Théorie de l'enseignement, qui s'est imposée à partir du XIXesiècle comme science de l'éducation, ou didactique expérimentale, et s'interroge aujourd'hui sur les conditions de réception du savoir, sur le contenu et l'évaluation de celui-ci, sur le rôle de l'éducateur et de l'élève dans le processus éducatif et, plus globalement, sur les finalités de cet apprentissage, indissociable d'une norme sociale et culturelle.
Pédagogies traditionnelles : L'Antiquité concentrait la problématique
de l'éducation sur la formation générale de l'Homme et du citoyen (la paidéia),
privilégiée par rapport à la question de la transmission et du contenu des connaissances
au sens étroit du terme. Dans ce contexte, on considérait la dialectique et
la maïeutique, que Socrate mettait en pratique dans ses fameux dialogues, comme
des techniques capables de faire progresser le raisonnement et la connaissance.
Il en était de même pour Platon
et pour Aristote, pour lesquels
la pédagogie devait être mise au service de fins éthiques et politiques. Succédant
à cette vision, celle qui prévalut durant le Moyen Âge s'inscrivait dans le
cadre de la scolastique, dont on retrouve les principes exposés notamment chez
saint Augustin et saint Thomas d'Aquin; la pédagogie était alors assimilée à
un catéchisme. Les méthodes d'éducation, qui mettaient l'accent sur la communication
entre maître et élève, se fondaient, au travers d'un enseignement essentiellement
axé autour de la linguistique, sur la transmission de la foi. Caricaturée, notamment
par Rabelais dans Gargantua (1534), cette méthode, qui privilégiait la mémorisation
et l'imitation, resta en vigueur dans les écoles jusqu'au XVIIesiècle.
Recherche d'une méthodologie : Rompant avec ces conceptions dont l'aspect
stérilisant et répétitif était largement dénoncé, Érasme fut le premier à mettre
en valeur l'importance de l'affectivité et du jeu dans l'apprentissage de la
connaissance. Poursuivant cette réflexion, Comenius présenta, pour la première
fois, une méthodologie propre de l'éducation, reposant sur une identification
de la pédagogie avec la didactique. À partir du projet d'une didactica magna
(«instruction universelle») obéissant à des principes religieux et humanistes,
il se proposait de mettre en œuvre un système d'éducation permettant de ménager,
par son organisation en cycles, la progression morale et intellectuelle de l'élève.
Le tournant des Lumières : C'est cependant à partir du siècle des Lumières
que la réflexion sur la pédagogie prit un véritable essor, notamment avec Jean-Jacques
Rousseau. Posant comme principe fondateur la spécificité de l'enfant, non
plus conçu comme un adulte en réduction mais comme un être manifestant des besoins
et des satisfactions spécifiques, l'auteur de l'Émile fixa au pédagogue la mission
d'observer les dispositions de l'enfant et de chercher à en favoriser le développement,
suivant les enseignements du précepte «laissez croître». Parallèlement, Rousseau
insistait sur l'objectif fondamental de l'éducation, celui d'éduquer l'Homme
en puissance. La postérité de Rousseau fut double. Politique (il s'agissait
de former le citoyen), elle inspira les projets de réforme de l'éducation proposés
durant la Révolution française par Condorcet
et LePeletier de Saint-Fargeau; méthodologique, elle fut à l'origine des expérimentations
de Pestalozzi, qui accorda à l'individualité de l'élève un rôle central dans
le processus éducatif. Inspiré par Pestalozzi tout en se reconnaissant dans
une vision métaphysique identifiant Dieu à la nature, Friedrich Fröbel (1782-1852),
créateur des premiers jardins d'enfants, formula les grandes lignes d'une pédagogie
accordant une place centrale à la spontanéité et au jeu, compris comme fondements
de la conscience en formation. Parallèlement, Johann Friedrich Herbart (1776-1841),
s'appliquant à établir le statut de l'expérimentation en pédagogie, fut l'un
des fondateurs de la psychologie de l'enfant.
Problématiques modernes : À mesure que les systèmes d'enseignement connaissaient
une expansion sans précédent dans l'ensemble des pays développés, le statut
de la pédagogie faisait l'objet de nouvelles réflexions et suscitait la naissance
de courants parfois opposés. Ainsi, Émile
Durkheim soulignant que la pédagogie était un produit, celui d'un moment
donné de l'histoire, lui assigna parallèlement pour mission de constituer un
projet, susceptible de préparer l'enfant à la société dans laquelle il sera
appelé à évoluer. Comprise dans une perspective relativiste, la pédagogie a,
depuis la fin du XIXesiècle, été confrontée à ses objectifs, dans le cadre d'une
interrogation qui ouvre la voie à la pluralité des conceptions pédagogiques
et fait d'elle, bien souvent, un champ d'affrontements. Contre l'aspect jugé
trop normatif de l'éducation scolaire, un courant s'est mis en place, qui se
caractérise par sa référence idéologique constante au spontanéisme. Partant
de l'enfant, l'éducation nouvelle se présente comme
une extension de la méthode scientifique au domaine de l'éducation. On retrouve
ce projet à la base des travaux d'Édouard Claparède (1873-1940), et il inspira
les travaux de Maria Montessori,
d'Ovide Decroly (1871-1932)
et de Célestin Freinet (qui, cependant,
s'appuya davantage sur l'observation empirique). Cependant ces méthodes encoururent
parfois le reproche de négliger les rapports de l'école et de la société. À
divers titres, les méthodes dites occupationnelles de John
Dewey, qui tenta de faire de l'école le lieu de l'adaptation à la vie sociale,
ou les expériences menées par Makarenko et Moulieg dans les colonies de jeunes
délinquants, substituant à des relations fondées sur la violence l'apprentissage
de la vie en collectivité, s'inscrivirent dans une problématique qui reste au
centre du débat sur l'école. Ces différents courants continuent de servir de
base au débat contemporain, dans un contexte où il semble que la pédagogie traverse
une crise. Confrontée au «soupçon», introduit par certains psychanalystes comme
Octave Mannoni, de perpétuer par ses structures la reproduction d'un modèle
de pouvoir, la pédagogie a dû, depuis les années 1960, s'adapter aux nouvelles
conditions liées au phénomène de scolarisation de masse. Parallèlement, la crise
sociale (caractérisée par la remise en question des valeurs républicaines et
par la montée en puissance de l'individualisme), la généralisation de la technique
et même la crise de la notion du travail lui imposent de répondre à de nouvelles
interrogations sur ses missions et son statut.
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