RAPPEL DU SUJET
" On a pas mal de gens dans la famille qui étaient dans lenseignement, ce qui fait que quand le moment est venu de faire entrer les gamins au collège, on a pris un certain nombre de renseignements. On navait pas da priori, mais on nous a conseillé déviter certains collèges "
A partir de ce propos recueilli par Sylvain Broccholini (Université Paris V) dans larticle " Inquiétudes parentales et sens des migrations délèves ", publié dans le dossier " Les Familles et lÉcole ", dégager les responsabilités éducatives des familles des élèves et leur articulation partenariale avec les missions de lécole.
INTRODUCTION
La loi reconnaît la responsabilité éducative des familles
Lécole a pour finalité léducation des enfants à un double titre. Au nom de lÉtat, elle se propose la continuation sociale, au nom des familles, elle reçoit délégation pour dispenser linstruction et léducation qui ressortissaient, aux origines de leur responsabilité exclusive. Dés que la société sorganise, linstitution scolaire se substitue aux particularismes des familles afin dassurer léducation des " citoyens ".
Pour autant, la famille nest pas déchargée dune part de cette responsabilité éducative.
Aux origines de lécole de la République suivant lexemple spartiate, les constituants imaginèrent de soustraire, par souci dégalité, tous les enfants à linfluence familiale. Heureusement sans doute aucune loi ne vint retirer aux parents ce droit sacré dassurer la responsabilité éducative de leur descendance.
Lappareil actuel des textes sur la famille et sur la protection de lenfant donne son cadre légal à ce droit qui est aussi une obligation parentale.
La Loi dorientation du 10 Juillet 1989 précise dans quelles conditions sorganise le partenariat entre lécole et la famille pour la mise en uvre de cette responsabilité partagée :
Chapitre III ; Article 11 : " Les parents sont membres de la communauté éducative. "
Leur participation à la vie scolaire et le dialogue avec les enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque école et dans chaque établissement.
Les parents participent par leurs représentants aux conseils décoles, aux conseils dadministration des établissements scolaires et aux conseils de classe. "
Il ne suffit pas toutefois dun texte de loi pour que lapplication du principe se fasse spontanément. En fonction de son autonomie, garantie par la liberté de croyance et de pensée les familles sont plus ou moins impliquées dans léducation de leurs enfants, tout au moins, leur culture peut-elle les conduire à des modalités éducatives plus ou moins éloignées du modèle scolaire national.
Dès linstant où lon admet que les conditions éducatives sont inégales dune famille à lautre, on est tenu dadmettre que lécole renvoie le reflet des inégalités sociales.
Il convient, dès lors que linstitution scolaire soit dans lenjeu dégalité républicaine, lun des outils du rétablissement de léquité ; sans doute même le lieu privilégié où, dans la perspective dune société toujours plus diversifiée se tissent les liens de la nation à venir. Cest cette dialectique entre lidentité propre de chaque famille et lunité des visées nationales que lécole doit organiser.
DÉVELOPPEMENT
A) LE SOUCI ÉDUCATIF DES FAMILLES
Lintérêt des familles pour lécole est massif. Chaque individu est passé par lécole et peut porter sur elle, en fonction de ses propres expériences, un jugement, plus ou moins objectif. Tous les parents délèves, tous les grands parents ont dabord été des élèves. Par ailleurs, lÉducation Nationale emploie environ un million et demi de fonctionnaires. Si lon ajoute les retraités, ce chiffre dépasse de beaucoup celui des agriculteurs par exemple et sapproche de celui des chômeurs, on veut dire par là quil est dans le débat politique et social une force dimprégnation de lopinion publique, dautant que le corps enseignant procure beaucoup délus. Chaque français se veut donc expert en dispositif scolaire.
De plus, les parents confient à lécole lénorme charge affective de leur progéniture ; on comprend alors que les débats autour de linstitution soient passionnés.
Pour la Nation, on la dit, lécole doit maintenir un haut niveau de formation et de qualification de la population, qui garantit les ressources économiques et reconstruire chaque jour lesprit civique, ciment de lunité.
Chaque famille sinscrit individuellement dans ce schéma. Chacune veut trouver dans lécole le moyen pour ses enfants de pérenniser et daccroître sa supériorité sociale, ou de corriger par leffet de la promotion scolaire un statut précaire. Chacune veut que lélève ressorte de la classe nanti dune valeur ajoutée.
Mais, bien sûr, en fonction de sa prétention dexpertise, chacune souhaite dire à linstitution quelle forme individuelle doit revêtir cette plus value. Les familles, dans un monde où la compétition fait reculer la valeur dÉgalité, nacceptent plus que le pédagogue soit le seul à déterminer les modalités des parcours et des succès scolaires. Une pédagogie familiale, à la fois associée et concurrente de celle de lécole se développe, elle est sous tendue par des enjeux économiques considérables et fait de la question scolaire un thème central de la vie des familles : une enquête réalisée à Nancy en 1986 auprès de parents délèves de 14 à 16 ans indique que 33 % des conflits familiaux en découlent. Lécole constitue le premier objet des échanges familiaux.
Fréquemment, le lieu de résidence de la famille est commandé par la proximité de lécole et lemploi du temps familial en est toujours affecté. Plus de 25 % des adolescents reçoivent des cours particuliers.
Il est donc sans doute faux de dire que les familles se désintéressent de léducation de leurs enfants et abandonnent la totalité de cette responsabilité à lécole. En tous cas cette affirmation qui revient assez souvent dans lapproche des enseignants et quon retrouve dans lévaluation actuellement en cours du fonctionnement des collèges doit être nuancée. Le succès croissant des publications destinées aux familles pour favoriser la réussite scolaire des enfants le démontre.
Dans le même temps où cet engouement ancien pour lécole se confirme dans le public, les familles de toutes conditions se voient à la fois mobiliser par les possibilités émancipatrices quoffre la scolarisation et placées devant les limites de leur capacité à intervenir dans un processus dont la part essentielle leur échappe (orientation, harmonisation des rôles éducatifs, reconnaissance de parcours éducatifs favorisant la réussite, stratégies de choix détablissements, temps et ressources consacrés à la scolarité).
Pour toutes ces problématiques, lensemble des parents est supposé être représenté par des délégués élus mandataires de leurs intérêts. En réalité, comme pour tous les dispositifs de masse, la bureaucratie joue et, dans les associations, la pérennité de leurs membres aidant, le positionnement dogmatique simpose au détriment dune représentation plus exacte de lopinion des mandants sur le terrain local. Les collusions dintérêts avec les enseignants, assez fréquemment eux mêmes parents et délégués, font perdre le sens de la participation des familles à ladministration et la vie pédagogique des établissements que leur présence aux conseil dadministration et aux conseils de classe devrait pourtant permettre.
Comme toutes les organisations complexes, lécole tend donc à sadministrer à huis clos pour se mettre à labri de la critique. Aussi la participation aux élections de délégués ne dépasse jamais 33 % et la présence dans les instances est inférieure à ce chiffre. Pour autant, en dehors des circuits officiels, des individus savent anticiper les bons enjeux, reconnaître les cursus qui méritent dêtre suivi. Cest le cas bien entendu des familles les plus favorisées et dans lesquelles les parents ont reçu eux-mêmes un haut niveau de formation. Ces dysfonctionnements, dont le système saccommode constituent pourtant une grave dérive au regard des valeurs déquité véhiculées par lécole. En effet une part importante de familles démunies sont en situation de ne pas user de leurs droits scolaires pour des raisons qui tiennent à leur précarité même, ce que linstitution publique ne saurait tolérer.
Ainsi, la population toute entière est mobilisée autour de son école, celle-ci dans le contexte durable dune transformation sociale rapide ouvre officiellement les voies mal exploitées du partenariat éducatif avec les familles. Cependant, la précarité sociale met hors jeu un nombre important de parents, sans que pour autant les familles les plus aisées profitent mieux dun dispositif massif quil convient dadapter.
B) LES FAMILLES EN SITUATION INÉGALITAIRE DEVANT LÉCOLE
Sans éluder linégalité géographique de répartition des établissements sur le territoire national qui na guère sa place ici, il faut convenir que lécole porte en elle le reflet moins acceptable encore de linégalité sociale.
Il nest pas question de dire ici que lécole naide pas au succès et à la promotion sociale des catégories défavorisées, pas plus quil nest question décrire que lécole ne se préoccupe que des élèves socialement privilégiés ni quelle assure leur succès quelles que soient leurs capacités personnelles.
Il faut cependant constater avec " LÉtat de lÉcole " que les enfants de cadres obtiennent le baccalauréat dans une proportion de 95 % alors que les enfants douvriers ne parviennent quau taux de 65 %. Même si depuis 1985 la première catégorie stagne, comment faire mieux, au sommet et si le score de la deuxième a doublé, cette disparité est criante.
Dans son ouvrage " LÉcole devant la grande pauvreté " Claude PAIR décrit dans un texte éprouvant lenracinement de familles de plus en plus nombreuses dans une pauvreté chronique.
Cette indigence a pour les enfants des familles pauvres une double conséquence.
Lenfant, assailli par les problèmes familiaux dont il doit gérer sa part, perd beaucoup de sa capacité à se concentrer sur son travail scolaire.
La famille qui sautocensure, approche peu les enseignants, repérés comme vivant dans un monde inaccessible.
Le résultat fréquent est le manque dambition scolaire de lélève qui assorti de son médiocre environnement culturel conduit au confinement dans des sections sans réel débouché dorientation. Dans louvrage de CL. PAIR, le cri des mères qui se désolent est poignant. Les parents veulent pour leurs enfants le succès scolaire quils nont pas connu. Mais ils rencontrent peu les enseignants qui souvent les distancient avec hauteur et refusent de reconnaître leur volonté réelle de progrès. Ils attendent de ces derniers, avec de rares échos, des conseils pour un meilleur pilotage scolaire de leur progéniture.
Il serait trop simple de décrire à contrario, et dailleurs, létude ethnographique manque, les attentions scolaires des familles des catégories sociales favorisées. Les mères dit Jean-Pierre TERRAILl de lUniversité de ST Quentin en Yvelines font réciter les leçons en milieu ouvrier et contrôlent le travail écrit chez les cadres, les pères participent peu dans le premier cas mais peuvent assister lélève dans 56 % des cas au maximum dans la deuxième catégorie. Il ajoute que les élèves qui parlent le plus facilement de la vie au collège avec leurs parents et ceux dont les résultats sont les plus suivis sont aussi ceux dont lambition scolaire est la plus grande.
Il faut dire aussi que le déterminisme familial nest pas non plus, et cest heureux une valeur absolue. Beaucoup denfants de familles modestes continuent à trouver dans le succès scolaire le moyen de leur promotion. Les conditions de cette réussite ont été identifiées par JP POURTOIS et Huguette DESMET de lUniversité de MONS et BRUXELLES :
Lenfant doit avoir de bonnes potentialités intellectuelles, être lucide par rapport à sa précarité et conforme socialement.
Il a rencontré en famille moins de situations traumatisantes que lenfant en échec et ses parents accordent de limportance aux études.
Les enseignants croient en ses capacités et en ses mérites et formulent pour lui des projets de haut niveau.
On perçoit bien alors que la difficulté des élèves issus de familles défavorisées est double. Comme tout élève, il doit avoir des capacités personnelles et une motivation pour létude. Or les contraintes matérielles de son environnement familial rendent plus difficile la mise en uvre de ces capacités.
La famille elle-même doit être suffisamment porteuse de ces potentialités. Or, les parents participent plus volontiers à la vie de lécole sils sattribuent quelque degré de compétence pédagogique et sils ne redoutent pas dêtre encore dévalués par lapproche denseignants placés à une distance sociale trop grande.
Mais, cette difficulté à communiquer peut être compensée par lattitude denseignants qui sont plus favorables aux contacts avec les familles les moins contestataires de leur pratique pédagogique.
Pour les familles les plus démunies surtout, qui devraient être les mieux aidées, lécole reste donc un lieu complexe où comme dans les autres institutions publiques (hôpital, services sociaux) les acteurs multiples sont difficiles à coordonner. De cette opacité résulte une grave perte de confiance, Les milieux populaires doutent de lefficacité promotionnelle de lécole et suspectent les enseignants de leur être hostiles ou tout au moins indifférents, inaptes à percevoir leur réelle volonté de progrès pour leurs enfants.
Ce doute provoque à lintérieur même de lécole des désordres préoccupants dont les plus évidents sont la surprotection de lenfant contre les règles de linstitution, la violence, labsentéisme, lévitement de établissements.
Claude PAIR cite " derrière un père qui frappe du poing sur la table ou une mère qui vous semble hostile, il y a souvent simplement un être humain profondément blessé espérant que vous allez prendre en compte son aspiration pour ses enfants on se met en colère lorsquun professeur écrit sur le bulletin : votre fils est un boulet quil nous faudra tirer ".
Labsentéisme révèle encore plus la perte de sacralité de lécole. Cest un phénomène fréquent en milieu urbain ou plus de 30 % des élèves arrivant en fin de collège ont déjà " séché " des cours par opposition au système ou à lenseignant ; il existe un lien démontré entre absentéisme, usage dalcool et usage de tabac et de drogue. Le phénomène sétend à lécole primaire. Les familles ne réagissent plus guère aux mesures administratives de rétorsion. Au contraire, elles couvrent les absences par des certificats médicaux et invectivent linstitution perçue comme incapable de motiver les élèves.
La tentative dévitement concerne les parents les plus favorisés qui souhaitent soustraire leurs enfants à létablissement de leur secteur de recrutement. Curieusement en effet, lécole égalitaire de la République autorise, dans le cadre de lassouplissement de la carte scolaire les choix détablissement. il est clair quaboutissent surtout dans cette ségrégation les stratégies des parents les mieux informés et pécunièrement les mieux armés. Les autres nont dautre solution que daccepter laffectation dans le collège de leur secteur pour de simples raisons comme la proximité ou léloignement. il sensuit une course aux dérogations daffectation qui complique le travail des équipes de direction mais nest pas toujours assez dénoncée par les établissements les plus recherchés, lesquels puisent dans cette ségrégation une réputation surfaite.
Bien entendu, ce système contribue à discréditer lécole auprès des familles les plus modestes et à jeter dans leur esprit le doute sur léquité des procédures dorientation et daffectation. En effet, leur résignation à accepter la scolarisation de leurs enfants dans un établissement peu considéré ne signifie pas quils approuvent le déséquilibre social qui en découle entre les établissements.
Certes, le service public de lÉducation Nationale constitue un réseau homogène détablissements dotés de professeurs compétents et qui ont su accueillir quantitativement des effectifs en forte hausse du fait de la prolongation et de la généralisation démocratique de la scolarité. Certes, les indicateurs le disent, " le niveau monte ", cependant, la diversification sociale, la ségrégation, surtout urbaine et péri urbaine de la population créent entre les établissements des inégalités tout à fait contraires aux valeurs qui sous tendent leurs missions.
Une démarche véritablement équitable de qualité doit être entreprise. Les familles sont au centre de cette amélioration, en permanence à lordre du jour, du fonctionnement de lécole.
C) POUR UNE ÉCOLE PLUS ÉQUITABLE
Lopinion prétend que lÉducation Nationale est en perpétuelle réforme. Comment pourrait-il en être autrement si lécole veut rester en cohérence avec son époque animée dune effervescence permanente. Il ne se passe donc aucune année, aucune législature, a fortiori aucun mandat ministériel sans réflexion, publication, mise en uvre de modalités propres à améliorer le fonctionnement du système en allégeant si possible la complexité des structures.
La première réponse à apporter aux familles est dabord, en effet, celle de la lisibilité du système éducatif et de son fonctionnement. Les parents se disent déroutés par le foisonnement des situations, par exemple en matière dorientation. Ce domaine est révélateur des difficultés de communication entre lécole et son public. LONISEP multiplie les brochures, les conseillers dorientation les commentent dans les classes, les chefs détablissement organisent des rencontres, les professeurs principaux négocient avec les familles. Et pourtant, celles-ci se disent mal informées, fourvoyées, " désorientées ". Il nest pourtant pas plus difficile de se repérer dans les publications de lONISEP que dans les catalogues de vente par correspondance. Mais il faut croire que les familles ont compris que ceux qui réussissent bien en classe nont pas besoin de se préoccuper de leur orientation et quêtre appelé à se prononcer sur un cursus négocié, cest déjà cautionner linstitution dans sa gestion de léchec.
Communiquer, cest dabord reconnaître. " exclure, dit Claude PAIR, cest dabord ne pas connaître ! " On a vu combien la pauvreté pouvait être un obstacle dans la communication entre la famille et les enseignants. Or, cette communication est la condition nécessaire à la mise en relation de lenfant dans sa famille avec lélève dans sa classe. A défaut, comment prétendre souder toutes les parties de lindividu ?
Si la pauvreté est déjà un obstacle majeur, comment dominer les incompréhensions quand elle se complique de facteurs aggravants ? La présence dune mère seule au foyer, labsence de domicile fixe, un handicap lourd dans la cellule familiale et surtout, phénomène appelé à prendre de lampleur et que peu de textes évoquent par souci de tolérance et de neutralité, lappartenance à une ethnie et à une culture mal acceptée.
Dans le cadre de la modernisation des services de lÉtat, la Direction Générale de LAdministration et de la Fonction Publique a publié en 1997 une brochure " Réussir la Relation avec les Usagers " : on y repère que lusager citoyen est exigeant, que laccueil est le fer de lance des services publics dans leur démarche de qualité.
Les auteurs conseillent doptimaliser les relations par une meilleure écoute, par une information plus adaptée, par une aide à laccomplissement des formalités, par un souci constant de médiation et enfin par une acceptation des situations particulières, dont la situation des personnes dorigine étrangère, présentant notamment des difficultés de maîtrise de la langue française.
Cest sans doute dans ce cadre que le Ministère de lÉducation Nationale a diligenté en 1998 une enquête de linspection générale conclue par un rapport de LIGEN Gérard POURCHET sur laccueil des élèves dans les établissements. Ce rapport incite à une meilleure compréhension de la culture familiale des élèves.
On peut comprendre en effet que les rencontres entre parents et enseignants, quelles soient collectives ou individuelles offrent une voie dintégration aux parents issus de limmigration et aux parents exclus en leur donnant confiance dans ce qui est fait par lécole ; on pense notamment ici aux relations croisées entre les équipes éducatives et la famille relativement à labsentéisme et aussi à lamélioration en cours des outils et modalités dévaluation de lélève, à leur communication aux familles pour les doter dinformations accessibles sur les performances et compétences reconnues aux élèves. A ce titre, la notion de livret de compétence concurrence, au moins théoriquement, celle de bulletin trimestriel.
On voit bien que la prise en charge de lélève dans son individualité personnelle et culturelle, favorisée par lémergence des parcours scolaires diversifiés, passe par un nécessaire travail déquipe des acteurs de léducation, travail auquel les familles doivent être étroitement associées, ce qui suppose que beaucoup de résistances corporatistes tombent. Il ne sagit ici que de redire que chaque adolescent vivant sur le territoire national a droit à une instruction et à une éducation de qualité, donc dabord à lacceptation par linstitution de sa différence.
Sans cette reconnaissance, lexclusion continue de jouer et la construction dune société républicaine équitable et démocratique devient impossible.
Cet accueil individuel relève du jeu interactif entre les familles et lécole dans le cadre des structures scolaires existantes qui nont pas à être remises en cause pour faire jouer les stratégies complémentaires ou réciproques.
Cependant, dans son souci déquité sociale, la nation a mis en place, en plus des dispositifs énoncés, des structures propres à lutter contre les inégalités.
Lexemple le plus probant est celui des structures dintégration et dadaptation scolaires, destinées aux élèves affectés dun handicap médical ou social. Le fonctionnement de ces structures repose largement sur les complémentarités daccompagnement scolaire entre lécole et les familles souvent regroupées en associations.
Dans un article " lécole en quête déquité " publié dans le n° 1-99 de la revue " Administration et Éducation " Alain MICHEL, IGEN cite dautres exemples et dautres aspects non exhaustifs de cette " Politique Éducative à la recherche de léquité " :
Leffort exceptionnel de scolarisation précoce : dés les années 90, environ 99 % des enfants de trois ans étaient scolarisés.
La création de ZEP (zones dÉducation Prioritaire) en 1982, premier pas dans la voie dune discrimination positive
La mise en place de dispositifs daide et de soutien aux élèves en difficulté
Leffort pour réduire les redoublements coûteux et inefficaces.
La mise en place de projets détablissement, permettant de mieux sadapter aux réalités locales ;
Le développement, déjà cité dune nouvelle culture de lévaluation
On se croit donc en droit de prétendre ici que dans la conjoncture complexe dun enseignement de masse, fondé sur le souci de réduire les inégalités sociales, de favoriser la promotion générale et de dégager les élites, lÉducation Nationale poursuit ses efforts daccueil de tous les élèves dans lextrême diversité de leurs origines familiales. Elle a le souci dadapter lenseignement à chacun deux pour leur permettre de tirer le meilleur parti deux-mêmes et de faire quà leur tour ils soient suffisamment instruits pour fonder des familles citoyennes, cest à dire diverses mais concourant à la vie solidaire de la Nation indivisible.
CONCLUSION
Quinze millions délèves rejoignent chaque jour les écoles, les collèges et les lycées. Depuis la grande révolution et ses lois scolaires complétées par Guizot, par Ferry, amendées par toutes les républiques, la Nation a choisi de conduire chacun de ces élèves vers le plus grand succès personnel, tout en favorisant lélévation générale du niveau et en soudant autour des grands principes lunité de la République.
" Vaste Programme ".
Programme dautant plus ardu que la règle prioritaire de lécole est la valeur de laïcité, donc quéduquer massivement le citoyen nest le confondre dans la masse, mais au contraire, faire masse de ses diversités.
Voilà pourquoi, en France les familles ont moins quailleurs la maîtrise de lécole dont la finalité civique est incompatible de toute mainmise de groupes et communautés
Pour autant, les familles ne sont exclues ni de lécole ni de lappareil social qui veille à limiter les tiraillements entre les catégories et les groupes.
Simplement, la société prenant des formes de plus en diverses, les options individuelles et les aspirations de chacun prenant le pas sur lobjectif commun, il devient de plus en plus difficile malgré un effort constant dinvention et dadaptation de répondre par une institution commune axée sur des principes forts à des stratégies familiales de réussite sociale.
Cette difficulté daccord démontre une fois de plus combien lécole est le reflet dune nation qui balance entre tendances centrifuges et centripètes, entre intérêt général et privilèges familiaux.
BIBLIOGRAPHIE
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Revues.
Les dossiers de lÉducation et Formations.
. " Les familles et lécole : apports de la recherche, points de vue de praticiens ", séminaire DEP-IREDU, 1997, ministère de lÉducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, Direction de la programmation et du développement, n° 101, Paris, juin 1998.
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Divers.
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Rapport de lIGEN.
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