement de ce que nous en ferons.
Une interrogation sur les finalités : le système éducatif a-t-il
pour objectif d’épanouir l’individu, de former des citoyens
responsables, de transmettre certains savoirs, d’apprendre à apprendre ?
Doit-il donner la priorité à la progression collective ou à la formation
et à la sélection des élites ? Doit-il ou non chercher à éduquer l’homme
dans toutes ses dimensions ?
- En dépit des efforts de démocratisation , la réussite scolaire reste étroitement
liée aux origines sociales. Une interrogation sur les modalités de
la sélection puisque, dans le système actuel, elles n’engendrent pas
des réussites différenciées vécues positivement, mais le développement,
chez la majorité des élèves, de sentiments d’échec et de frustration.
- Une interrogation sur la crise de confiance de l’opinion envers l’école,
une opinion qui, en attendant trop du système éducatif, tend à le rendre
responsable de tous les problèmes de la société.
- Intensification des relations internationales, mutations scientifiques
et techniques, changement des structures productives, transformation des
modes de vie. D’où l’apparition, à l’égard du système éducatif,
de nouvelles demandes sociales.
- Dans cette perspective historique, l’objectif de faire accéder à
la fin du siècle 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat
se situe dans la continuation logique de l’évolution du système éducatif
depuis la seconde guerre mondiale..
En un siècle, cet immense effort a arraché à l’analphabétisme le
dernier tiers de la population française et, en l’absence de mesures
nouvelles, est en train d’amener à la fin des études secondaires
de l’ordre de la moitié de chaque génération. Une réussite dont le
mérite revient très largement aux générations successives d’enseignants.
Ainsi, un enseignement de masse du second degré soulève encore des questions
que le système éducatif ne sait pas résoudre. D’où ce constat
inquiétant : la plupart des réformes du système éducatif ont été
décidées sans que les conséquences en termes de personnels, de moyens,
de pédagogie, de contenu, d’organisation aient été appréciés.
Dans tous les pays développés, le devenir du système éducatif est au
centre des préoccupations de la société.
Des problèmes généraux qui portent sur la réalité de la contribution
de l’enseignement au développement économique, sur le rôle des diplômes,
sur l’influence des technologies de l’information, et des problèmes
spécifiques relatifs à l’enseignement obligatoire (comment répondre
aux besoins du groupe important des élèves qui ne tirent guère profit des
longues années passées en classe ?
- Contrairement
aux attentes, l’allongement de la scolarité obligatoire semble avoir
freiné la mobilité sociale et accentué l’avantage comparatif initial
des milieux socialement favorisés ; les offreurs d’emplois recherchant
de plus en plus des individus responsables, autonomes, créateurs et adaptables
et s’intéressant par conséquent à des comportements qui ne sont pas
nécessairement liés au nombre d’années d’études.
- L’objectif de la
formation tient en deux exigences complémentaires : 1-
Donner en amont au plus grand nombre d’individus des compétences
leur permettant de s’adapter et de créer eux-mêmes leur environnement
d’emploi en desserrant les contraintes des transformations de l’appareil
économique. 2-Aider à en aval chacun à exercer en
véritable professionnel les postes successifs de sa carrière et à démarrer
avec une formation compatible avec l’évolution prévisible du
marché du travail sur quelques années.
-
Il faut s’interroger sur le contenu du parcours scolaire et professionnel
qui permettrait à chacun de tirer, en terme de compétence, le meilleur parti
de ses potentialités. Avec la recherche
par les entreprises, et peut-être par les administrations, d’individus
ayant une double caractéristique : des comportements se traduisant
par l’acceptation de responsabilités, par la capacité de travail en
groupe, par l’autonomie et l’adaptabilité, des savoirs et des
savoirs-faire permettant d’être de véritables professionnels.
Une amélioration de la formation générale des jeunes mais moins pour
élever les connaissances elles-mêmes que pour développer les attitudes
et les aptitudes souhaitables.
Une formation professionnelle pour faciliter l’accès au premier
emploi, mais plus cette formation professionnelle sera spécialisée, plus
elle sera fragile.
Une formation continuée, c’est-à-dire reprise au cours de
la vie, qui accompagne l’individu dans son développement professionnel
et personnel.
Le problème central, très difficile à résoudre dans les années
à venir, est celui de l’acquisition d’une culture par des jeunes
peu aptes à recevoir un enseignement abstrait à l’école mais capables
d’acquérir des savoirs-faire. L’évolution de la famille car
la crise de l’autorité atteint à la fois les enseignants et les parents
tandis que le changement du mode de vie et du statut social des adolescents
fait de ceux-ci des partenaires actifs dans la relation école - famille. Mais
il y'a risque d’apparition d’une société duale avec un clivage
croissant entre une large couche moyenne et une minorité d’exclus
enfermés dans un cumul d’inégalités, un risque qui contraindra le
système éducatif à un effort particulier de socialisation des enfants
du quart monde et de formation des populations menacées d’exclusion
économique. Ainsi il faut développer des pratiques d’exigences
non sélectives permettant de mieux prendre ne compte la diversité des
élèves, celle provenant notamment de leurs origines sociales ?
Les finalités : l’enseignement secondaire considère
actuellement comme mission principale de porter le plus grand nombre d’élèves
au terme du cycle long et il juge secondaire sa mission de préparation
à la vie active alors que la majorité des jeunes entrent dans la vie active
au cours ou au terme des études secondaires.
Le problème des collèges reste entier, car n’ont joué effectivement
le jeu de la rénovation qu’une petite minorité d’établissements
et d’enseignants. Il faut être convaincu qu’une réponse satisfaisante
aux problèmes soulevés par l’hétérogénéité de la population scolaire
des collèges demandera des efforts et de la constance. L’une
des conditions à remplir est évidemment la constitution de véritables
équipes pédagogiques au sein des établissements. L’étape du collège
pose aussi le problème du traitement de la fraction des enfants rebelles
à l’institution scolaire.
En dépit de l’apparence d’un fonctionnement général plus satisfaisant
(qu’explique la plus grande homogénéité des élèves grâce à la sélection)
l’enseignement général est porteur de difficultés qui vont s’intensifier
avec le temps. C’est là que les conflits nés de l’explosion
des savoirs sont les plus violents : des conflits qu’aggravent
le rôle pervers des mathématiques et l’insuffisance de concertation
pédagogique entre les professeurs. Avec pour résultat une incohérence
croissante des études, un laminage du travail personnel des élèves, une
stagnation du nombre des bacheliers ayant un minimum de formation scientifique.
Quant à l’enseignement technique et professionnel,
il est fortement marqué par une histoire qui en a fait longtemps le parent
pauvre de l'Education nationale. Or l’analyse des évolutions
futures montre l’énorme responsabilité qui sera la sienne dans la
prochaine décennie.
- Aucun changement durable du système éducatif n’est possible si
les enseignants ne sont pas placés dans des conditions leur permettant
de devenir les moteurs de ce changement. L’enseignant :
un individu ayant des marges d’initiatives réelles et décidé à en
tirer parti tant dans l’exercice personnel de son métier que comme
membre de l’équipe pédagogique de son établissement. Un individu
prêt à reconnaître que l’exercice de tout métier suppose une évaluation
des performances tant personnelles que collectives et qui admet que des
conséquences puissent en être tirées.
Or, force est de constater que l’on est actuellement loin du compte
puisque les règles et les pratiques de l’Education nationale
mettent souvent les enseignants dans des situations infantilisantes et
renforcent chez eux les attitudes de défense et de repli, en dépit de
leur dévouement, de leur compétence professionnelle et de leurs préoccupations
pour les élèves.
Naturellement, la contrepartie naturelle de l’autonomie doit être
une évaluation périodique objective des résultats obtenus par les établissements
et tenant compte des caractéristiques initiales de leurs populations d’élèves.
L’objectif des 80 % est général dans son principe. Il se propose
de répondre par un allongement de la scolarité à la formidable demande
des compétences qui se développe dans la société française, mais
le problème est infiniment plus complexe qu’il ne paraît, car une
amélioration de la compétence ne résulte pas automatiquement de n’importe
quel allongement de la formation initiale.
Est-il possible d’amener 80 % d’une classe d’âge
au niveau du Bac tant qu’une fraction
aussi importante des élèves sortira de l’enseignement
élémentaire sans avoir maîtrisé la lecture, que le collège continuera
à être un nœud de problèmes non résolus, qu’aucun projet éducatif
cohérent n’aura été élaboré quant aux modalités d’acquisition
d’une culture par les jeunes dont la scolarité serait prolongée,
des jeunes peu aptes à recevoir un enseignement abstrait à l’école,
mais capables d’acquérir des savoir-faire ?
L’opération des 80 % tournera à la catastrophe si les jeunes sont
insérés dans un système qui n’est pas préparé à les recevoir. Il
faut donc réfléchir, expérimenter, évaluer les résultats, procéder par
étapes. Comment traiter l’hétérogénéité des populations scolaires
en évitant toute sélection prématurée, définitive et sur critères étroits ?
La solution est à chercher, semble-t-il, dans la multiplication des passerelles,
l’octroi de secondes chances, l’accroissement de l’autonomie
des établissements.
- Il est important de
ne pas figer l’avenir du système éducatif mais de lui permettre d’évoluer
progressivement par un mélange d’élargissement de jeux des acteurs,
de planification souple et de correction des erreurs par évaluation permanente.
Mais rien ne se fera sans la confiance des enseignants...elle ne sera
pas accordée facilement. Or, les demandes sociales ne se limitent pas
à la transmission de savoir. Les acteurs extérieurs doivent s’habituer
à devenir des partenaires de l’école sur des projets précis qu’il
s’agisse de formation en alternance, de modules d’adaptation
à l’emploi, d’insertion professionnelle des jeunes en difficulté.
- Les relations avec les
parents doivent s’intensifier mais sans qu’il y ait confusion
des responsabilités. De même, l’avis des élèves et des étudiants
doit être mieux pris en compte, mais il doit être transmis par des intermédiaires
n’appartenant pas à la hiérarchie.
- D’un côté, les
jeunes semblent au centre de notre société. Ils accèdent très tôt à la
liberté individuelle des adultes et, dans de nombreux domaines, développent
des formes culturelles qui leur sont propres. Les hommes publics les courtisent
pour leurs actes, les entreprises les recherchent pour leurs consommations…
Pourtant, simultanément, ils sont rejetés plus que jamais à la marge du
corps social. Leur statut scolaire ne s’est guère modifié depuis
un quart de siècle. Le marché du travail fonctionne à leur désavantage
et ils se retrouvent pendant des années, sans vision professionnelle construite,
à la fois libres et dépendants de leur famille, à la fois désœuvrés
et pleins de possibilités de création… Il reste que le système éducatif
est un lieu de conflits. Notamment entre des familles qui veulent assurer
à leurs enfants une meilleure position relative dans la société future.
Tant que l’économie fonctionnait en situation de plein emploi,
le système éducatif pouvait se désintéresser largement des débouchés et
observer tranquillement la stratégie qui, selon leur catégorie socio-professionnelle,
luttaient avec plus ou moins de pugnacité pour faire accéder leurs enfants,
par des diplômes, aux segments privilégiés du marché du travail. Il n’en
est plus de même aujourd’hui. Le marché du travail ne cesse d’étendre
son emprise sur le système éducatif. Il oriente le choix des élèves. Il
conditionne les politiques des parents. Il préoccupe les enseignants.
Placés dans un système scolaire qu’ils jugent : « hiérarchisé,
rigide en infantilisant », plutôt désenchantés, les enseignants exploitent
de manières diverses leurs marges de liberté, prenant une distance plus
ou moins grande à l’égard des règles et s’impliquant envers
et contre tout dans leur métier ou recherchant ailleurs des compensations
dont ils éprouvent le besoin. A la fois insatisfaits du présent et méfiants
à l’égard de la moindre réforme.
- Les Elèves ? usagers
et bénéficiaires du système scolaire, ils en sont aussi les meilleurs
défenseurs ; il croient à l’école et à son efficacité.
- De leur côté, les parents
semblent développer leur stratégie sur un double plan : d’une
part, dépassés par l’autonomie des jeunes, ils demandent à l’école
d’exercer une autorité qu’eux-mêmes n’arrivent plus à donner :
et d’autre part, ils s’efforcent, en fonction de leurs informations
et de leurs propres aspirations, d’exploiter au mieux le système
dans l’intérêt de leurs enfants. D’où le refus d’une fraction
croissante des parents de laisser l'école déterminer le devenir de leurs
enfants.
- Un grand changement
est en cours : persuadée que son efficacité future dépendra des hommes
qu‘elle emploiera, l’entreprise accepte le dialogue avec
un système éducatif plus préoccupé qu’hier par le devenir professionnel
de ses élèves. Le développement de l‘école n’a été possible
que parce qu’il a été porté par des générations successives convaincues
que l’école était le creuset où s‘élaborait la société future,
où se préparait le progrès technique du lendemain, où s’amorçaient
des changements radicaux dans les rapports sociaux.
- Le système éducatif
sous-estime fortement la responsabilité qui est la sienne, d’évaluer
en permanence ses résultats et de se fonder sur ces évaluations pour adapter
son fonctionnement. La plupart des réformes du système éducatif ont été
décidées et mises en œuvre sans que les conséquences en terme
de personnels, de moyens, de pédagogie, de contenu, d’organisation
aient été anticipées, sans qu’un échéancier des actions à mener ait
été construit. De plus, même si elles ont répondu parfois à des propositions
venant du terrain, ces réformes ont presque toujours été imposées centralement
et n’ont guère consisté à soutenir et à diffuser les initiatives
locales réussies.
- Au cours du dernier
quart de siècle, le système s’est certes donné de grands objectifs
mais il a apporté la preuve de son incapacité à gérer harmonieusement
le changement et il est encore marqué de ce fait par un lourd héritage
de problèmes.
- Pour lutter contre ce
qu’ils percevaient comme une dégradation du système et pour réduire
l’hétérogénéité des classes, ils se sont efforcés, par la sélection,
de créer des zones à haut potentiel qui ont attiré les mieux informés
et les plus pugnaces.
- La crise de l’autorité
atteint à la fois les enseignants et les parents, et marque profondément
les rapports qui s’établissent entre eux. Au lieu de reconnaître
qu’ils ont à faire face à un problème commun, les deux groupes ont
parfois tendance à se rejeter l’on sur l’autre la responsabilité
de la situation, les parents devenant le bouc émissaire des enseignants
et les enseignants le bouc émissaire des parents. Certains des parents
veulent se rapprocher de l’école soit pour l’influencer, soit
pour en obtenir de l’aide, tandis que de nombreux enseignants émettent
des réserves quant à l’entrée des parents sur leur domaine professionnel.
L’école n’a pas seulement pour finalités d’enseigner
et d’éduquer : elle doit aussi socialiser. Le professeur
qui se perçoit comme un transmetteur de savoir n’aura sans doute
pas à ce sujet la même attitude que celui qui conçoit comme un éducateur.
On peut se demander si l’école ne devra pas ajouter une dimension
collective à cette socialisation, les élèves faisant à l’école l’expérience
concrète de la coopération et du partage entre groupes et recevant la
possibilité de s'exprimer collectivement sur ce qu’ils vivent en
commun dans leur vie scolaire.
- Il n’en reste pas
moins que la capacité d’autonomie, qui permettra l’accès au
savoir et à l’information, sera, d’ici la fin du siècle, un
facteur essentiel dans la vie au travail et hors du travail . La corrélation
qui existe entre réussite scolaire et origine sociale (à partir de difficultés
initiales indéniables) les inégalités socioculturelles se cristallisent
très vite en des échecs scolaires quasi irréversibles. Mais comment peut-on,
dans l’avenir, indépendamment même de toute considération d’éthique
collective, tenter de répondre à la formidable demande de compétence qui
est en train de naître si l’enseignement primaire ne réussit pas
à améliorer ses performances à l’égard des enfants des groupes sociaux
les plus nombreux ?
Ainsi l’échec scolaire, avec ses deux aspects complémentaires :
l’enfant rejette l’école et l’école le marginalise, atteint
plus ou moins profondément une fraction notable de la population
d’élèves de l’enseignement primaire. Par son caractère cumulatif
et irréversible, par sa répartition géographique et sociale inégalitaire,
il porte en lui le risque de voir s’instaurer un système d’école
duale.
Le constat a amplement été fait il y a quelques années. Ne suffit-il
pas de relire le diagnostic proposé par Mr Legrand en 1982 (pour un collège
démocratique, Paris. La Documentation française, 1982)
- La population accueillie
dans les collèges est extrêmement diverse tant en ce qui concerne
les performances (lire, écrire, compter, raisonner) qu’en ce qui
concerne les cultures et les attentes. Il en résulte un grand désarroi
chez les maîtres confrontés à cette hétérogénéité. En effet; les
différents partenaires, maîtres et élèves sont isolés. La juxtaposition
des disciplines, la structure en divisions isolées, l’absence de
véritable vie communautaire entraînent des réactions négatives allant
de l’ennui à l’agressivité. L’enseignement est essentiellement
intellectuel et verbal à un âge où les élèves préadolescents et adolescents
ont besoin d’agir, de s’exprimer et de vivre en communauté.
- Confronté à la complexité
de ses finalités et à l’hétérogénéité de ses élèves, responsable
de décisions qui conditionneront l’avenir de nombreux enfants, un
collège ne peut espérer atteindre ses objectifs que si la collectivité
des enseignants, sous l'autorité du principal, arrête une stratégie et
la met en œuvre. Mais cela suppose bien des conditions à remplir :
la fin des querelles corporatistes qui ont opposé, au sein des collèges,
les groupes d’enseignants ; le renforcement des moyens mis à
la disposition des chefs d’établissement ; l’encouragement
à la mise sur pied par des équipes enseignantes de projets pédagogiques,
le développement de procédures d’évaluation de chaque établissement,
l’acceptation par l’administration de la diversité des
stratégies (pour autant que des résultats satisfaisants soient atteints) ;
la diffusion à tous les établissements d’informations sur les
expériences réussies sans que l’échelon central impose un modèle
unique.
- Ne faut-il pas redonner
la priorité au travail des élèves ? En effet, dans la situation actuelle,
beaucoup de lycéens ne croient plus en la possibilité d’améliorer
leur propre situation par leurs efforts personnels, au prix de leur seul
travail. Ce qui est compromis est beaucoup plus grave que tel ou tel projet
d’avenir : c’est la possibilité même d’un projet.
- Il faut dans une proportion
raisonnable, à la fois personnaliser les études et proposer des activités
plus intégratrices. Cela suppose un effort considérable de recherche et
de formation, largement décentralisé, soutenu par l’action des mouvements
pédagogiques, irriguant l’ensemble des établissements et par priorité
ceux qui engagent des innovations. Elle suppose une initiative accrue
des lycées dans le cadre de l’autonomie pédagogique qui leur est
reconnue, avec des projets d’établissement et un réseau qui permette
l’approfondissement et le suivi de ces projets.
- Si l’enseignement
technique et professionnel est à l’honneur dans les discours, il
continue à être en pratique le parent pauvre de l’Education nationale.
L’idéal ne serait-il pas une situation où chaque élève développerait
au maximum sa personnalité grâce à un parcours qui tiendrait compte de
son évolution psychologique et de la nature de ses aptitudes, l’entrée
dans la vie active n’excluant pas un retour vers l’école et
l’école étant capable de maîtriser des formations en alternance ?
Oui, mais à chaque niveau, l’institution scolaire ne
s’adresse qu’au petit nombre qu’elle sélectionne et non
à ceux qu’elle rejette dans des filières moins prestigieuses.
- Le métier d’enseignant
s’est considérablement transformé depuis quelque vingt ans. Pour
une double raison. D’un côté, la place des savoirs transmis a cessé
d’être stable, leur réception par les élèves, les familles, la société
et le jugement porté sur leur utilité, devenant de plus en plus relatif
et aléatoire, en raison de l’ouverture à de nouveaux milieux et de
la concurrence de nouvelles offres d’information, d’expérience,
de valeurs. Reste enfin la réponse aux sollicitations des élèves, car
on enregistre des demandes nouvelles de la part d’un nombre croissant
d’élèves.
- L’objectif des
80 % d’une classe d’âge au niveau du Bac part d’un raisonnement
simple : en allongeant la scolarité obligatoire d’une fraction
importante des enfants de chaque génération, on améliorera leur formation,
ce qui accroîtra la compétitivité de la société française et permettra
d’augmenter les rémunérations et de résorber le chômage.Mais Est-il
possible d’amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du
Bac tant qu’une fraction aussi importante des élèves sortira de l’enseignement
élémentaire sans avoir maîtrisé la lecture, que le collège continuera
à être un nœud de problèmes non résolus, qu’aucune vision cohérente
n’encadrera le devenir de l’enseignement technique et professionnel ?
-
|