CONTROVERSES EN EDUCATION
Antoine de PERETTI
Bas
de page
Lécole en tant quinstitution et plus particulièrement au niveau
secondaire, est devenue la cible de critiques sévères. Depuis un certain temps,
léducation traverse une crise : ses finances vont mal, on ne lui fait
plus confiance et on doute de sa raison d'être.
Angus Mande déclarait en 1969 que légalitarisme rejette instinctivement
tout système qui permet à certains enfants de se démarquer par rapport aux autres.
(Science sans conscience nest que ruine de lâme. Rabelais).
Montaigne conseillait denseigner de façon précoce la philosophie
tolérante et de choisir, en fait de conducteur ou denseignant, une tête
bien faite plutôt que bien pleine, tant la frénésie dérudition risquait
de faire oublier lindividu au profit des savoirs au point de nen laisser
retenir quun général et informe visage. Lavertissement vaut encore
pour aujourdhui !
Chaque innovation ou réforme (dorthographe ! de programmes scolaires !
de formation des enseignants !) ou même chaque
entreprise neuve, sont lobjet instantané de dénonciations et de fureurs
au nom des Anciens. Ainsi Brémond a pu dire : Fénelon fait de ses élèves
tout ce quil veut.
Mais Il faut voir comment, en recourant à des procédures encourageantes et différenciées,
portant attention à lélève qui nest plus un « rien », l'élève
devient un partenaire pris au sérieux.
Léducation nouvelle veut faire confiance à la nature, à la société et
à lenfant, et donc à la liberté. G. Snyders
Rapport de Condorcet : Nous
avons pensé que notre premier soin devait être de rendre dun côté linstruction
aussi égale que possible, aussi universelle, de lautre aussi complète que
les circonstances pouvaient le permettre ; il fallait donner à tous également
linstruction quil est possible détendre sur tous : mais
ne refuser à aucune portion des citoyens linstruction plus élevée quil
est impossible de faire partager à la masse entière des individus.
LE STUPIDE XIX e SIECLE
Après lEmpire, la Restauration de 1815 a bien été surprise par la Révolution
de juillet 1830, celle-ci ouvrant la voie à une ère philliparde et bourgeoise
mais interrompue par la Révolution de 1848 et la courte seconde République. Cette
république fut suspendue par lavènement du second Empire, renversé aux temps
dits par les revers et soubresauts de 1870 (guerre franco-allemande dune
part, Commune et répression de M. Thiers de lautre) faisant le lit
de la Troisième République. Avec lintermède des Cent jours, sept changements
de régime ( et même huit, en comptant le Consulat) en un siècle. Virtuosité française !
- Seule école, parce que
destinée à forger lunité idéologique de la nation, lécole primaire
de Jules Ferry nétait pourtant pas lécole
de tous. Une autre école existait qui demeure payante quand celle-ci devient gratuite
et qui accueille surtout les enfants des classes supérieures de la société :
lenseignement secondaire avec son école élémentaire. J. Ferry hérite de
cette situation mais il ne la modifie pas. -
Le devoir de lEtat, en matière denseignement est absolu, il le doit
à tous
Mais quand on arrive à lenseignement secondaire, il ny
a plus la même nécessité et la prétention ne serait plus admissible si lon
disait : tout le monde a droit à lenseignement secondaire. Non, ceux-là
seuls y ont droit qui sont capables de le recevoir et qui, en le recevant peuvent
rendre service à la société (J. Ferry). -
La revanche du mouvement laïque se marquerait par les lois
de J. Ferry, et surtout par celle de la séparation des Eglises et de lEtat
en 1905. Mais le conflit se perpétuerait au XXe siècle, animant encore notre vie
publique.
METHODES EN VOLTES SUCCESSIVES
Les méthodes denseignement, dans le premier comme dans le second degré,
même en évoluant lentement, ont aussi fait lobjet de conflits virulents
et incessants entre traditionalistes et novateurs, comme entre partisans dune
méthode unique ou tenants dune liberté pédagogique. - Pour le
premier degré, la formation des maîtres a fait
lobjet de conflits violents entre laïcs et cléricaux, ceux-ci souhaitant
des Ecoles Normales créées en 1833 par
Guizot et vivement menacées dans les années 1850, malgré le soutien que leur
apportait Napoléon 3. Lhistoire des conflits reste instructive : elle
semble renaître dès que des institutions nouvelles de formation sont créées (ex
IUFM).
ELITISME OU DEMOCRATIE
Une certaine sauvegarde des élites sociales était assurée par la domination
du latin, et à moindre titre du grec, au sein dun enseignement secondaire
payant. On se préoccupa néanmoins détendre vers dautres couches de
la population des formations plus approfondies que celle prodiguée dans lécole
primaire.
En 1833, Guizot croit bon de créer
en surcroît dans toutes les communes de plus de 6 000 habitants, des Ecoles primaires
supérieures en vue détablir un enseignement intermédiaire entre le primaire
et le secondaire pour les fils de cultivateurs et dartisans. La prééminence
du second degré fait obstacle à ce projet : par manque délèves motivés,
de maîtres qualifiés et de prestige social, le projet fait long feu : après
1841, les EPS sont annexées aux collèges : beaucoup vivotent puis disparaissent.
CHAPITRE 2 : LECOLE FRANCAISE
CONVIENT-ELLE A NOTRE TEMPS ?
Chacun a besoin, enseignant ou parent, de retrouver, idylliquement, son enfance
dans celle de ses enfants ou élèves, de revoir son école (et lenseignement
quil y reçut), et les programmes impartis à sa progéniture ou ses classes :
il se ressent toujours compétent et informé, en matière pédagogique, automatiquement.
- Limage que les adultes
se font de lécole est essentiellement une rumeur dont daprès toutes
les enquêtes le contenu est très pauvre. On se contente, remarque R. Ballion de
deux ou trois caractéristiques (résultats aux examens, composition sociale, architecture,
situation urbaine
) pour juger de la qualité dun collège ou dun
lycée, pas nécessairement à tort dailleurs.
- Je constate quon se mobilise
aisément contre les innovations, rénovations, réformes, car, si on veut que tout
soit autre, il mapparaît quon désire avec véhémence que rien ne change
et surtout ne soit varié quoique pourtant, différencié et distingué !
- Il est aussi banal pour les
mêmes gens de se rebiffer parce que lécole ne se moderniserait pas et ne
comprendrait pas les jeunes ou ne ferait aucun effort en leur faveur que de saffecter
des modifications et allégements et différenciations projetés dans les processus
denseignement ou dans lorganisation et la vie des établissements.
- Car il me semble que dire
que les choses ne sont plus comme avant du tout, ou, à lopposé, que rien
na bougé, part dun même risque de duperie qui viendrait de comparer
ce qui nest pas comparable ou domettre les variations qui ont affecté
les caractéristiques et modèles quon est porté à supposer invariants et
donc identiques.
- Car notre manie hexagonale et
jacobine nous pousse à vouloir nos jeunes identiques, dans lespace et le
temps pour les considérer ou les rejeter (les nuls), comme nous voudrions contracter
aussi ou suspendre dans un présent pérennisé notre système scolaire et universitaire :
omettant de comprendre ou daccepter quil a bougé et ne cesse, en dépit
de tous, de se transformer et différencier.
STAGNATION SUR UN DEMI SIECLE
Toutefois, la gratuité de lenseignement secondaire finit par se faufiler
à partir de 1930, amorçant la démocratisation en puissance, corrélative des changements
économiques et sociaux.
Si, dans lentre-deux-guerres puis surtout après la Libération, la natalité
avait repris en France, les murs à légard des enfants allaient être,
progressivement, puis de façon plus rapide, fortement modifiées, même si ladaptation
des relations familiales et sociales aux formes de la vie moderne a mis du temps
à seffectuer.
EVALUATIONS ET TRANSVALUATIONS
Bien des activités nétaient plus restées lapanage des hommes ou
des adultes : femmes et enfants avaient dû relayer les chefs de famille
éloignés, sur le front ou en captivité.
Léducation sest donc effectuée avec une autorité amoindrie, en labsence
des pères : les marges de laisser-aller ont pu saccroître.
Les mouvements de jeunesse ont alors pris une ampleur considérable en lespace
dune demi génération : leurs responsables entendaient mettre en valeur
linitiative et le sens de la solidarité chez les jeunes. Il en résultait
une conception nouvelle de la jeunesse , consciente d'elle-même et de ses luttes.
Elle aspirait à une transformation de lécole.
En France, corrigeant les épreuves de la guerre et de loccupation, un
renouveau démographique a témoigné dune nouvelle ardeur à vivre à partir
de 1945 et jusquaux années 60.
Il sest agi dune véritable explosion scolaire vers le second degré,
suivie dune seconde onde de choc produisant une explosion universitaire.
EXPLOSIONS SCOLAIRES ET UNIVERSITAIRES
Une commission, dabord présidée par Paul Langevin puis par Henri Wallon,
était chargée délaborer de nouvelles dispositions, en application du projet
scolaire conçu par la Résistance : elle publia en 1947 des recommandations
connues sous le nom de Projet de Réforme Langevin-Wallon. Ce projet prévoyait
une organisation du système scolaire en 3 cycles : un premier cycle de 7
à 11 ans, un 2ème cycle de 11 à 15 ans (cycle dorientation),
un 3ème cycle de 15 à 18 ans (cycle de détermination).
- En 1959 Réforme Berthoin, la
scolarité obligatoire et gratuite jusquà 16 ans et organisait un premier
cycle du second degré (de la classe de 6ème à celle de 3ème)
étendu enfin à tous les enfants.
- La montée des bacheliers :
une telle croissance est éloquente et indique assez les efforts qui ont dû être
accomplis par tous les acteurs du système éducatif, enseignants, administratifs,
responsables de tous niveaux mais aussi élèves et parents.
- Pour les élèves accédant à
lenseignement technique professionnel,
on peut constater que celui-ci sest aussi, en quelques années, puissamment
développé.
- A lautre bout du système
scolaire, une croissance significative des effectifs denfants à lécole
maternelle sest également produite, sous la pression des familles et en
raison de lévolution de la condition féminine.
- Les recrutements, massifs et
accélérés mais irréguliers, qui se sont avérés nécessaires dans les années 60,
pour assurer les enseignements, ont trop souvent été difficiles, sinon aléatoires :
ils ont fait lobjet damères critiques portant un doute souvent injuste
sur leur qualité, en France comme dans la plupart des pays développés.
- Leffort consenti sous
la pression des familles a bénéficié à nombre dentre elles, en vue dassurer
la ponctualité scolaire.
Laide aux familles sest, en effet, considérablement développée :
aux quelques dizaines de mille de boursiers dans le second degré, avant guerre,
il faut opposer le million et demi de bénéficiaires actuels, soit plus d'un
quart des élèves du second degré.
Loin dêtre satisfaite par les progressions réalisées, chaque famille française
demande toujours davantage à létat pour encadrer ses enfants puis ses adolescents
de lâge de 2 ans à 22 ans.
- Ladmission massive des
élèves puis des étudiants perturba le fonctionnement routinier des établissements
du primaire, secondaire et supérieur. Laménagement des locaux fut rarement
ajusté à temps à la mesure des effectifs. Laccueil des nouveaux élèves et
étudiants était plutôt de nature à les déconcerter quà les mettre au travail.
- La multiplication des diplômes
allait enfin accroître de façon aveugle la compétition entre les jeunes :
mais elle devait aussi dévaluer les titres, obtenus massivement, en les banalisant
et en réduisant les différences entre les individus.
- Enseigner serait aussi bien
fonder élitiquement les réussites scolaires de quelques-uns quétablir un
fond étendu déchecs répétitifs, dans leur scolarité, pour beaucoup de jeunes
taxés (républicainement) de lépithète de mauvais élèves.
- Seules les familles denseignants
et de cadres supérieurs, encadrant habituellement les associations de parents
délèves, connaissaient le mode demploi du système pour obtenir ladmission
de leurs propres enfants aux établissements sûrs comme aux filières élitiques.
- En 1968, la France avait frissonné,
la bourgeoisie a eu chaud. Le pouvoir politique hésitant sur une « société
nouvelle » concéda, six ans plus tard, la majorité et le droit de vote à
18 ans.
- Entre-temps, la crise économique
sétait appesantie. Au lieu du besoin dévorant en cadres, après les destructions
de la guerre, pour bâtir les économies modernes, qui faisait que lécole
poussait tout le monde vers le haut, la conjoncture sétait totalement inversée.
Maintenant lécole devient une épouvantable pompe refoulante. Il faut quelle
trie, il faut quelle sélectionne. Les élèves le sentent bien. Les parents
et les profs aussi.
- Mais bientôt le ton séchauffe.
Il y avait eu, en 1981, un profond changement politique. La nouvelle majorité,
avec un programme commun de gauche, suscitait des espoirs ou des impatiences excessives
en même temps que des hostilités véhémentes.
- Par suite, on dénonça à tort
et à travers des incompétences ou des complots, des haines et le mépris du savoir,
labsence de sélection et le laxisme de notre système éducatif, le terrorisme
qui serait exercé depuis 1968 par des médiocres sur les savants, des arriérations
inadmissibles ou un progressisme insensé. C'était lApocalypse! Le vertige
de la chute du niveau ! Le pédagogisme.
- Le vieux débat école laïque
école catholique se ranimait de façon fulgurante. Le gouvernement, qui
négociait avec lEpiscopat catholique se vit donc contesté par une puissante
marée de protestations (soutenues par lopposition) auxquelles adhérèrent
les familles dont les enfants allaient dans le privé mais aussi dans le public.
- Car ce fut alors crié au cours
de défilés (dont le plus important, le 24 juin 1984, regroupa 1 million de manifestants),
ce fut au nom de la liberté et dun dépit contre lEtat, dune
part, une remise à jour de lécole publique et de ses contraintes, majoritaire
mais critiquée pour ses taux déchecs et de dissuasion, dautre part,
le recours potentiel à un enseignement de relais, lenseignement privé, en
cas dinsuccès dans le public.
- Linsécurité de lemploi
en période de crise prolongée exigeait pour la jeunesse lassurance dune
formation personnelle et professionnelle réussie ; elle incitait à des réflexes
de survie de type individualiste et donc égalitaire, ainsi quà la contestation
de ce qui apparaissait trop réglementaire et trop bureaucratique.
- Se fondant sur les travaux du
Haut Comité Education Economie et les projections établies par la BIPE,
J.P. Chevènement tirait la conclusion que les entreprises utiliseraient de moins
en moins douvriers et dagents à faible niveau de culture générale
et quil fallait donc orienter linstitution scolaire, comme lavait
annoncé Alain Savary, vers la perspective de 80 % dune classe dâge
en Terminale.
- Il décidait, en conséquence,
la création dun bac professionnel voué à un développement rapide car, contrairement
aux pratiques des pays voisins, les entreprises françaises sen remettaient
totalement à lEtat du soin des formations initiales des travailleurs (insertion
rapide à des emplois précis et cependant une adaptation facile aux incessants
changements technologiques dans les emplois).
- Les jeunes générations apparaissaient
incomparablement plus hétérogènes que ne létaient les échantillons limités
des générations dantan qui étaient bénéficiaires des enseignements de lécole
dans ses divers degrés : en face de quoi, les corps enseignants apparaissaient
eux-mêmes profondément diversifiés et divisés, pour un métier de jour en jour
davantage compliqué et par rapport à des attentes professionnelles et culturelles
de plus en plus exigeantes et évolutives.
- La loi
dorientation du 10 juillet 89 centrait désormais linstitution
scolaire sur les élèves et les étudiants : chacun dentre eux se voyait
reconnu le droit dun projet personnel de formation et dorientation,
élaboré avec lassistance des enseignants.
- Les enseignants, pour leur part,
étaient invités à travailler en équipe et leur formation initiale, différenciée,
était réorganisée dans le cadre dIUFM où la parité de traitement était désormais
établie entre profs et instituteurs (ceux-ci devenus professeurs des écoles),
tous recrutés après la licence.
Automne 90 : il y eut, dune part, une augmentation des effectifs dans
les classes qui fut mal supportée par les professeurs et les élèves, surtout dans
les banlieues. Dautre part, sensibles à la mise en évidence de leurs
besoins en formation les lycéens supportèrent de moins en moins leurs conditions
de travail et la vétusté de certains établissements. Enfin, les jeunes revendiquaient
leurs droits de citoyens et une meilleure prise en considération de la part des
enseignants et de linstitution.
CHAPITRE 3 : QUERELLES QUALITATIVES
ET QUANTITATIVES
Les enseignants acceptent la responsabilité de la réussite, mais pas celle de
léchec. Le professeur dégage donc sa responsabilité de tout échec, en limputant
à la responsabilité des élèves, et en conséquence, globalement, à leur niveau
réputé insuffisant ou au climat familial et social en crise.
- Nous devrions, en conséquence,
chercher à situer la signification de cette rengaine ou de ce radotage séculaire
(comme le qualifiaient irrévérencieusement Baudelot et Establet) sur la crise
ou la baisse de niveau, trop aisément admise quoique la notion même de niveau
reste confuse et difficilement mesurable.
- Du niveau de quelle strate sociale
ou catégorie est-il question dans les allégations, les attributions, ou dans les
dires ? Par cette expression toute faite et qui dispense de toute recherche
difficile, tel enseignant peut tout dabord expliciter les difficultés quil
ressent de façon croissante dans son métier (ex : modification de leur travail
par suite de réforme, de rénovation ou de conditions locales différentes).
- Il est habituel de signifier
son embarras devant une classe plus hétérogène, ou dont les élèves nont
pas les habitudes méthodologiques et les connaissances quon souhaiterait
acquises depuis lannée précédente : il faut alors lire que cest
le niveau des facilités pédagogiques qui a baissé (ou le niveau de la complexité
denseigner qui sest élevé).
- Plus on est réputé compétent,
moins on doit donc travailler devant les mêmes élèves, mais plus on doit être
rémunéré, même si le recrutement par concours et la formation reçue nont
permis lacquisition daucune méthodologie professionnelle. Plus
généralement, chaque enseignant est enclin à se plaindre de la déficience de ses
collègues de lannée précédente et tout particulièrement des enseignants
du primaire. - Dans la lancée,
chaque famille était reconnue compétente pour juger les problèmes de lécole
en fonction des difficultés de ses enfants et dans la légitimation de ses propres
souvenirs scolaires, enjolivés ou noircis ; enfin le journalisme et les divers
médias ont généralisé, banalisé le débat sur léducation et rien ne pouvait
paraître plus pénible, voire insupportable aux enseignants, généralement si enclins
à douter du sérieux et de la validité des informations concernant léducation
diffusées par la presse ou par la radio-télévision.
- Les enseignants ont explicité
plus vivement leur déception chronique à légard des jeunes, tout en se livrant
à leurs conflits catégoriels. Les familles ont rétorqué en défendant
leur progéniture et en pratiquant une critique de plus en plus injuste à légard
des enseignants, considérés sans raison comme des privilégiés (à cause notamment
de leurs vacances), dans loubli de leurs charges réelles. -
Lopinion, on le voit bien, supportait de moins en moins lévidence
fallacieuse dune fatalité des échecs scolaires ou universitaires ;
elle admettait mal lérosion de la valeur des titres et linsuccès dune
démocratisation des savoirs, décidément trop lente ou trop rapide.
- Ce nest pas rien davoir
pu asseoir tous les jeunes de France sur les bancs des écoles maternelles, primaires
et secondaires du premier cycle ainsi que davoir plus que décuplées les
capacités daccueil en lycée et université. Lamélioration importante
dans le primaire est à attribuer en partie à la généralisation de la pré scolarisation
en école maternelle, indispensable notamment pour les enfants des milieux non
favorisés.
- Lutilisation du redoublement
sest avéré relativement inefficace, sa pratique a été abandonnée dans la
plupart des pays. Le certificat détudes : en 64-65 au faîte de
sa gloire, lexamen est décroché par à peine plus de la moitié (54%) dune
génération denfants. Il faut aussi observer que lenseignement primaire
allait autrefois jusquà 14 ans pour la très grande majorité des élèves,
alors quil sarrête actuellement en moyenne vers 10-11 ans ?
- On ne peut donc comparer brutalement
les résultats globaux des écoles primaires dantan à ceux de la totalité
des effectifs des écoles daujourdhui. Il faut ajouter les différences
notables des programmes enseignés, mais aussi les nouvelles disciplines
introduites. Toutefois, les seules recherches sérieuses, trop peu nombreuses,
sont toutes opposées à lhypothèse dune baisse de niveau. Les
élèves daujourdhui savent aussi bien faire les opérations quil
y a vingt ans et ont de plus la maîtrise doutils que ne connaissaient pas
leurs aînés.
En 1975, la réforme Haby (appliquée en 1977) imposait alors de placer tous les
élèves dans les mêmes classes, en supprimant toute filière explicite. Lhétérogénéité
maximale était donc imposée à tous les professeurs quelles que fussent leur formation
et leurs habitudes, et sans quaucune préparation pédagogique ne leur soit
offerte.
- Devenu enseignement de masse,
lenseignement des collèges et des lycées a néanmoins réalisé des progrès
quil serait injuste de méconnaître, même sil accuse encore des limites.
Pour linstant, lhypothèse dune amélioration générale reste plus
que raisonnable. De telles évaluations, à lissue dune enquête
minutieuse, devraient conduire à la modération les prophètes de malheur qui spéculent
à tout propos sur la prétendue baisse de qualité du système éducatif français.
Il y a actuellement dans les collèges 4 fois plus denfants qui font du latin
quil ny en eut avant la guerre 39-45. Leur pourcentage est régulièrement
croissant. - La démocratisation
a donc eu des conséquences heureuses en permettant la diffusion élargie des fondements
de la langue française appuyés sur la référence du latin. Ce fait devrait modérer
les humeurs des élitistes ! Mais de toute façon, on ne peut oublier
que les améliorations, obtenues lentement restent, insuffisantes. Trop de jeunes
abandonnent encore les collèges ou en sortent sans bagage suffisant pour affronter
la vie moderne et pour sinsérer dans la trame professionnelle, de plus en
plus tendue. La France ne semble pas, pour le moment, menacée par léventualité
dune baisse de niveau de ses élites intellectuelles.
- Dans le cadre des lycées professionnels, les sorties « prématurées »
des élèves ont beaucoup diminué en 10 ans : leur pourcentage est passé de
21 % en 1974 à seulement 7 % en 1984. Toutefois, ce fait couplé à une croissance
(discutable) des redoublements a eu tendance à élever légèrement lâge moyen
des élèves des enseignements professionnels. Ceux-ci se sont, dautre part,
améliorés notablement, grâce au développement des pratiques de contrôle continu
par unités capitalisables qui permettent un ajustement aux rythmes différents
dacquisition des élèves. -
Il faudrait enfin tenir compte du nombre croissant de voyages, individuels ou
collectifs, de découverte ou détudes, qui démocratisent louverture
à lEurope et au monde comme à la connaissance affinée de la France et de
son patrimoine stimulant.
Les lycéens français ne manifestent pas, dans leur ensemble, une aptitude suffisante
à utiliser, dans un contexte différent, ce quils ont appris ; ils ne
brillent pas suffisamment dans largumentation, la création, limagination
ou laudace. Mais, en une douzaine dannées depuis 1980, leffort
des enseignants aura permis que soit doublée la part des jeunes atteignant le
niveau IV et de ceux titulaires du baccalauréat. -
Le problème quantitatif et qualitatif des dimensions de lécole est habituellement
posé, notamment par les enseignants mais aussi par les parents, au niveau de la
taille des classes plus encore quau niveau du taux dencadrement (cest-à-dire
du nombre moyen délèves par enseignant au sein dun établissement)
qui est la plus forte variable qualitative.
Mais surcharges maîtrisées ou non, quoi quil en soit, une évidence sest
peu à peu constituée pour sexprimer hautement : la qualité de lenseignement
serait toujours affaiblie (sinon compromise) dès lors quon augmente le nombre
délèves dans une classe ; et naturellement, la diminution du nombre
délèves améliorerait systématiquement les résultats scolaires. -
En premier lieu, il ny a pas de certitude tranquille et moins encore de
consensus à propos de la taille optimale qui conviendrait absolument à une classe.
- En deuxième lieu le fait
de diminuer leffectif des classes nassure pas de gain automatique
au plan des résultats scolaires. Entre 20 et 34 élèves, la taille de la classe
a relativement peu dimpact sur lamélioration des performances, pour
la plupart des matières, dans le 1er et 2nd degré. Dans
les classes à effectifs allégés, le climat de travail peut être amélioré ou au
contraire se révéler moins dynamique ; et les résultats peuvent être moins
bons notamment pour les enfants des milieux populaires, en revanche, les petites
classes peuvent favoriser, dans des conditions déterminées, certains apprentissages.
On doit prendre en considération, parmi ces facteurs : la taille de létablissement
scolaire ; lorigine socioculturelle des élèves à la composition de
la classe ; les dispositions matérielles ; la nature de lenvironnement,
le choix des didactiques, et des contenus disciplinaires ; les techniques
denseignement, les objectifs pédagogiques ; le projet éducatif de létablissement ;
les attitudes de léquipe de direction ; le tempérament de lenseignant
et son expérience ; les contraintes budgétaires ; enfin, la trame institutionnelle.
Létude sociologique et statistique (Coleman 1996) est que, parmi
les 17 variables utilisées pour caractériser lécole, celles du nombre délèves
par classe ou par maître napparaissent pas comme importantes pour influencer
les résultats scolaires. Finalement, observe James Coleman, il apparaît que
la réussite dun élève est fortement liée aux environnements éducatifs et
aux aspirations des autres élèves de lécole. Ces notations sur limage
que lindividu a de lui-même devraient être prises en considération pour
lorganisation des classes dans les établissements et pour lanimation
de la vie scolaire. Toute formation pédagogique devrait soutenir les aspirations
des élèves, les mettant en évidence, et aider lenvironnement parental à
donner à lenfant confiance en lui.
CHAPITRE 4 : COMPLEXITE ET CHANCES
DE LORGANISATION SCOLAIRE
On conviendra sans difficulté, quoutre la taille de la classe, dautres
variables peuvent conditionner la vie et le travail des élèves dans les établissements
scolaires et assurer leurs chances de réussite ou leurs risques déchec :
notamment la variable de la composition des classes et la taille de létablissement.
La réforme Haby en 1975-76 a suivi fidèlement lévolution
des modes pédagogiques vers la démocratisation et lindividualisation de
lenseignement en créant les classes indifférenciées dans les collèges, tous
unifiés. Sans doute, la situation scolaire repose la plupart du temps sur lhypothèse
implicite dun rapport individuel du maître avec chaque élève, auquel il
consacrerait une quantité égale de temps aboutissant à lacquisition par
lélève dune quantité égale de connaissances. Un grand groupe permet
aux élèves sujets à problèmes de seffacer, de se fondre
dans la masse, au lieu de rester cibles possibles pour une pédagogie de questionnement.
Mais distance et abstraction ou impersonnalité peuvent entraîner lennui
et le découragement si des modes de proximité et de conseil méthodologique sur
le travail scolaire ne viennent pas les compenser par le recours complémentaire
à des groupes de petite taille. -
Les difficultés relationnelles sont encore accrues quand il sagit dadolescents.
Leur instabilité est, en effet, amplifiée en raison des changements de dimensions
et de perspectives dus à leur croissance et à leur puberté. Leur agressivité habituelle
donne toujours des signes dun appel à la communication caché sous des formes
souvent incongrues, par crainte que leur appel ne soit rejeté.
Environ 20 % nont aucun problème, quel que soit le système déducation
employé ; 10 % présentent des difficultés considérables et quasi insurmontables.
Il en reste environ 70 % qui, sy lon y prend garde, risquent de voir
leur destin scellé par la médiocrité. Ceux-là méritent le plus dégards.
- Linstitution scolaire
a pour objet premier, en effet, simultanément dassurer lacculturation
des jeunes générations au patrimoine scientifique, technique culturel et social
de leur pays, mais aussi de les mettre en relation avec les conquêtes nouvelles
du savoir le plus récent. -
Lécole ne peut se refermer sur son propre fonctionnement, qui, malgré sa
durée, reste temporaire pour la plupart des individus. Elle doit développer les
capacités dautonomie des jeunes dans leur propre apprentissage, en canalisant
leurs activités détude les plus personnelles, et diamétralement, intervenir
en vue de relier les jeunes à la société et à léconomie environnantes, dans
le souci dune insertion progressivement assurée. Marcel Postic souligne
que désormais « le rôle de lenseignant est moins dêtre un dispensateur
de savoir que lorganisateur et lanimateur de lapprentissage ».
Car nous nous dirigeons (et la loi dorientation
le marque avec éclat) vers une pédagogie qui mette en valeur le souci de responsabiliser
les jeunes, daider à ce que leur apprentissage soit soutenu et non pas inerte
ou sanctionné. La vrai sanction recherchée est lépanouissement de chacun,
linsertion dans la réalité scolaire. Nos élèves ont à jouer dans la société
des rôles de plus en plus complexes ; on nattend plus deux quils
soient des agents inactifs ou passifs dans la vie professionnelle qui les attend,
mais des créateurs, des personnes responsables. Lhétérogénéité
des individus peut garantir des chances de complémentarité entre des participations
et les rôles, mais aussi dapprentissage des différences, indispensable à
la socialisation et à lexercice présent et ultérieur de la démocratie.
LORGANISATION DIFFERENCIEE DES STRUCTURES SCOLAIRES : UN DEFI
Quelles quen soient les difficultés, une organisation souple mais
rationnelle et différenciée des établissements scolaires et universitaires, mais
aussi de toute notre institution déducation, simpose désormais à tous.
Il nest plus supportable dosciller entre des conceptions affirmées
ou masquées, tantôt tournées vers laccroissement dun enseignement
élitiste et tantôt persévérant dans le développement dune éducation de masse,
troublée par nos dérives identitaires. Il y va de la crédibilité et, il faut bien
en parler, de la progression et de la rentabilité de notre système éducatif. Car
on ne peut aucunement rompre avec la double nécessité dassurer des
élites et délever les masses, dont linteraction est, dautre
part, puissamment stimulante. Il importe pour léducateur de préparer
les gens à entrer dans cet univers problématique, à sorienter dans des situations
conflictuelles, à maîtriser avec courage un certain nombre dantinomies.
On ne peut pas choisir entre soccuper de ceux qui réussissent dans leurs
cursus scolaires, universitaires et professionnels ou se centrer uniquement sur
ceux qui piétinent, tâtonnent et sont placés en situation déchec. Il nest
pas loisible, non plus, dincriminer les enseignants en général, ni les autres
acteurs du système, en raison des imperfections, des déconvenues, des ratés dans
les opérations dune démocratisation irréversible, incontournable mais difficile.
Il faut être vigilant sur les risques dun enseignement trop uniformisé,
selon un réglage, identitaire pour chaque élève, des tensions entre les visées
dexcellence, dentraînement et dapprentissage des savoirs ou
dinsertion pratique. Il sagit donc de concevoir et de conduire lorganisation
densemble du système déducation et dinstruction comme celle
de chaque établissement, en établissant la diversification des formes dexcellence.
Léon Blum écrivait le 23 février 1945 à Buchenwald : « Jai
toujours considéré que légalité était le respect égal de la variété et les
formules de légalité sont non pas « tous à la toise » ou « tous
dans le même sac » chacun à sa place » et chacun « à son dû ».
Ainsi les élites dégagée par la sélection, pour la direction, lorganisation,
le commandement ne risqueront pas de devenir des aristocraties
» Car
les différences permettent la complémentarités nécessaires. Leur considération
renvoie dos à dos des prétendants de lélitisme ou de lidentitarisme
à tout crin. Le Professeur Jean Bernard assure : chaque homme est un
être unique, irremplaçable, précisant, entre les hommes, il ny a pas inégalité
mais différence ; le métissage est avantageux. La structure des établissements
scolaires est rendue monotone et rigide non seulement par la fixité des formes
de groupements des élèves, conformément à lanalyse que nous avons faite ;
mais elle est aussi bloquée centralement par une standardisation bureaucratique
des emplois du temps et des durées denseignement. Sur ce point, le mythe
identitaire envahit encore lespace des conceptions, détruisant toute logique
organisationnelle. Et ce mythe vient aussi réfréner les possibilités dinitiative
et dinnovation ou même dauthenticité, chez les enseignants. La répétition
des heures de cours et des semaines invariables aboutit à une structure fixée
davance pour une année et figée dans limmobilité .
La durée identique dune heure, la formule identique dun emploi du
temps répété sans adaptation au long dune année paraissent simposer
absolument : on ne tient pas compte ni des différences dans les âges, dans
les matières ; dans les moments de la journée ou du trimestre ; ni des
différences dans les tailles des groupements ; ni de la diversité des élèves ;
ni de la variation dans les besoins pédagogiques qui peuvent apparaître inopinément ;
ni même des modalités contrastées nécessaires au développement des processus
denseignement ou dapprentissage.
Y aurait-il quelque fatalité dans ce type de structure inerte, fruit dun
dérisoire rêve jacobin ? Lhabitude ? Ou lalignement identitaire
du service de chaque enseignant déterminé en un nombre d'heures de présence directe
d'enseignement devant les élèves (ne définissant pas leur charge réelle de travail !
) et qui est appliqué à lemploi du temps morcelé des élèves, pour des commodités
bureaucratiques (les imprimés vs, vie scolaire, servant à vérifier que soient
remplies les obligations de service ?). Mobiliser lélève pour
une matière qui ne lintéresse pas forcément était déjà difficile, mais soutenir
cet intérêt dispersé par un cours nouveau toutes les heures apparaît comme une
tâche ardue. Comment se fait-il quon ait pu ignorer à ce point la psychologie
scolaire ? Même pour des groupes moins larges, une durée longue, peut
permettre des inflexions vers des modalités pédagogiques variées, au lieu de ruptures
et de morcellements incessants.
Des modules de temps, regroupant chaque semaine les horaires de plusieurs enseignants
de matières différentes, ont été insérés dans lemploi du temps : cette
globalisation laisse aux enseignants la responsabilité de gérer en commun leur
capitalisation dheures, et, selon des opportunités techniques, de disposer
de durées variées denseignement. La dissymétrie structurelle dans la répartition
des durées ou dans celle des disciplines permet, dautre part, à chaque semaine,
dapparaître dès son début comme différente de la précédente et donc nouvelle
pour les élèves : le risque de monotonie sont ainsi corrigées. On sait limportance
de ces risques et leurs poids sur le rejet de la vie scolaire et des études par
des élèves de plus en plus nombreux : lennui naquit un jour de
luniformité ! Des établissements ont pu mettre sur pied des organisations
temporelles plus originales, fondées sur des projets pédagogiques particuliers.
Mais le principe de tels projets, inscrit dans la loi dorientation du 10
juillet 1989, est devenue obligatoire pour tous les établissements du premier
et du second degré ; ils doivent préciser des objectifs et des structures
spécifiques, débordant la simple organisation des temps.
Les projets ne se situent pas seulement dans lordre temporel, mais également
au plan de la composition différenciée de groupements délèves, notamment
dans le cadre de la rénovation des collèges et des lycées. La formule, inaugurée
dans les classes de seconde en 1992, de modules de formation personnalisée, sépare
une classe trois heures par semaine, en deux sous-groupes divers en faveur de
quatre disciplines : français, maths, langues et histoire-géographie pour
lesquelles les enseignants disposent de six heures prises sur leur service normal
sur trois axes : de particularité, de singularité et de généralité (ou synthèse)
on peut voir apparaître les lignes de force du rôle dun chef détablissement
sur les fonctions dorganisation de la vie scolaire, de mise en oeuvre des
moyens, de négociation et de régulation des relations, mais aussi de rappel de
finalités et du maintien de la qualité des études.
CHAPITRE 5 : LECOLE
DU TROISIEME MILLENAIRE
EN CHANTIER
Le problème des contenus denseignements et celui des méthodes de nature
à en assurer la transmission à des élèves divers de tempérament et de milieu,
font lobjet de brûlantes questions, dincessantes querelles et de conflits
liés à notre habituel imbroglio. La résistance au changement est classique pour
les programmes. Et pourtant ils changent sans que soient bien définis et limités
les contenus quils impliquent : mais ce qui, en contrepartie, donne
un alibi en béton pour assurer quon ne pourra pas faire ou terminer le programme !
En ce qui concerne les structures ou méthodes, en revanche, leurs modifications
ne simposent guère facilement : elles appellent la protestation dun
« nous navons pas été formés pour ça » malgré ou à cause de la
demande fréquente de modalités concrètes. Le système éducatif peut également être
envisagé en tant que courroie de la machine économique et sociale ou bien comme
le lieu de développement personnel des jeunes et des adultes. Les visées imparties
à lenseignement et à léducation peuvent aller du développement de
lintelligence des individus à celui de leur volonté personnelle ou de leur
solidarité collective.
Elles peuvent comprendre lobtention de savoirs définis, lapprentissage
de capacités déterminées dapplications techniques et professionnelle, mais
aussi le développement des processus cognitifs, la révélation daptitudes
de création, la reconnaissance des valeurs sociales, la maîtrise des comportements
et des tempéraments.
Elles peuvent désigner la croissance des personnalités (avec ou sans modèle) lexercice
des relations avec les autres et lacquisition dune discipline ajustée
aux exigences de la vie sociale. Elles peuvent, enfin, mettre en valeur laccession
à une culture plus ou moins raffinée.
CLASSIFICATION SELON LES ATTITUDES
Lenseignant peut se déterminer à assurer une accumulation de savoirs,
transmis en choisissant, délibérément ou par entraînement, les formes didactiques
qui paraissent convenir aux contenus des disciplines qui lui reviennent, comme
aussi aux apprenants. Mais lattitude de lenseignant peut se centrer
davantage sur les élèves et sur leur situation existentielle dapprenants,
plus ou moins en incertitude. Son attitude dintérêt et dobservation
centrée sur les élèves et le groupe - classe relève alors du souci du développement
personnel des élèves et dune volonté de communication avec eux. Le principe
de contrainte (et de modélisation) ou de directivité et le principe dinitiative
(et dapprentissage actif par essais - erreurs) ou de non-directivité, peuvent
être habituellement combinés selon des dosages de comptabilité qui peuvent répondre
à la diversité des tempéraments denseignants ou aux variations des besoins
de groupes dapprenants mais également à larc-en-ciel des référents
potentiels. Côté directivité, contraintes et modèles stricts, il y a une
commodité de reproduction des comportements ou des savoirs, une facilité des contrôles,
une économie des temps et des coûts dapprentissage, grâce à la mise en uvre
de réflexes conditionnels dans les mises en condition. Mais il y a un double inconvénient :
le manque de souplesse, en raison de la rigidité des comportements acquis, et
une dépendance excessive des élèves aux enseignants. Côté non-directivité,
initiative et exploration des savoirs, les acquisitions obtiennent plus de profondeur,
les conduites sont susceptibles dadaptation, les apprenants ont pris des
habitudes de responsabilité et de créativité. Toutefois, les coûts et les délais
sont plus importants et certains individus peuvent se sentir déconcertés et incapables
de profiter valablement de lautonomie consentie. Cest sur une base
de globalisation des comportements de découverte dans laction et de centres
dintérêt que Decroly a défini son programme,
selon une formule célèbre : « Lécole pour la vie par la vie ».
Inspiré par Wallon, le GFEN a développé une pédagogie constructiviste invitant
les jeunes à élaborer les concepts et les savoirs-faire utiles à leur maturité
grâce à la mise en uvre dactions réfléchies. La pédagogie dite par
objectifs : la désignation progressive de paliers de connaissance ou de contrôle
sensori-moteurs à atteindre ayant pour objet de stimuler et dencadrer les
efforts que doivent consentir les élèves. La pédagogie du projet qui associe les
élèves à la démarche dapprentissage et de progression vers des savoirs
clairement délimités et acceptés. Une telle pédagogie a été recommandée officiellement.
Les techniques denseignement ont à être utilisées, sur un clavier de possibles
suffisamment étendu, par un choix personnalisé de chaque enseignant : mais
après des séquences de formation qui auront permis den assurer une maîtrise
suffisante et den apprécier leurs effets possibles. Et elles ne peuvent
être séparées dune méthode pédagogique personnelle élaborée par chacun en
référence à un échantillon suffisant des méthodes déjà développées. Perplexités
sur les formes denseignement : on sait trop que toutes ont des vertus
et des inconvénients, chacune pouvant mieux ou moins bien correspondre au tempérament
et aux capacités de tel ou tel enseignant ainsi quaux attentes et aux besoins
de tel ou tel groupes délèves ou détudiants. Chaque enseignant doit
élaborer la méthode la plus appropriée à lui-même, à sa discipline et à ses élèves
de chaque année, empruntant ou non à plusieurs démarches ou inspirations, sil
le souhaite ! Tout dabord, le problème est de bien traiter les difficultés
et les turbulences, les fluctuations auxquelles le système éducatif, les établissements
scolaires, ou les enseignants dans leurs cours, doivent faire face actuellement
et pour longtemps (hétérogénéité amplifiée dans les groupes délèves, mais
aussi par suite de la complexité croissante des environnements sociaux ou familiaux
et de leurs pressions ou exigences grandissantes et sujettes à des réactions collectives.
Une gestion pédagogique insuffisamment variée introduit donc nécessairement un
mécanisme déchec et une ségrégation de type élitiste aux dépens dun
pourcentage plus ou moins important dapprenants : ceux-ci sont naturellement
portés au découragement ou à des comportements violents.
Cest reconnaître que chaque enseignant doit mettre en uvre une pédagogie
déjà variée dans ses propres classes, mais aussi que les enseignants dun
établissement doivent sentendre pour diversifier, dans le cadre concerté
du projet détablissement, leurs pratiques individuelles et cest, enfin,
observer que, dans chaque établissement, on devra différencier institutionnellement
dans son projet, comme on la vu, lensemble des procédures denseignement
et dapprentissage. Contrairement aux craintes relatives à lencombrement
et au désappointement quon pronostiquait chez les jeunes générations par
rapport aux diplômes, la demande sociale denseignement supérieur ne cesse
donc de croître; pourtant elle pousse à en différencier les formes.
Il est vrai que les besoins en cadres ne cessent daugmenter et que les exigences
en une formation culturelle et technique des ouvriers ou des ruraux sélèvent
avec la complexité de tous les matériels et leur évolution rapide. Nous retrouvons
la loi dAshby, il y a une variété indispensable à maintenir dans les systèmes,
si on veut correspondre à la pluralité des intérêts des besoins et des problèmes
et fonder un marché de la formation suffisamment fourni.
Il importe donc doffrir des formes diversifiées au choix des jeunes
dont les tempéraments sont contrastés. Les uns ont besoin dun cadre serré,
avec des perspectives à court terme ou des étapes évidentes pour assurer leur
meilleur rendement et leur brillance. Les autres ont besoin dêtre en situation
plus souple, à des rythmes détendus et maîtrisables par leur tempérament plus
« secondaire », au sens de la caractérologie, regardant à de plus longs
termes. Un second cycle du secondaire sans la sanction dun baccalauréat
ayant une valeur marchande sur lespace des droits à lenseignement
supérieur serait, en effet, privé dune motivation forte à des études dont
la finalité échappe souvent aux élèves.
ORIENTATION ET PIEGES INEGALITAIRES
Question brûlante que celle de légalité des chances promises aux jeunes
Français confrontés à léchec scolaire et à la sélection par la négative
qui en découle, mais aussi et par suite, celle de leur orientation accouplée vaille
que vaille à nos procédures dévaluation.
Il importe donc de mettre en échec les causes, non de linsuccès relatif,
mais de léchec scolaire : lequel peut survenir par le biais des langages,
par celui des pièges identitaires, ou par le fait des confusions de nos pratiques
dévaluation qui sélectionnent en obturant les voies dorientation.
Sans doute ne faudrait-il pas incriminer de façon radicale et injuste les enseignants
et lécole à propos des difficultés qui tiennent, pour certains élèves, à
leur origine socioculturelle. Lintégration des classes sociales les plus
défavorisées pose le problème crucial de la nature de la société et du degré auquel
lécole peut elle-même accélérer le processus dassimilation. Il faut
aussi attendre des améliorations, pour lintégration des populations dans
le cadre de lEurope, par le fait de lenseignement précoce des langues
étrangères et des langues de cultures dorigine qui se développe. La participation
des élèves nest quapparente : cest le discours magistral
qui domine et lhétérogénéité est rarement prise en compte. De la sorte,
bien quil existe une minorité de réussites encourageantes, les pratiques
pédagogiques restent décevantes. Même dans le champ des rapports écrits entre
les enseignants et leurs élèves, par la voie des corrections de copies, les annotations
sont trop souvent difficiles à comprendre, vagues, trop abondantes, ambiguës .
Ce peut être loccasion pour les enseignants de mettre en uvre dans
leurs classes des exercices de lectures de consignes, parmi léventail des
moyens dune pédagogie différenciée et en vue dune formation méthodologique
de leurs élèves. Il apparaît donc que, si les procédures de sélection successives
dans le système scolaire jusquà linscription dans lenseignement
supérieur étaient fondées exclusivement sur le potentiel intellectuel mesuré par
le QI, on aboutirait à une diminution notable de linégalité. Les incidences
de lorigine sociale, de lâge et notamment du profil scolaire qui prédestinent
le jeune pour la suite, sont pesantes. Cest dans les filières jugées
moins « nobles » que la fréquence des réorientations vers le second
cycle court, des exclusions et des abandons est la plus élevée. Peut-on encore
parler diplomatiquement dorientation qui serait fiable et juste ?
Ou ne faut-il pas parler encore de sélection élitique, purement et simplement ?
Aux distorsions dune telle sélection sévère et inégalitaire opérée dans
le premier cycle, il faut ajouter celles du second cycle avec les réorientations,
les redoublements, les abandons et les succès ou les échecs au baccalauréat dun
certain type. Il faut souligner, limportance du travail en équipe des enseignants
en vue déquilibrer leurs diagnostics et leurs points de vue multiples (la
concertation des enseignants nest pas aisée ni le travail en équipes solidaires
facilement pratiqué). Il en résulte pour la direction de chaque établissement
une tâche difficile en vue daccroître ou maintenir la tolérance réciproque,
puis de chercher, sans solution unitaire ou totalitaire ni laxiste, des formes
modérées mais efficaces de concertations disciplinaires ou interdisciplinaires.
Une telle considération réciproque doit également être développée entre les professeurs
des différents degrés et niveaux, ainsi quentre tous les acteurs du système
éducatif et scolaire. La pédagogie nest-elle pas lart de la fraîcheur
conjugué à une connaissance scientifique des contraintes de léducation ainsi
que des ressourcements chez les jeunes ? Quest-ce qui empêche, sinon
lempreinte du mythe identitaire, le professeur de diversifier afin de tenir
compte des différences de tempérament, de situation, de sentiments de son groupe
de jeunes ?
LEVALUATION EN PROCES OU EN PROGRES ?
Lévaluation, établie selon ses diverses formes, devrait, en effet, permettre
de choisir, de renforcer et de soutenir les procédures de formation utiles
à chaque individu, en même temps quelle éclairerait sur les orientations
les plus profitables à celui-ci, lui donnant lopportunité de se préparer
de façon motivante pour les sélections institutionnelles qui lui offriraient les
meilleures chances et satisferaient les attentes sociales.
Les notes et les moyennes incessantes, si elles peuvent encourager certains élèves
et complaire aux tenants de lélitisme , ne peuvent y réussir quen
décourageant dautres éléments dune classe ou dun établissement,
en disqualifiant la lenteur, la singularité ou lapproximation de leurs résultats
provisoires. La sécurisation est donc déprimée pour les élèves dits faibles ;
leurs élans de développement peuvent prématurément avorter. Que deviennent les
espoirs de valorisations, et donc les motivations à progresser pour nombre délèves ?
En termes de visées, il sagit pour les enseignants de soutenir, dans la
confiance, le travail de chaque élève, de rythmer leurs efforts dapprentissage
et dacquisition des savoirs requis. Lintention dencourager peut
effectivement saffaiblir par lassitude ; celle de rythmer le travail
peut sémousser ; les contrôles peuvent être crispés et les corrections
se durcir par impatience ; les projets sont également sujets à être raidis,
à force de souci professionnel, en jugements plus ou moins définitifs écornant
lorientation et brouillant les voies de formation : lémulation
peut basculer en compétition hargneuse. En fait, les notations sont soumises à
de multiples phénomènes qui altèrent leur constance et leur fiabilité entre plusieurs
notateurs, mais aussi pour le même notateur à des moments différents. Lusage
de la moyenne construit immanquablement la médiocrité comparative ou léchec
dun grand nombre délèves sans leur donner des indications sur des
lieux de progrès possibles pour chacun deux. Car, en fait dévaluation
formative « lobjectif est donc dobtenir une double rétroaction ;
rétroaction sur lélève pour lui indiquer les étapes quil a franchies
dans on processus dapprentissage et les difficultés quil rencontre ;
rétroaction sur le maître pour lui indiquer comment se déroule son programme pédagogique
et quels sont les obstacles auxquels il se heurte. LInspection générale
observait que les élèves semblent parfois posséder des connaissances quon
ne leur supposait pas, notamment en zones déducation prioritaires, et quil
est donc très important que les opérations dévaluation évitent que ne perdurent
des représentations fausses.